Pharaon - Carnet d'illustratrice

Hello joueuses et joueurs !

Aujourd'hui je vais vous parler de mon travail sur le jeu Pharaon, qui vient de sortir chez Catch Up Games.

J'ai des liens particuliers avec les deux éditeurs de Catch Up Games, Sébastien et Clément, puisque ce sont les premiers à m'avoir fait confiance pour illustrer un jeu de société, Paper Tales, il y a 2 ans. Par ailleurs nous travaillons depuis quelques mois dans le même espace de coworking à Lyon, dans un bar à jeux, le Shrubbery. Bref, copains comme cochons, on se connait pas mal à force !

Un brin de chronologie :

En septembre 2018, Seb m'a parlé de Pharaon, un jeu de gestion avec un imposant plateau rond, ayant pour thème l'Egypte antique, et m'a proposé rapidement de faire une partie pour découvrir le jeu. Dès cette première partie j'ai beaucoup aimé le principe. C'est tout à fait le type de jeu de gestion de ressources qui me plait et, au delà de ça, je me suis réjouie de pouvoir retravailler avec eux après les belles expériences qu'ont été Paper Tales et son extension Au delà des Portes.

Rapidement, plusieurs questions se posent : Catch Up Games vient de sortir Fertility, un jeu ayant pour thème lui aussi l'Egypte antique, et il est évident qu'il faudra se démarquer stylistiquement de ce précédent titre, illustré avec talent par Jérémie Fleury (vous pouvez d'ailleurs lire son carnet d'illustrateur, c'est passionnant !).

Tric Trac

La deuxième contrainte est celle de la lisibilité. On est là dans un jeu avec beaucoup d'iconographie, d'informations sur le plateau et il faudra rester très sobre pour aider au maximum les joueurs à lire les informations importantes de gameplay.

A ce stade, Sébastien avait déjà une vision assez précise de la direction artistique qu'il voulait : faire du plateau une tablette en pierre circulaire, comme un objet antique découvert dans une tombe égyptienne plutôt qu'une association de saynètes rassemblées (comme c'est le cas sur le plateau de Gùgông par exemple).

J'ai donc orienté mes premières recherches dans ce sens là !

Inspirations

Après quelques tests et tâtonnements, nous avons convenu qu'il serait pertinent de coller le plus possible aux bas-reliefs égyptiens pour donner un cachet historique au jeu. J'ai donc collecté une foultitude d'images, que ce soit dans des livres ou au musée (avec la superbe exposition “Servir les dieux d'Egypte” qui passait à ce moment là au Musée de Grenoble).

Tric Trac

L'idée étant de coller au mieux au trait des gravures et papyrus anciens en ne faisant que les ajustements nécessaires à la jouabilité, j'ai été très fidèle aux couleurs, aux tracés des personnages et aux compositions d'images de ces documents.

Tric Trac
Tric Trac

Tric Trac

Tric Trac

Tric Trac

J'ai travaillé rapidement sur les icônes du jeu, vu qu'elles ont une place centrale.

Il fallait faire en sorte qu'elles se fondent dans la matière de la tablette, comme des petites tesselles de mosaïque incrustées, plutôt que des dessins vectoriels qui se seraient simplement posés au dessus de la pierre. Au début nous étions partis sur des dessins assez figuratifs, comme un boeuf, pour évoquer le bétail, un objet en lapis pour évoquer le lapis-lazuli, etc. Pour mieux coller à la logique du jeu nous avons par la suite décidé d’abandonner les icônes les plus premier degré pour aller vers des hiéroglyphes et rester cohérents avec l'aspect multi-tâches de ces icônes dans le jeu.

Un plateau rond

Visuellement, ce qui marque en premier avec Pharaon, c'est son plateau rond ! Il est très grand et occupe une place essentielle dans le jeu (c'est avec cet objet qu'on réalise toutes nos actions). Il fallait donc le soigner particulièrement, faire en sorte qu'il capte l'oeil du joueur ou de la joueuse confirmé-e tout en permettant une expérience de jeu fluide et confortable.

J'ai pas mal tatonné au niveau des couleurs, du rendu de matière, de la stylisation ou non des personnages, en voici quelques versions du quartier des artisans qui montrent l'évolution :

Comme on peut le voir, au début le trait des personnages était un peu plus cartoon, avant qu'on décide de coller au mieux aux fresques antiques.

Niveau couleur, nous avons choisi un rendu de beige chaud, bien plus évocateur de l'Egypte dans l'inconscient collectif que de l'albâtre, plus froid. Les éléments de jeu (icônes, dieux, emplacements des cartes...) sont en couleur alors que les éléments décoratifs sont en bas-reliefs pour mettre l'accent sur les actions de jeu et ne pas parasiter l’ergonomie.

L'illustration de la boîte

Après avoir travaillé le plateau et les cartes, nous avons pu nous attaquer à la création de l'illustration de boîte. C'est toujours une étape essentielle. On est conscient de l'impact que cette image peut avoir sur la réception d'un jeu. Il faut qu'elle soit à la fois attrayante pour les clients d'une boutique, en particulier pour le public cible de ce type de mécanique (en l'occurrence les amateurs de jeux “à l'allemande” un peu gamer) mais aussi qu'elle reflète le contenu, tant dans les illustrations intérieures, le matériel, que dans les sensations de jeu.

Seb et moi voulions garder le rendu de bas-relief et de hiéroglyphes présent dans la boîte plutôt que de partir dans une mise en situation, une scène illustrée dans laquelle les personnages des dieux, des enfants de pharaon ou des joueurs intéragiraient.

En premier lieu j'ai fait des test avec l'illustration centrale du plateau, retravaillée pour l'occasion.

Malheureusement cette image n'était pas assez forte pour attirer les gens et donnait une sensation de déjà vu par rapport à tous les jeux qui existent déjà sur des thèmes égyptiens. On a dû basculer sur autre chose, un concept plus abstrait, plus mystérieux, qui suscite la curiosité et correspond bien à l'expérience de jeu, mais pour ça on a beaucoup tâtonné :

Tric Trac

Tric Trac

Tric Trac

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Tric Trac

Tric Trac

Tric Trac

Tric Trac

Et voilà ce que ça donne finalement !

Sur cette dernière version on retrouve le symbole du scarabée, qui parle tout de suite au public et identifie l'Egypte antique immédiatement. C'est aussi une des 5 icônes qu'on trouve dans le jeu. La gravure circulaire est une référence au plateau rond, et la présence du grès ocre nous plonge tout de suite dans l'ambiance de la tablette.

La question du doré s'est décidée en toute fin de création : ca faisait longtemps que j'avais envie de cette pointe de lumière pour attirer le regard et donner du cachet à la boîte, mais c'est avec ce concept de boîte qu'il a vraiment trouvé son utilité.


Voilà, c'est tout pour ce carnet d'illustratrice, j'espère que vous avez appris quelques trucs sur le processus créatif de Pharaon, n'hésitez pas à poser des questions en commentaire si vous en avez :) !

Merci encore à Sébastien et Clément de Catch Up de leur confiance, à Sylas et Henri Pym également pour avoir conçu ce très bon jeu et à Blackrock qui nous a accompagnés tout au long de la création.

Longue vie à Pharaon !

23 « J'aime »

Très intéressant, merci ! Et beau travail :slight_smile:

1 « J'aime »

Bravo pour ce très beau travail (j’étais déjà fan de Paper Tales !), “Pharaon” est vraiment magnifiquement édité, et c’est un régal de le voir sur la table. C’est toujours passionnant de voir tout le travail éditorial qui mène à la réalisation d’un jeu , et cela le rend d’autant plus précieux…

Bravo Christine !!!
Bon du coup garde tout ça au chaud on sait jamais si tu veux faire une expo ici un jour !^^

Lors de la sortie de Paper tales j’avais critiqué injustement les illustrations qui n’étaient pas à mon gout. Je le regrette et je me rachète en achetant ce magnifique jeu qu’est Pharaon.
Les illustrations sont excellentes, collent au thème, au top. Bravo l’artiste!!!
Hâte de recevoir la bête, cette semaine normalement. Et moi aussi j’aime le vert :slight_smile: