Shakespeare : In love with the game !

« Mon ami, pour l’amour du joueur, ne t’abstiens pas
D’ouvrir cette boite et jouer avec moi.
Béni soit l’homme qui pratiquera ce nouveau Ystari
Mais maudit soit celui qui, à la légère, en rit »

C’est sur ces mots d’inspiration toute trouvée que s’ouvre cette article sur la future sortie Ystari. Cette nouvelle boite renoue avec un domaine de jeu dans lequel la maison d’édition excelle et a produit ses plus grands succès, des plus connus comme Caylus, Myrmès ou Sherlock Holmes aux moins success-story-et-pourtant-qu’est-ce-qu’ils-sont-bons Amyitis, Sylla, Bombay : les jeux qui relèvent de “l’intelligence pure”, les jeux de gestion, “à l’allemande” comme l’histoire ludique nous l’apprend, même si l’époque actuelle montre que cette “taxinomie ludique” n’est plus. N’y voyez aucunement un classement élitiste sur cette catégorie de jeu où la réflexion et la stratégie l’emporte sur le chaos et le “party”, mais juste une façon un brin cavalière et provocatrice de cerner de quoi il retourne. Et celui qui ne se retournera pas en sa dernière demeure de Stratford-upon-Avon, c’est celui dont le présent jeu résonne presque comme un hommage, celui qui donne au jeu son titre :

Shakespeare donc, dernier sortie des mains ludiques de M. Cyril Demaegd et M. Thomas Cauët, est le fruit des émanations corticoïdées de RV Rigal, grand “prototypeur” devant l’éternel. 2 à 4 joueurs (avec variante Solo incluse) se retrouvent auteurs et metteurs en scène. À eux incombent la lourde tâche, en une semaine, de créer un chef-d’oeuvre théâtrale auquel sa majesté la Reine assistera, apportant alors à cette belle plume certitude glorieuse quant à son avenir littéraire.

Le joueur se croit sage, et le sage se reconnait joueur

Vous voici donc, au cours des 6 journées-tours, à recruter acteurs et artisans, créer costumes et décors afin de répéter et obtenir le plus de prestiges. Décors (carrés en 6 couleurs) et costumes (ronds en 6 couleurs) sont piochés depuis des sacs à chaque tour. Les personnages, représentés par des cartes recto-verso, sont également disponibles en une certaine quantité, fonction du nombre de joueur, pour chaque tour.

Chacune de ces journées sera découpée en 6 phases, rapides et toutes avec leur petit lot de prises de décisions cruelles et autres frustrations ludiques. Revue des troupes !

Tu rentres, côté jardin…

La première phase est une mise au enchère et de l’ordre du tour et des actions à dispositions… en quelques sortes… à poings fermés mais beaucoup plus poétique. Chaque joueur a, à sa disposition, cinq cylindres, des cylindres “activation”. Il choisit donc combien il en place dans sa main. Celui qui en mise le moins jouera en premier sur la piste Ordre… mais avec peu d’activations pour la phase suivante. Celui qui en mise 5 fera un maximum d’actions… mais passera en dernier. En cas d’égalité, c’est le placement sur la piste d’initiative qui départagera. Cette piste d’initiative est ensuite vidée.

Il reste à dire également que celui qui mise le moins, récolte également 1 point de prestige… Et voilà, ça commence ! J’ai donc maximum 30 actions par partie… mais j’en ferais moins si je veux jouer plus tôt et afin d’optimiser au mieux, seul façon de l’emporter. Jouer à flux tendu en essayant de toujours être le premier risque d’être un peu court en actions mais apporterait 6 précieux points de victoire…

Allons sagement et doucement : trébuche qui court vite

Lors des recrutements et activations, vous réaliserez, alternativement, une action en suivant la piste Ordre. Celui qui a le plus d’activations à disposition pourraient bien finir par répéter seul ! Vous pourrez à votre tour, recruter un nouveau personnage (une fois par jour) ou activer vos personnages. À la première activation d’un de vos personnages, vous placerez votre marqueur Initiative sur la première place disponible.

Arrêtons nous sur les personnages : Chaque personnage, acteur, artisan ou autre, est caractérisé par le salaire qu’il faudra lui verser à l’issue du jeu et son pouvoir d’activation. L’acteur a, en plus, trois espaces pour les étoffes de son costume, d’où une capacité pour de bonnes répétitions. Vous commencerez la partie avec 4 personnages fixes placés sur votre plateau personnel et 1 choisit.

La costumière vous permet de prendre autant en valeurs de costume (de 1 à 5 suivant la couleur) parmi ceux proposées que sa valeur (6 ou 8). Un costume complet rapporte Livres et prestige et permet à l’acteur de participer à la répétition.

Le décorateur fonctionne de la même façon avec les décors. Seulement, les décors répondent à quelques règles de construction comme la symétrie ou le fait de monter de bas en haut, le décor supérieur s’installant sur deux décors inférieur. Les décors améliorent l’ambiance (ou pourrissent celles des troupes adverses), rapportent quelques sous voir motivent les artisans par des jetons +3 à utiliser au bon moment.

Les acteurs influent sur l’ambiance et bien sûr sur la qualité des actes de la pièce, à quelques exceptions près.

D’ailleurs, lors du recrutement d’un acteur, il est possible de le trouver trop cher. Il est alors temps de retourner la carte pour laisser apparaître un figurant, gratuit mais néanmoins à costumer. De quoi éviter de voir un talentueux rejoindre une troupe adverse.

Hamlet, qui réclame un salaire de 5, fait baisser, lors de son activation, le moral des autres théâtres de 1 avant de faire monter d’une case le jeton sur la piste jaune de l’acte II. Une fois costumé, il donnera un point de prestige à chaque répétition

Enfin, pour être complet, reste les assistants qui bonifient les artisans, l’orfèvre qui permet d’accéder à couleur doré des costumes et des décors et pour terminer, la Reine qui verse une obole ou une carte Objectif pour toujours plus de prestige.

L’espérance d’une joie est presque égale à la joie !

Grâce à l’activation de personnages, la construction de décor ou autre, l’ambiance peut être au beau fixe dans votre théâtre… ou pas ! Et la phase d’ambiance demande justement à chaque joueur de vérifier le moral de la troupe. Les éléments de décor violet non-construit pourrisse la vie à toutes les troupes, puis, en fonction de son positionnement sur sa piste d’ambiance, il y a à gagner… et à perdre si la morosité l’emporte. Prestige, monnaie voir qualité de prestation pourront ainsi évoluer au gré de l’humeur. De comiques comédiens seront donc les bienvenues.

La Répétition en costume n’arrivera que lors des tours 4 (la “couturière”) et 6 (la “générale”). Les acteurs dont le costume est terminé y prennent part et font avancer, en fonction de la couleur des plumes inscrites sur le pouvoir de costume, les marqueurs des joueurs sur les trois pistes d’Acte, rouge (acte I), jaune (acte II) et bleu (acte III). Plus on avance dans la mise en scène de ces actes et plus les rétributions sont intéressantes, tant en terme d’argent que de prestige. Négliger un acte et la punition sera immédiate.

Repos de l’âme fait bon ménage

Pour la cinquième phase, les personnages, décors et costumes non-sélectionnés sont défaussés et d’autres sont tirés des sacs et paquet idoines. Puisque l’on connait la constitutions des réserves, vous saurez si l’espoir vous est permis. Mais peut-être préfèrerez-vous ne rien attendre d’un destin parfois trompeur pour forgez le vôtre à la force de votre cerveau.

Dernière et ultime phase : Tous les personnages ayant été activés seront placés, via un jeton Repos, en… repos… sauf un ! Enfer et Damnation, quel est donc celui qui, des traits de son maître, renforcera l’harmonie au tour prochain. Ces derniers choix seront simultanés et sans en attendre rien des concurrents.

À l’issue de la dernière répétition général, quelqu’ultimes décomptes auront lieu. Les cartes Objectifs rapporteront de 0 à 3 points de prestige en fonction de leur réussite, les costumes et décors dorés rapportent 1 point de Prestige chacun et viendra alors le moment de payer sa troupe, sachant que chaque personnage non payé fait perdre 2 précieux points de Prestige. C’est enfin le plus prestigieux joueur qui l’emporte et le plus riche en cas d’égalité, s’envolant alors vers un destin aussi prestigieux que le maître dramaturge Shakespeare.

Je crois que j’ai beaucoup aimé ma première partie… et je dis pas ça parce que j’ai gagner… en poutrant Monsieur Fred Henry

Monsieur Phal

Jouer ou ne pas jouer…

Jouer, enfin ! La question se pose-t-elle vraiment ?.. Non, elle n’est que rhétorique et figure de style tellement il y a là tous les composants d’un Ystari où le thème se marierait plus qu’agréablement avec des mécanismes léchés, où l’histoire ainsi narrée serait plus qu’un beau décor de bois et de papier avec tout le cirque d’arrière-scène caché derrière. Ressentir le thème, ne s’effaçant pas au cours du jeu, est un vrai plaisir… et pourtant, ce n’est loin d’être le jeu avec le plus de pistes différentes : 9 pistes différentes (mais toutes ne sont pas à surveiller étroitement, ouf !)

Un plateau individuel avec le décor, le moral et les premiers personnages, dont le maître, à graviter autour de notre pièce… place au théâtre !

Les axes de développement proposés par les pistes de répétition, les décors et les costumes permettent d’envisager plusieurs stratégies, voir de tenter de faire un peu de tout. Et si plusieurs parties vous permettront d’approfondir le jeu, il y a un plaisir immédiat dés la première partie par la (relative) simplicité et intrications des règles qui s’enchaînent aisément.

L’interactivité, non seulement présente lors de la mise et des activations alternées, s’invitera également comme les choeurs d’une tragédie grecque par la lecture du jeu des autres : Que veulent-ils ? Puis-je les bloquer ? Cette étoffe les feront-ils trébucher ? Cette mise, avec cette initiative, les feront-ils couiner ? Autant de moments où les regards iront des uns aux autres… et autant de coups… de théâtre !

Les scores tournants autour d’un peu plus d’une vingtaine de points, les objectifs et les éléments dorées pourraient bien faire la différence… et puis savoir payer sa troupe comme il le faut demande un gestion à terme échu bien balancée.

Enfin, les illustrations et colorations de Nériac et Arnaud Demaegd, belles (voir superbes sur certains personnages), apportent une touche justement théâtrale à l’ensemble, renforçant encore le plaisir d’y jouer. Pénétrer ainsi dans l’univers du plus célèbre dramaturge, auteur comique et tragique, acteurs aussi ne peut qu’aboutir à une conclusion évidente : “On s’en refait une ?”… et comme ce devrait être disponible pour la rentrée 2015, il ne reste plus guère qu’à travailler notre volonté et patienter, car comme le dit Shakespeare dans Othello : “Notre corps est notre jardin et notre volonté est le jardinier !”

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Shakespeare
Un jeu de RV Rigal
Illustré par Arnaud Demaegd, Neriac
Publié par Ystari Games
2 à 4 joueurs
A partir de 13 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 60 minutes
Prix: Non renseigné




[Amyitis][Bombay][Caylus][Myrmes][Shakespeare][Sherlock Holmes - Détective Conseil][Sylla]

13 « J'aime »

Merci M. Guillaume pour cet article enthousiaste et pour la profondeur de votre citation finale :

Notre corps est notre jardin et notre volonté est le jardinier !

Mais ne connaissant pas Othello, le panda joue quel rôle?

Ho, un jeu de cubes en bois tout en couleurs ;) Merci pour cette news passionnée et passionnante Monsieur Guillaume !

Un des rares jeux Ystari qui est accessible au commun des mortels. J'ai joué, j'ai compris et j'ai apprécié le jeu à la fois pour sa profondeur et sa "relative" simplicité.

6 « J'aime »

Instabuy !

Quoi que si Matthieu a aimé finalement j'hésite :-)

2 « J'aime »

Et il a bien joué en plus...

1 « J'aime »

Testé à PEL, la révélation JDS de cette année pour moi. hâte d'y rejouer.

Révérence à l'auteur, monseigneur RV Rigal, et au metteur en scène, monseigneur Karis, ainsi qu'à la troupe complète dont sieurs Arnaud Demaegd et Neriac

1 « J'aime »

Et hop, encore une boîte "marronnasse" qui va rejoindre ma ludothèque :-)

Vous vous êtes inspirés de celle d'Hansa Teutonica ou bien ? LOL

Ystari + cubes en bois + Shakespeare ... ouai mais là les enfants, comment voulez vous que je résiste ... vais craquer forcément :)

1 « J'aime »

Alors si Matthieu y a joué et a aimé, je ne peux être que satisfait.Merci Monsieur Guillaume pour votre plume aussi belle et votre verbe si positif

1 « J'aime »

Need.

Euh sans avoir testé...des similitudes avec Drum Roll ?

Kralsaa, je viens de survoler les règles de Drum Roll, que je ne connaissais pas du tout, c'est vrai qu'il y a des ressemblances, surtout car ce sont des thèmes de spectacle, donc forcément, les actions peuvent avoir des similitudes, pour le reste, l'agencement des mécaniques, notamment, ne permet pas de dire que c'est la même chose.

je ne peux que t'inviter à le tester...

et attendre tes impressions...

RV

Comme quoi le fait que Matthieu apprécie un jeu ne veut pas dire qu'il ne soit pas complexe ! Shakespeare, c'est pas non plus Splendor en termes d'accessibilité.

Si c'est du même niveau qu'Amyitis, je vais être obligé de l'acheter