Quelques jeux d'énigmes pour l'été déconfiné

C’est le début de l’été. Plus que temps de faire un point sur les jeux d’énigmes (le dernier, en vidéo, date de l’hiver) ! Et pour l’occasion, la rédac s’est penchée sur les mystères de comment fonctionne la réflexion de la pensée dans le cerveau humain. Nous avons pour cela recruté une cobaye, prête à nous laisser observer ce qui se passe dans sa tête. Nous n’avons lésiné sur rien. Un budget hollywoodien, des décors de malade, des acteurs professionnels, et surtout, surtout, un excellent cru de jeu d’énigmes. 

 

50 Clues 

    Ariane pénétra dans le bâtiment ancien. L’officine, que ça s’appelait. C’est en tout cas ce que lui avait dit la voix aux akeusents bordelo-toulousaings au bout du téléphone. C’était pourtant une autre voix qui l’avait accueillie.  Une voix flûtée, d’un employé tout de groom vêtu, qui s’était présenté à la rencontre d’Ariane. Accueillant, l’employé se plaçait toutefois de manière à interdire l’accès à l’étage. Là-haut, sous les combles, on entendait les occupants du lieu affairés, terrés derrière le cliquetis de leurs claviers.
    “Madame Ariane, c’est cela ?”
    “Oui.” Ariane regarda l’étrange groom de haut en bas en haut. “Je suis venue pour l’annonce.” Au cas où il aurait été important de le préciser.
    Le groom répondit par l’acquiescement lent d’un long sourire. Il prit le temps de laisser le malaise s’installer confortablement avec des chaussons, une bière, un canapé, une télécommande et Michel Drucker.
    “La chose est simple” lança-t-il enfin, “vous allez être confrontée à une histoire d’enlèvement. Il va falloir tirer les ficelles de tout ça. Ne vous inquiétez pas. Pas de stress, prenez le temps de tirer vos propres conclusions. On est là.”
    Ariane fit un mouvement de tête intrigué. Et inquiet, aussi, un peu. “C’est pour de faux n’est-ce pas ? C’est un test de personnalité ou...”
    Une grande jeep noire s’arrêta dans la rue. “Je vous laisse avec Ragnar. A tout à l’heure.” jeta le groom en ouvrant la porte de l’officine. Un géant nordique sortit de la voiture, et avec lui les vents froids des affaires sordides par -50°. Le géant tenait la portière passager, et attendait poliment qu’Ariane monte dans la voiture.
    Rien de tout ça ne semble normal. C’est louche. Et pourtant, ces gens n’ont pas l’air dangereux. Bizarres, incongrus, mais pas dangereux. Ils attendent. Ariane se demande si elle peut encore faire machine arrière. Se retourner, s’éloigner, les planter là. Mais la curiosité, voyez-vous, c’est autant une vilaine vertu, qu’un agréable défaut... 

50 Clues, c’est une surprise un peu impromptue et relativement discrète qui mérite pourtant le coup de s’y attarder. Francisé par Black Rock dans le courant du mois de Juin50 Clues est une itération de jeu d’énigme en boîte. Rien de nouveau sous le soleil en termes de forme ou de mécaniques, vous aurez assez fortement l’impression de jouer à un Unlock. Un deck de cartes numérotées, des numéros cachés, des visibles, une appli pour gérer tout ça, et même un format 3 scénarios... Pourquoi en causer alors ? 

Parce qu’outre une gestion légèrement différente des associations de cartes via l’appli, c’est véritablement l’histoire liant les 3 scénarios de 50 Clues qui frappe fort. En termes de ton et d’ambiance, la Trilogie Leopold se pose là. 50 Clues, comme le confirme le mot de son auteur Jeppe Norsker en fin d’aventure, c’est un petit projet modeste de faire vivre aux joueurs un récit digne d’un polar nordique. Et alors là, autant vous prévenir, le 16+ de la boîte n’est pas usurpé50 Clues, c’est du vrai polar très noir, très dur, très cru.Tric TracTout au long de ces 3 épisodes qui se suivent pour former une seule histoire, vous allez être confronté à des choix moralement difficiles, souvent glauques et d’une froideur premier degré (voire zéro degré ?). Chaque interaction, plus ou moins sordide, vous impliquera avec force émotion, pour peu que vous y soyez sensible, et ce jusqu’à la toute fin (pouvant légèrement être modifiée par certaines de vos décisions). 50 Clues c’est une expérience émotionnelle encore rare en jeu de société, à quelque Estrella Drive ou This War of Mine près. Et rien que pour ça, ça vaut vraiment le coup de s’y pencher.Tric Trac

    Plantée là dans une campagne morne, Ariane essayait de remettre ses idées en place. À sa demande, Ragnar l’avait menée d’un lieu du crime à l’autre. Chaque fois, Ariane avait fait face à des scènes de crime déroutantes, ou pire, qui l’avaient finalement menée, en étudiant les indices, après 4h d’un voyage au bout de l’enfer froid, à la solution du crime.
    Tout le trajet, toute l’enquête, Ragnar l’avait observée en prenant des notes, lâchant un “Rnf” ou un “Brgm” de temps en temps, signifiant autant “Peut mieux faire” que “Pour moi c’est un oui”. La série noire d’élucidations avait beau être une mise en scène (ça doit forcément être une mise en scène, un truc pour embaucher des flics ou un genre d'expérience sociale), Ariane en sortait tout de même avec des frissons. À ce mal précis, Ragnar avait un remède. 

 

Private Detective 

    Ragnar attrapa la bouteille de scotch, et en versa trois verres. Il tendit le premier à Ariane, alors qu’une voix rauque, éraillée par des années de tabagisme intensif, surgit du fond de la pièce.
    "Ce sera On the rocks pour moi." La silhouette qui vient de parler émerge des tréfonds sombres du bar enfumé. "Alors, elle s’en est sorti comment ?" demande le nouveau venu à Ragnar. Le premier, plus taciturne que jamais, lui répondit d’un hochement de tête. "Dans ce cas… "
    Ariane ne pût s’empêcher de se demander comment ils communiquaient. Ragnar seul était déjà incompréhensible, alors le voir avec son homologue, probablement américain, échanger à base de sous-entendus, non-dits et autres regards lourds de sens relevait du miracle. Et pourtant, lorsque Ragnar porta sa main à sa tempe, leur adressant un geste d’au revoir, avant de passer la porte, le nouveau venu ne parut pas surpris le moins du monde. En fait, il ne parut rien du tout. D’un laconique "On y va ?" il montra à Ariane la direction vers l’arrière-salle du bar.

    Arrivés dans une cour arrière, ils sautèrent par-dessus une grille, avant de se trouver dans la rue. Quelques pâtés de maison new-yorkais plus loin, l’homme ouvrit la porte d’un immeuble sans allure, et monta deux étages avant de faire entrer Ariane dans un bureau miteux. "À vous de jouer. " lança-t-il, avant de porter à son tour la main à sa tempe, et de fermer la porte derrière Ariane, la laissant ainsi seule dans le bureau. L’horloge indique onze heures, et un paquet est posé sur le bureau. Ariane s’en approche…

Le tutoriel de Private Detective vous permet d’appréhender l’utilisation de l’application et de la mécanique de jeu. Je vous parlerai ici principalement de celui-ci, afin de garantir un article garanti sans divalugâchage (enfin, si, mais seulement du tutoriel. Sautez à la section suivante si vous voulez vous éviter cela, mais promis, c’est vraiment un tuto court, sans trop de surprise !)  

Vous vous retrouvez donc avec l’application ouverte, la boîte de jeu posée sur la table, le cartes du tutoriel disponibles. La carte d’introduction du scénario vous demande de scanner la boîte avec votre téléphone. Et là boum ! Première surprise. Même si la techno n’est pas complètement neuve, elle est quand même très bien réalisée, et nous voilà avec un paquet visuellement posé sur la table du salon, ce qui ravit les pupilles de l’enfant qui est en nous.

Et hop, c’est parti : on appuie sur la loupe pour « scanner » la scène de crime. Un cercle rouge apparaît, et lorsqu’il est complété, un nouvel élément nous est fourni. Scannons donc ce paquet :Bon, retroussons-nous les manches et penchons-nous sur cette bombe : on devrait pouvoir y trouver des éléments à scanner. Et si on commençait par le détonateur, tiens ? Le truc à clavier, là ?La deuxième force du jeu réside (notamment) dans cette barre de recherche. C’est-à-dire que le potentiel des possibles devient une question ouverte : on peut essayer de taper absolument ce qu’on veut dans la barre de recherche, il n’y a pas à choisir entre des options bien particulières. J’imagine que techniquement, ce doit être assez complexe à mettre en place (comment ignorer la casse, les tirets, ou pas…), mais le résultat est excellent. La part de control-freak en moi était tout à fait terrifiée, en jouant le « grand » scénar, de rater une info ou un texte qu’il aurait fallut rechercher, mais on sent que les racines Escape de l’équipe éditoriale ont permis d’éviter l’indice trop caché, bloquant et frustrant, pour en faire un défi juste au bon niveau pour une première expérience avec les mécaniques. 

Le système d’association des cartes est aussi malin : on peut associer plusieurs cartes ensembles à l’aide des punaises et fils présents dessus. Une fois le schéma reconstitué, on scanne avec l’appli, qui nous indique les conséquences de notre découverte. C’est très chouette parce que tout à fait dans le thème, et que cela nous permet d’associer non seulement des objets ensemble, mais également des déductions.

Notez que cela fonctionne également pour une carte seule, que l’on pourra inspecter (on peut les repérer grâce au symbole Œil associé). Enfin, la même mécanique est utilisée pour boucler une enquête, avec l’une des cartes de l’ensemble qui a plusieurs versions et dont la punaise est blanche, nous permettant ainsi de sélectionner notre ultime bafouille quant au fin mot de l’enquête.Private Detective est édité par Get Out, et ça se sent. C’est-à-dire que l’on sent que les éditeurs ont poussé un jeu de société depuis l’escape game, et non tiré un escape game depuis le jeu de société. Si si, cette phrase a un sens. Je crois.  

Je ne vous en dirai pas plus quant aux possibilités offertes par l’utilisation de la Réalité Augmentée dans la recherche d’indices, mais elles sont nombreuses, surprenantes, et très malignes. Hâte de voir ce que les auteurs et éditeurs nous réservent comme surprises pour le scénario suivant ! 

    Reposant la pince coupante sur le bureau, Ariane s’épongea le front. Décidément, cette journée n’était pas de tout repos. Elle commença à prêter attention au décor du bureau. Au premier abord simplement décrépit, il apparût de plus en plus sinistre au fil de l’habituation de ses pupilles à la pénombre qui y régnait. Des toiles d’araignée était présentes dans les coins des plafonds, et une encadrure de pierre autour de la porte était gravée de symboles ésotériques. Se penchant par la fenêtre, Ariane remarqua la gargouille qui surplombait la fenêtre voisine. Bien que figée et inerte, celle-ci semblait la fixer.
    Ariane frissonna, et recula d’un pas : elle trébucha sur le tapis épais au sol, et s’affala dans la poussière. Derrière elle, la porte grinça, s’ouvrant sur un long couloir sombre au sol pavé.

 

Exit

     Ariane avait évoluée dans un monde mené par la folie et l’absurde, elle se serait dit que décidément, rien n’avait de sens aujourd’hui. Malheureusement, les énigmes qu'elle traversait étaient bel et bien dictées par le sens de la logique la plus pure, quoi que celle-ci fut parfois plus tirée par les cheveux qu’une tête réduite. Qui plus est, aucun lapin blanc ne l’avait entraîné dans un terrier (condition sinéquanon pour vivre une journée dans laquelle rien n’a de sens).
    Point de fuite dans la chapellerie folie possible. Sa pensée, Ariane la lisse. Rien à faire que suivre la froide et implacable logique brute, aussi irréelle peut-elle être.
    
Faute d’autre possible, et parce que ça semblait la seule chose à faire, Ariane s’enfonça donc dans le couloir exigu. Une enfilade de corridors aussi éclairées qu’une nuit nuageuse et sans lune débouchèrent sur un vaste vestibule. Ariane venait d’entrer dans un manoir d’architecture victorienne, ce qui lui semblait géographiquement aberrant. Des cartes à jouer plus ou moins bien cachées étaient disposées un peu partout, et un disque était placé bien en évidence au milieu de la pièce. 

Exit, c’est l’autre grand nom du jeu d’énigmes en boîte inspiré des Escape Game. On ne va pas vous refaire l’histoire, nous avons chroniqué par le passé les précédentes boîtes ici, là, icelui ou encore céans. Les deux dernières boîtes sont parues en français toujours chez nos jaunes amis de Iello en Août dernier. Oui, il nous a fallu un certain temps pour les recevoir, puis encore pour les jouer, puis encore les chroniquer. Mais on tenait à vous en parler quand même.

Côté Manoir Sinistre, on poursuivra l’intrigue du Fou qui crée des pièges rien que pour vous, déjà croisé dans La Cabane Abandonnée puis Le Château Interdit. L’intrigue avance fort, mais vous serez capable d’apprécier cet opus sans avoir joué les épisodes précédents (ce sera plutôt le plaisir de retrouver l’univers, l’humour, et quelques clins d’yeu qui raviront les connoisseurs).Côté énigme, on est sur du bon niveau de tord-neurone. Du confirmé, ça dit, sur la boîte. On retrouve les habitudes de découpage et de jeux de roues, renouvelés par des tordages de cerveaux inédits (et des découpes à des endroits inhabituels). Mention spéciale sur une construction 3D bien foutue qui a ravi mon amour des maquettes.Pour les esprits plus débutants, le plus simple mais tout de même challengeant Musée Mystérieux saura vous envoyer dans une visite de musée toutes époques confondues (et comment !). Cette boîte prend bien plus les joueurs en main, avec un livret marquant les étapes, à ne tourner que lorsqu’on vous y autorise. En effet, dans la mouvance du très bon Trésor Engloutichaque double-page du livret de ce Musée Mystérieux représente une étape du scénario, et l’on prendra plaisir à suivre un récit bien plus présent et mêlé au sens des énigmes qu’à l’accoutumée.Petit coup de cœur perso sur la roue de cette boîte, que j’ai tripoté toute le partie en me disant bien que ça servirait à quelque chose, toutes ces petites formes anormales. Et quand c’est arrivé... C’était tout à fait inattendu, et mes yeux d’enfants ont brillé !

     Passer du manoir piégé d’un dingue aux couloirs d’un musée, au détour d’une porte à l’étage, avait déjà sacrément chamboulé l’esprit d’Ariane. Mais voyager dans l'Histoire, c’était trop. Ariane avait évité la crise de nerfs et maintenu son sang-froid en restant concentrée sur les énigmes qu’on lui envoyait. Elle tâchait de plus en plus de faire abstraction des voix qui la guidaient, celles-ci trahissant des niveaux de santé mentale plus ou moins alpins ou abyssaux d’un interlocuteur à l’autre. Quand la salle d’exposition revint à la normale, une porte de sortie décida de s’ouvrir. Le petit panneau EXIT la surmontant s’illumina.
     Garder la tête froide. S’en tenir aux faits.
     
Ariane franchit la porte qui la mena au hall d’entrée du musée. Encore une géométrie impossible. Elle n’avait fait que monter, et se retrouvait maintenant au niveau de la rue.
     
Rester concentrée. Ne pas se laisser impressionnée. Tout cela est une mise en scène. Des décors, probablement. Des pièces sous vérins, pompes à niveaux et autres pistons hydrauliques, qui se meuvent doucement et se reforment, donnant l’illusion d’un espace infini. Oui, ce qu’elle traverse est un puzzle, un énorme puzzle. Ce ne peut être que ça. Des décors et des acteurs. Comme cette guide, là, au costume beaucoup trop propret et coloré pour être officiel. 

 

Unlock 

       Le guide à la porte se retourna vers Ariane, souriant :
       "
Alors, la visite vous a plu ? Si vous avez encore un peu de temps, je vous laisse avec ma consœur que voici ! "
       La
 jeune femme s’approche depuis le vestibule du musée, un sourire aux lèvres. Elle souhaite la bienvenue à Ariane. Sur son badge est inscrit son nom : Stéphanie, Musée de la Mer, Ville de Cannes.
       
D’un geste de la main, elle l’invite à la suivre. Arrivées dans une salle longiligne, Stéphanie se retourne.
       "
Dites-moi, êtes-vous familière avec l’histoire du masque de fer ? Non ? Hm, vous avez bien de la chance d’être tombée sur moi. Je suis l’experte la plus renommée de France à son sujet. Saviez-vous qu’aujourd’hui encore, tous les mystères ne sont pas résolus ? Suivez-moi. "
     
Ariane, intriguée, lui emboîte le pas. Dans sa sacoche, les débris de l’assiette brisée qu’elle a ramassés discrètement dans l’entrée alors que Stéphanie regardait ailleurs. Un scintillement dans sa vision périphérique la pousse à tourner la tête à droite. Rien. Étrange, elle a pourtant cru entendre un bruit de chaînes… 

Tric Trac

À la poursuite du Masque de Fer est une mini-aventure Unlock! développée par les Space Cowboys à pour le FIJ 2020. Il se joue en une petite demi-heure pour les plus aguerris, et est un excellent scénario de découverte pour des personnes qui ne connaissent pas le concept.Tric TracLes joueuses et joueurs sont à la recherche de la véritable identité du masque de Fer, et pour cela ils se rendent bien-sûr au musée. Je ne m’étendrai pas sur les twists and turns du scénario, ou sur les mécaniques employées mais plutôt sur les caractéristiques assez générales de cet opus.

Comme je vous le disais, il s’agit là du parfait scénario de découverte : immersif et très varié dans la panoplie des mécanismes auxquels il fait appel, il permet d’avoir une bonne vue d’ensemble de ce qu’est la mécanique Unlock!, et de savoir immédiatement si elle nous convient ou pas. Pour les joueurs les plus aguerris, l’aventure ne présentera qu’un défi très minime, même s’il reste tout à fait agréable d’analyser l’ingéniosité et la fluidité des énigmes. En revanche, il est fort plaisant de voir les yeux ébahis de nos petits camarades découvrant ce qu’il est possible de faire et de vivre avec un simple deck de cartes !Et surtout, quand vous aurez fait tomber les masques, tenez-nous au courant…

    Ariane, haletante, regarda le masque noir qu’elle tenait dans la main. En revanche, la personne présente derrière le masque quelques instants plus tôt s’était volatilisée. Un peu étourdie, elle fit le trajet en sens inverse. Elle remarqua sur sa droite la rouille sur les barreaux qu’elle avait croisés quelques instants plus tôt. Son regard s’attarda quelques instants entre ceux-ci, et il lui sembla un instant distinguer une silhouette au fond de la cellule. Intriguée, elle jeta un œil de part et d’autre du couloir désert, puis se faufila par l’interstice créé par la chute d’un barreau trop usé. Elle s’avança vers le fond de la cellule. 

 

Escape Quest 

    C’était un prisonnier ! Encore ! Mais le bougre dénotait avec ceux précédemment croisés. Déjà, il était assommé. Ou alors, il jouait très bien la comédie. Le faux sang était remarquable. Jamais on n'avait vu si belle commotion. Tandis qu’elle lui décernait mentalement le César de la meilleure interprétation de type pas en forme et-bon-dieu-faîtes-que-tout-ça-soit-pour-de-faux, Ariane remarqua un autre détail incongru.
      
Plusieurs, en fait.
     
Déjà, la tenue du bagnard ne correspondait pas à celle des précédents. Elle paraissait certes datée, mais plus moderne. Le genre de tenue d’encagé que portaient les américains entre les 30’s et les 70’s, avant que l’orange soit le nouveau noir. Mais la bizarrerie ne tenait pas qu’à la tenue de l’homme. Le décor ne semblait pas raccord non plus avec le musée cannois. Les moellons avaient changés. Ariane regarda par la lucarne de la pièce, et constata que la baie qui s’étendait ne ressemblaient pas à celle du Sud de la France.
      
Là-bas est-ce... San Francisco ?
      
L’homme grommela, entre deux inconsciences, une petite phrase scénaristiquement bien à point : “Fuir... Faut f... fuir...”. Ariane remarqua alors qu’il tenait des documents entre les mains. Sans doute son plan d’évasion, car il avait baptisé le dossier Escape Quest - Alcatraz. 

Voilà un grand classique de la thématique d’évasion mis en scène par les excellents Escape Quest de chez Don’t Panic : l’évasion de la célèbre Alcatraz ! L’histoire mise en énigmes par Fabrice Glikman et Maxime Teppe fait pour moi partie des meilleures (passant juste devant À la Recherche du Trésor Perdu des Kaedama et Christophe Swal, et L’Académie des Super-Héros de Florian SirieixFrédéric Vuagnat, et Jean-Jacques Dzialowski). Le récit est prenant, la patte narrative agréable et présente, et les énigmes de nature variée sont bien dosées, entre accessibilité et tordage de cerveau.

Dans Infiltration à Alcatraz, vous incarnez un journaliste s’étant laissé volontairement enfermer en prison. Votre but est double : découvrir les secrets du lieu (il s’y trame des trucs louches) et vous évader pour faire éclater la vérité. Un objectif double qui, fonction de vos choix et découvertes, vous mènera à l’une des quatre fins différentes.Outre les poncifs toujours plaisants d’éléments à détacher et assembler de façons diverses, ainsi que les énigmes mathématiques ou cérébrales par association d’idées, Infiltration à Alcatraz propose quelques mécaniques assez inattendues, comme la possibilité de cacher ses outils d’évasion ou tenter de les récupérer s’ils se font confisquer.C’est aussi l’un des plus jolis en termes d’illustration. Le travail de Maxime Teppe est fin et prend place sur de nombreuses pages, pas seulement par quelques mises en ambiance éparses. L’image, plus que jamais, participe au récit (qui reste le cœur du livre – Escape Quest c’est aussi un VRAI plaisir de lecture), aux sensations, et aux énigmes. Cet Infiltration à Alcatraz est un très bon cru d’Escape Quest, une gamme dont nous avons injustement peu parlé. Pour tout dire, notre seule chronique sur la question remonte au déjà très bon premier tome, À La Recherche du Trésor Perdu.On s’est, pour l’occasion de cet article, (re)fait toute la série, et force est de constater que le niveau s’est maintenu, voire s’est affiné, surtout pour ce qui est de la place laissée aux illustrations. Chaque aventure propose donc son univers, mais aussi ses défis et fantaisies (embranchements d’histoires pour Au-Delà du Virtuel, retour en arrière inversé pour L’Académie des Super-Héros, hubs centraux à explorer pour Seul dans Salem et Le Défi d’Arsène Lupin). Je ne saurais que vous conseiller d’y plonger, par le biais de l’univers qui vous plait le plus, ils sont tous vraiment bon (attendez toutefois la réédition corrigée prochaine du Défi d’Arsène Lupin qui comporte quelques erreurs d’impression). Les Escape Quest sont de beaux défis pour les longs trajets ou les coins de vacances, avec leurs 3 à 4 heures pas usurpées. 

    Libre ! Ariane s’évadait du rocher-prison, en direction de la côte. C'était un job décidément bien étrange. Elle ne savait pas trop ce qu’elle allait trouver de l’autre côté de la passe, si Ragnar, le groom, la voix d’un dingue, des guides de musée, ou un autre personnage bariolé allait la retrouver et l’emmener ailleurs, résoudre un autre mystère improbable, ou si, cette fois, elle avait bel et bien fuit son employeur. A moins que, bien sûr, le bimoteur qui l’emportait ne soit piégé.
     
Une idée saugrenue. Pourquoi en vient-elle à se poser cette question ? Parce qu’elle n’est plus à ça près ? Ou peut-être à cause du bip insistant et du vvvvt vvvvt répétitif provenant de la petite pièce derrière la cabinette de pilotage.
     
Ariane poussa la porte du fond. C’était une toute petite pièce vide. Et au milieu, sur une table, une imprimante. 

 

Escape Kit 

     Il suffit d’un regard d’Ariane et la machine se mit en route. L’imprimante reçu des informations électriques d’un lointain ailleurs, grinça d’une sarabande infernale,  zinzinna d’une musique mécanique, tonitrua d’une symphonie jet d’encre, et cracha une série de feuilles représentant diverses énigmes. 

Escape Kit, pour finir, est notre petite et sympathique surprise ovniesque du jour. Vous le savez si vous avez déjà lu ou vu les articles précédents de cette série (et n’hésitez pas, les jeux chroniqués sont toujours d’actualité), nous aimons, aux escapes en boîte et aux livres labyrinthiques, accoler quelques formats plus étonnants. Et en attendant de recevoir et causer des Magic Puzzle ou de The Emerald Flame, on a décidé aujourd’hui de vous initier à une série d’Escape Game en Print’n’Play.

Le Print’n’Play, ou PnP, c’est l’art des jeux à imprimer chez soi. Un coup de reins de la machine à baver des feuilles et une paire de ciseaux plus tard, et vous vous retrouvez avec un jeu tout en papier, pensé pour, par ses auteurs. Un format dont l’intérêt a grandi avec le confinement, et auquel se prêtent donc aussi les jeux d’énigmes. Escape Kit est de ceux-ci.Au prix d’une modique somme (qui peut se retrouver compressée en achetant des packs), les équipes d’Escape Kit vous proposent diverses Escape Rooms à imprimer et jouer à la maison. Il y en a pour tous les goûts, pour les enfants comme pour les adultes, avec de la difficulté plus ou moins corsée, et la possibilité pour l’organimprimeur de décider s’il joue (c’est complètement faisable) ou s’il masteurise ses cobayes amis. À noter qu’il n’y a pas, ou peu, de destruction de matériel (il vous suffit de réimprimer les rares documents concernés depuis le fichier téléchargé), et que vous pouvez donc faire vivre une même aventure à plusieurs groupes.Tric TracUn accès au site pour entrer certains codes ou accéder aux indices pendant chaque aventure de 60 minutes sera bien souvent requis. Toutefois, un maître de jeu bien organisé, souhaitant proposer à ses joueurs l’expérience de jeu en milieu vacancier coupé du monde, saura préalablement obtenir et conserver ces informations, si elles ne sont pas d’ailleurs déjà disponibles dans le dossier PnP. Pour l’exercice de découverte, nous nous sommes essayés à un pack comprenant trois scénarios.Panique dans l’Espace, clairement enfant, est à réserver aux plus jeunes. Marchant surtout à base de codes à découvrir, le scénario le fait avec habileté et originalité. Certaines énigmes jamais vue pour ma part m’ont tout à fait réjoui, et il est clair que cela fait le taf avec des têtes blondes amatrices de courses au trésor et autres jeux de méninges.Le Braquage du Siècle, niveau expert, va mettre vos réflexions à rude épreuve, avec un peu de capillotractage, mais toujours de la logique. Les indices ne seront peut-être pas de trop pour finir les énigmes dans les temps, qu’elles soient d’associations d’idées, ou d’objets à manipuler. Dur d'en dire plus sur cette bonne expérience ludique sans spoiler.Qui A Tué Madame Duroy ?, enfin, est une escape niveau medium qui vous demande, en plus de la résolution des énigmes, de mener une enquête. Chacune des 7 grandes phases d’énigmes vous permet de collecter des indices qu’il faudra ensuite assembler pour découvrir l’identité du meurtrier. C’est clairement moins intense qu’un Sherlock Holmes ou un Crime Zoom, mais ce n’en est pas moins intéressant, et il y a un vrai plaisir à rassembler toutes ses découvertes et de se dire élémentaire, mon cher Watson.Et nous n’avons là effleuré que quelques-unes des aventures que vous propose les auteurs d’Escape Kit (à vous d’en voir plus en cliquant ici). Certes, il faut apprécier le côté fait main de la chose, inhérent au PnP. Mais le mix entre déplacements dans une ou plusieurs pièces / petite fouille / tripotage d’“objets” / énigmes de papiers donne aux Escape Kit un joli goût de cocktail entre UnlockExit et une vraie escape room. Le tout, avec le plaisir de pouvoir le faire à la maison. Petite cerise sur le caviar appréciable : chaque aventure vous propose des éléments facultatifs de déco, ainsi que des conseils de costumes ou de bande-son pour se mettre encore plus dans l’ambiance de chaque aventure. 

      Ariane assembla les derniers éléments en papier découpé. Elle avait trouvé le code. Un chiffre. Avec plusieurs zéros. Les lumières s’allumèrent et des applaudissements retentirent. Son bimoteur n’avait été qu’un décor, et elle se situait maintenant dans un vaste hangar. Contre les bords de la pièce, des pans entiers de faux-murs peints s’empilaient, représentants chaque lieu qu’elle avait traversé. Des décors en carton-pâte ? Comment était-ce possible ? Tout avait semblé bien plus... réel !
     
Des hommes et femmes en costumes s’approchèrent d’elle. Toutes les personnes qu’elle avait croisées lors de ses aventures, applaudissantes, lui souriaient. Toutes semblaient pourtant étrangement contrefaites, beaucoup plus fausses que lorsqu’elle les avait côtoyées. Comme si ces nouvelles personnes s’étaient cosplayées ridiculement en chaque PNJ de sa journée. Le groom-en-moins-bien s’approcha d’elle :
        
“Bravo ! Bravo ! Merci pour tout ce que vous avez fait !”
        
“J’ai... j’ai réussi ? C'est fini ? J’ai fait ce que vous vouliez ?”
        
“Mais oui ! Vous avez été très intéressante à observer. Nous avons appris plein de choses. Votre manière de penser est tout simplement incroyable.” 
        “Ma manière de... Vous lisez dans mes pensées ?”
      “Voici votre chèque” coupa court le groom. “C’est la valeur finale que vous avez trouvée. Une maigre rétribution à 8 chiffres, certes, mais toute l’Enterprise espère que cet argent vous servira”. D’un geste large, le groom désigna l’assemblée (les employés, donc ?), et remis un chèque à Ariane.
        
Ariane resta interdite. Toute cette somme ? Pour quelques jeux d’énigmes ? Et ces décors ? Ces costumes ? Quelque chose cloche, tout semblait bien plus réel, plus immersif tout à l’heure. Ces visages souriants, ils sont trop... Trop longs. Peut-être faut-il les mesurer. C’est une énigme, encore, il y a quelque chose à comprendre.
         
“Certes, mais cela sera pour vous et vous seule” conclut le groom, en poussant Ariane dehors.
         
La porte de l’officine se ferma. Les employés se tenaient tous derrière la vitre de la porte, observant Ariane, dans la rue, cherchant à démêler les fils de son histoire. Ariane observa son chèque. Puis s’en alla, doucement, perdue dans ses réflexions.
          
Ariane tourna l’angle de la rue. L’officine disparut de sa vue.

        C’est à cet instant que le bâtiment s’envola, dans une série de lumières jaunes et vertes, avant d’aller se poser ailleurs. Plus jamais les employés ne furent aperçus au 17, rue des Grands Champs.

Cet article fut écrit à quatre mains par Winzenschtark et madame Mathilde.
En espérant qu'il vous a divertis et instruits
Tric Trac

 



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Le scénario Unlock A la poursuite du masque de fer est disponible dans le commerce?

Non, c’était une exclusivité pour Cannes (nous mêmes avons bataillé pour une boîte).
Connaissant les Space Cowboys, il n’est toute fois pas impossible de la voir revenir, ou apparaître au final sur leur plateforme de scénario démo en PnP.
Et il reste les échanges entre joueurs.

(je vous avoue que j’en cherche une boîte moi-même)

Merci pour l’info en tout cas!

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Je suis étonné de ne pas voir SHDC dans la liste !? Quelle en est la raison svp ?

Hello !

Il s’agit de la même raison que pour les articles et vidéos précédentes de cette série. On a choisi de ne pas parler des jeux d’enquête. Nous couvrons ici des jeux d’énigmeS.
Le S a son importance, parce qu’il y a plein de petites énigmes à résoudre.

Dans une enquête, y’a certes de la déduction, de la réflexion et de la résolution à apporter, mais ce n’est pas, pour la classification de cette série, un jeu d’énigmes. A la rigueur, une aventure SHDC est un jeu d’énigme sans s. Mais l’on a décidé de plutôt appeler ce genre un jeu d’enquête.

Par contre, faire un équivalent, une ou deux fois par an aussi, avec “Quelques jeux d’enquête pour l’automne” (traitant d’enquête sous diverses formes : murders partys, Crime Zoom, Sherlock, Mystères de Pékin, Intrigues à Venise, Cluedo, Chronicles of Crime et consors), j’avoue que ça tente bien ! En tout cas c’est dans les cartons des envies =)

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Effectivement. Dans les jeux d’énigmes, il y a la série des “Black Stories” qui est excellente, mais pas dans les nouveautés hélas.

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Ça peut valoir le coup de l’ajouter au prochain article. On a déjà causé de jeux plus anciens =)

Un petit retour sur le jeu qui se joue dans sa boîte avec des fenêtres, et des parois à retirer ne serait pas de refus ^^. Je ne trouve pas le nom, vous aviez reçu l’éditeur a Cannes.

c’est Mystery House il me semble.

Ah oui ! Nous en avons fait une vidéo je crois mais je peux le tromper.
Il a suffit de sortir l’article pour recevoir 3 numéros d’Escape Game et un livre-jeu d’énigmes. Autant dire qu’entre ça, et une récupération de boîte à l’officine, je vais déjà m’atteler au prochain article. =P
Vœux pieux : “Quelques jeux d’énigmes pour la rentrée/la tombée des feuilles”

Et je vais essayer de mettre sur pied “Quelques jeux d’enquête”

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Cool, j’attend ce «Quelques jeux d’enquête» avec impatience. Si ça peut aider pour le contenu, on a beaucoup aimé Crime Zoom par chez nous.

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Private détective me faisait bien envie mais il n’est pas vendu en boutique de jeux il me semble, mais uniquement dans les escape room Get Out (dans une dizaine de villes, mais pas la mienne. Dommage).

Merci pour cet article !!

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Je l’ai vu en boutique de jeux à Dijon pendant mais vacances (à Jocade, pour être précis). J’imagine que la politique d’ouverture s’est faites un poil plus forte récemment =)