Sagrada / Azul - Vitraux de Sintra : éclaircissements ludiques

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Apporter le savoir par la lumière. Transcender l’âme par la composition illuminée et colorée venant des hautes sphères célestes. Telle est la mission des vitraux. Et par rebond, celle du vitrailliste. Mais est-ce la profondeur de réflexion, la beauté tactile et visuelle de cet art décoratif, ou bien un simple hasard de circonstances, qui amène à la naissance de deux jeux abstraits proches mais pourtant bien différents ?

Par mes cathédrales !

Et oui, vous l'avez bien vu dans l'image d'en-tête, aujourd'hui nous allons en quelques lignes mettre en lumière des fenêtres ludiques. Car il est parfois bon de rendre plus transparente les différences opaques entre deux jeux sensiblement proches mais qui, pourtant, ne donneront pas la même couleur à vos soirées-jeux.

Sagrada, premièrement, car c'est le premier qui vient débord, est un jeu issu de l’imaginaire enluminé de Daryl Andrews et Adrian Adamescu. Après avoir brillé de succès lors d'une campagne Kickstarter en Automne 2016, le jeu est sorti en boutiques ludiques francophones le 19 Juillet 2018 dernier par l’entremise de Matagot. Illuminé par le trait coloré de Peter Wocken, Sagrada propose aux joueurs de constituer un vitrail de l’éponyme cathédrale conçue par l’architecte naturaliste-moderniste Gaudi, dont les travaux débutés en 1882 se poursuivent encore à l’heure actuelle.

Azul - Stained Glass of Sintra va quant à lui projeter les couleurs de Next Move lors du salon d’Essen. Le jeu sort des doigts du maçon ludique Michael Kiesling, toujours accompagné de Chris Quilliams au barbouillage. Monsieur Michael, qui ainsi passe du sol aux fenêtres (et prévoit probablement de retapisser toute la maison), signe avec Stained Glass of Sintra une sorte de spin-off d’Azul. Spin-off car si les deux jeux abstrait partagent une mécanique de sélection commune, nous avons bel et bien affaire à deux propositions ludiques différentes, la version Sintra s'adressant à un public plus gamer que son aîné carrelé.

Querelle de clochers !

Mais ce qui lie Azul - Stained Glass of Sintra et Sagrada n'est pas qu'un rapprochement purement thématique. Déjà parce que bon, hein, niveau thématique, force est de constater que l'on a ici plutôt affaire à deux jeux abstraits, habillées d’une belle esthétique qui leur sied, tout de même, assez bien. Sagrada et Azul - version carrelage comme vitrail -, sont tous deux portés par une mécanique commune de sélection de ressources, effectuée joueur par joueur au sein d’un pool limité à chaque manche, entraînant des choix stratégiques, opportunistes, mais aussi de pourrissage des adversaires.

On trouvera aussi, dans le cas des deux jeux, l’objectif de constituer un tableau coloré devant soi, en agençant selon certaines règles de pose les différents éléments de jeux colorés.Tric TracMais les comparaisons s’arrêtent là. Quoique proches, les deux jeux ne provoquent pas les mêmes sensations, ni la même réflexion.Dans Sagrada, la mécanique est proche de celle d’un casse-tête. On anticipe les coups, on fait attention à la valeur et couleur des dés composant notre vitrail, tout en respectant des objectifs personnels et privés. La tension monte peu à peu, à mesure que la composition de notre vitrail s’avère être une mécanique bien huilée ou un piège mortel. Il est vraiment important de planifier la résolution de son ouvrage, tout en se laissant des portes de sorties, mais aussi de prendre en compte la capacité de nuisance de vos adversaires.Tric TracDans Azul Stained Glass, point question de tout remplir, mais plutôt de s’arranger pour remplir les vitraux rapportant le plus aisément et fortement des points. C’est avant tout sur le tempo que se joue le jeu. Azul Stained Glass challenge votre faculté à jouer les bonnes actions au bon rythme, en prenant garde à l’ordre dans lequel se déroulent ses-dites actions mais aussi celles de vos adversaires. A quel moment va-t-on griller un tour à ne pas récupérer de tuiles pour revenir au début de son ouvrage, quand va-t-on se saisir d’une couleur du centre, quand va-t-on remplir un vitrail afin de profiter d’éventuelles combos de points ?Tric TracL’importance tactique de surveiller les actions des autres joueurs à table a tendance à pousser les deux jeux dans une catégorie plus cérébrale et « joueur » que ne pouvait l’être Azul (lui un peu plus casual). On est clairement un niveau de profondeur au-dessus. Néanmoins, il reste dans les deux cas tout à fait possible et plaisant de jouer à l’emporte-pièce. L’aspect kinesthésique de ses jeux leur donne un attrait et une compréhension assez immédiate, même auprès des non-joueurs.

Du coup, c'est la guerre ?

Alors oui, c’est un peu délicat, et peut inviter au commérage, de voir deux jeux en apparence aussi proches sortir dans un court laps de temps. Hasard de l’air du temps, à l'image des cousins d'inspirations Photosynthesis et Arboria de l’an passé ?... Il n’empêche que l’on se retrouve avec deux jeux aux sensations vraiment différentes, et pour être amateur des deux, je préfère avoir pour regard le biais d’y voir une bonne richesse ludique autour d’une même réflexion de théma-esthétique. Pour Sagrada comme Azul, on se retrouve avec un jeu pouvant plaire aux joueurs "casuals" autant qu'aux amateurs de la chose ludique, avec un abstrait intelligemment et joliment emballé (et ça, ça fait très plaisir aux yeux et aux doigts).Tric TracC’est ensuite à votre sensibilité de sensation et de défi mécanique de trancher, et pencher plutôt vers l’un, l’autre, ou pourquoi pas, après tout, les deux. Êtes-vous casse-tête ou rythmique ? Connexions dans l'espace ou agencement temporel ?

Pour avoir à cœur de ne pas vous tromper, car telle est notre mission aux yeux du grand dieu du jeu Ludicar (mais où est-il donc ?), nous avons réalisé des petites vidéos, où l'on espère que vous trouverez de quoi picorer votre plaisir entre l'ambiance, les règles, les visuels et les réflexions.

Sagrada réjouira les amateurs de couleurs non-adjacentes, de valeurs éparpillées, de positionnement réfléchi, et de plan de travail se déroulant sans accrocs.

Azul - Stained Glass of Sintra réjouira les amateurs de céramique sur mur, de retour à la ligne, de rythme de croisière, et de mouvement dans le bon temps imparti.

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J’aime bien Azul à 3 ou plus mais je trouve qu’à 2 il a un côté très punitif qui n’est pas à mon goût. A l’inverse, Sagrada est plaisant dans toutes les configurations. En tout cas j’ai hâte de découvrir ce nouveau bijou. Mais la vraie question piège est : lequel préfères-tu, toi ? ;p

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Ben vraiment, j’aime les 3.
Alors j’avoue que maintenant, j’ai une petite préférence pour Sagrada et Azul Sintra, car le niveau de défi de Sintra me parle plus que celui du premier Azul.
Donc je préfère les deux =P

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C’est cool comme ça tu fais ton introduction avec des nouveaux joueurs en leur proposant Azul, puis tu les pousses un peu plus loin avec Azul Sintra, puis tu leur fais découvrir Sagrada avec “de la gestion de dés”. Bon le “danger” c’est que ces nouveaux joueurs risquent que de penser que les jeux modernes ce sont en fait que des jeux de vitraux et de carrelage :wink:

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Azul à 2, je le trouve au contraire très plaisant : on a plus de contrôle car moins chance qu’un joueur nous pique notre coup et on peut plus facilement prévoir les coups “forcés” de fin de manche.
Alors certes on va d’autant plus jouer une stratégie de pourrissage de son adversaire que d’optimisation de ces points et ça peut ne pas plaire à tout le monde. Je fais d’ailleurs moi-même attention de ne pas y aller trop fort quand je joue contre ma compagne, histoire de préserver mon couple ! :smiley:

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