Qui sont ces serpents qui nous sifflent des sornettes ?

[Bluffer][Insider インサイダー・ゲーム][J’y crois pas !]

Une question, trois propositions, une seule bonne réponse et 4 à 8 joueurs pour la donner, le concept est on ne peut plus simple. Il est même trop simple, au point que ça en devient louche. N’y aurait-il pas anguille sous roche, ou quelque chose qui y resssemble ?

Pour commencer, le concept de départ est simple, mais la question est difficile. Alors on hésite, chacun y va des éléments qui en toute bonne foi bien entendu, l’orientent vers l’une des réponses, ou le poussent à en éliminer une autre, celle qui paraît être la moins plausible. Puis vient le moment de la décision, il faut sélectionner l’un de ses trois jetons de réponse : A, B ou C. Après avoir fait son choix, influencé par les avis qui semblent être les plus sensés, chacun retourne son jeton. Et là c’est terrible ! car on constate immédiatement que parmi les réponses, justes ou erronées, à peu près la moitié des joueurs ont retourné à la place un jeton de serpent ! Les traîtres ! Regardez ces yeux sournois et ces sourires narquois d’ophidiens, fiers d’avoir manipulé nos influençables esprits de simples humains !

Ce n’est pas forcément évident de se représenter que ces gens, que peut-être on côtoie depuis des années, que l’on considère éventuellement comme des amis proches, puissent sans une once de gène nous baratiner avec autant d’aplomb, les yeux dans les yeux, pour nous induire en erreur. Pourtant en réalité on le sait dès la mise en place de la manche, la moitié des participants, arrondie à l’inférieure, a reçu une identité secrète qui fait d’eux de vils reptiles. Eux savent dès le départ laquelle des trois propositions est la bonne, ils feront tout pour en écarter les humains.

Tric Trac

Des humains, des serpents et...

Avec une telle proportion de traîtres dans le groupe, le but ne sera pas d’être une majorité à voter en faveur de la bonne réponse. Avec ses propres jetons, chacun fera individuellement son choix. Cependant les points marqués sont directement liés au nombre de bonnes ou mauvaises réponses, il y a donc toujours un intérêt personnel à guider les autres vers ce que l’on pense être profitable, selon qu’on a le sang chaud ou le sang froid. Chaque serpent marque autant qu’il y a eu de mauvaises réponses (ils n’en fournissent pas eux-même, ils jouent leur jeton de serpent à la place). Parmi les joueurs qui ne sont pas des serpents, ceux qui ont bien répondu marquent autant qu’il y a eu de bonnes réponses. Déterminer qui sont les serpents de la manche en cours n'est pas l'objectif, mais s’en faire une idée aide à faire son choix.

Tric Trac

J’ai écrit « les joueurs qui ne sont pas des serpents » plutôt que « les humains », car dans son combat contre la fourberie serpentine, l’humanité possède un allié, il s’agit de

la mangouste de la vérité !

Tric Trac

En effet, à partir de 5 joueurs l’un d’eux reçoit comme identité la mangouste, il est le seul à révéler son rôle dès le départ. Quelle est donc l’aptitude particulière liée à ce personnage unique ? Et bien pour commencer le joueur en question se voit remettre l’effigie de bois représentant le courageux animal, ensuite… c’est tout.

C’est déjà grave la classe quand même, mais surtout cela place le joueur dans la position de celui, le seul, à qui l’on peut se fier, tout du moins concernant sa rectitude argumentaire. Il y a peu de chances qu’il connaisse la bonne réponse à la question posée, cependant son raisonnement peut être entendu sans crainte qu’il ne louvoie à des fins retorses, l’accuser de tromperie rampante n’aurait aucun sens.

vigilante

La quête de la vérité

Hors le rare cas où la mangouste sera sûre de son fait, il y a toujours matière à débat sur la question qui est posée. Ces dernières portent sur des faits peu connus et étonnants. Par exemple,

D’après une étude de Logitech, dans 4 % des cas, on retrouve la télécommande…

A – sous le canapé.

B – dans le frigo.

C – dans un sac à main.

ou

Comment Steve Jobs luttait-il contre le stress ?

A - En jouant au Solitaire sous Windows.

B - En trempant ses pieds dans les toilettes de l’entreprise.

C - En mangeant une pomme.

Si la tablée compte un fan d’Apple, peut-être celui-ci connaît-il la réponse à cette dernière question, mais peut-on simplement se fier à lui ? Bien sûr que non.

Il n’y a pas de tour de table, la discussion est libre, aussi l’expérience du jeu profite mieux à tous lorsqu’on laisse à chacun de la place pour s’exprimer. C’est de toute manière plutôt l’intérêt du camp qui recherche la vérité d’entendre tout le monde.

Tric Trac

Je le savais !

Pris dans son rôle, un serpent peu subtil peut se montrer trop affirmatif au terme d'un raisonnement bien trop sinueux, mettant pratiquement à jour sa duplicité et indiquant par là même que la réponse qu’il indique n'est probablement pas la bonne. Probablement seulement, car un serpent plus subtil peut tout à fait s'adonner volontairement à des contorsions argumentatives pour faire croire que la réponse qu’il suggère est à proscrire, alors qu’elle est en fait la bonne… c’est risqué, mais ça fonctionne. Il n'est pas rare non plus qu’un argument jugé solide par l'humain qui le fournit paraisse tiré par les cheveux aux autres, d'autant que leurs soi-disant camarades ne manqueront pas de les encourager dans ce sens… mais si tout le monde sauf une personne rejette une même réponse, est-ce que cela ne signifierait pas qu’il s’agit de la bonne ?

Tric TracJ'aurais du voir les signes...

Comme les serpents peuvent anticiper le raisonnement humain, il est difficile d’établir des règles de déduction simples et fiables, il vous faudra vraiment tenter de lire les autres joueurs sur le moment. Vous aurez 120 questions, soit à peu près 20 parties en 6 manches, pour faire le tour du jeu et savoir comment mettre en place ou contrer les meilleures stratégies de tromperie.

Culure « G » comme « Golerri »

Certaines questions laissent moins de place à une réflexion, comme celle des deux matières composant les pantoufles de Cendrillon dans la version allemande du conte par exemple. Elles sont sans doute moins intéressantes, mais on trouve toujours malgré tout des choses à dire pour se forger un avis. J’apprécie moins les questions qui n’ont pas une réponse très « solide », du type de celles commençant par « D’après plusieurs études scientifiques… ». Je regrette aussi que des petits textes ne viennent pas compléter certaines réponses. SNAKESSS est un jeu social bien plus que de culture générale, mais cela n’empêche pas qu’on se retrouve souvent à chercher des compléments d’information sur internet pour satisfaire notre curiosité éveillée par la question.

Le comportement de la mangouste est un peu révoltant quand on y pense.

Pour votre culture G, voici le terrible combat de la mangouste et du cobra, tel qu'immortalisé par le naturaliste Marcel Gotlib.

De bois et d'aplomb

La matériel du jeu est tout de carton, de bois pour la mangouste et de papier, tout comme les rangements. Même l’emballage des cartes est fait de bandes de papier indiquant fièrement « avant, j’étais sous plastique » et seules deux pastilles autocollantes sont en plastique, qui viennent remplacer l’enrobage de la boîte. Bon ça reste fabriqué en Chine, mais c’est déjà un effort appréciable. Le format des tuiles de rôles évoque furieusement Insider, un autre jeu coopératif avec un infiltré qui ne veut pas en avoir l’air. C’est difficile de leur trouver beaucoup plus de points communs, mais le public visé est le même. J’ai envie de citer J’y crois pas et Bluffer aussi, où il faut inventer des réponses de manière convaincante (dans le genre de l’Académie des 9 à la télé). Si vous êtes client de ce type de jeux, vous serez vite mordu par SNAKESSS, qui met encore davantage d’ambiance à la table. En plus celui-ci a tout de même une mangouste de la vérité !

Qui sont ces serpents qui nous sifflent des sornettes ?

Un jeu de Phil Walker Harding illustré par Ben Drummond.

Pour des parties réunissant 4 à 8 débatteurs d'au moins 12 ans, durant approximativement 20 minutes chacune, mais franchement ça dépend beaucoup du temps passé à argumenter et du nombre de manches que vous avez envie de faire.

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le jeu des futurs complotistes, assurément…

J’ai fait une partie entière sans voir à quoi ressemblait la carte humain, c’était génial !

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