MONSTRUYEUX : CARNET D’HORREUR…euh D’AUTEUR

Chères internautatrices et chers internautateurs,

Les monstres sont de sortie chez le Scorpion Masqué. Ouvrez l’œil ! Il se pourrait bien que vous en trouviez très bientôt dans vos boutiques préférées. Ils sont tout verts avec de gros yeux globuleux.

Le responsable de cette invasion, c’est moi, Sébastien DECAD.

Auteur de quelques jeux familiaux (Playa Playa, Statues, Drôle de numéro, Crescendo, Picmix et Savanimo), j’ai créé en 2015 MonstruYeux dans mon labo ludique du Nord de la France.

Phase de réflexion

Par une nuit de pleine lune, alors que je n’arrivais pas à fermer l’œil (ni même les deux), je cherchais une nouvelle idée de jeu. Alors qu’habituellement je pars toujours d’un thème ou d’une mécanique, cette fois-ci je voulais faire un jeu avec des dés comme éléments principaux.

Pourquoi avec des dés me direz-vous ?

  1. Parce que Dédé est le surnom de mon co-auteur qui se prénomme André.
  2. Parce que dans mon nom, il y a deux D, et que forcément c’était écrit.
  3. Parce que j’ai décidé de créer mon premier jeu de kubenbois.
  4. Parce que le dé est un objet amusant que l’on peut lancer, empiler, catapulter, etc.

Au vu de mes états de service ludique, c’est la 4ème proposition qu’il fallait choisir, voire un peu la 2ème.

Maintenant que faire avec ces dés qui n’a pas encore été inventé ? Après un moment d’observation, le dé m’a fait penser à un œil constitué du globe oculaire et de l’iris représenté par les six faces. Chaque face pouvant être d’une couleur différente. Je partais donc avec l’idée d’une paire d’yeux multicolores.

Il me fallait ensuite trouver un thème correspondant au matériel et pouvant plaire aux enfants, ma cible privilégiée. Au départ, j’avais pensé aux chats qui ont plusieurs couleurs d’yeux contrairement à nous les humains dont les couleurs se limitent au bleu, au vert et au marron. Je pouvais ainsi ajouter deux couleurs supplémentaires comme le jaune et l’orange ainsi qu’une nuance de bleu ou de vert qui me permettaient de compléter les six faces des deux dés et ainsi obtenir plus de combinaisons en les lançant.

Mais très vite je me rends compte que des combinaisons d’yeux hétérochromes, c’est-à-dire avec une différence de couleur entre l’iris des deux yeux, cela faisait assez bizarre même si cette caractéristique s’observe assez souvent chez les chats.

Il me fallait donc chercher un autre thème que les chats même si les animaux sont très souvent utilisés dans les jeux pour enfants.

Pour me sortir des contraintes, j’oriente donc mes recherches vers un personnage imaginaire. Le monstre apparaît rapidement comme une évidence. Il offre une infinie de possibilités en matière de formes et de couleurs d’yeux. C’est pourquoi je décide d’ajouter un troisième œil et donc un troisième dé, plus sympa qu’un simple monstre à deux yeux.

Phase de conception

Le thème adopté, je conçois un monstre sur Word en utilisant çà et là des formes géométriques que j’assemble. Tel Frankenstein, je venais de créer un gentil monstre, mélange de diablotin et de troll sur fond violet.

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A partir des dés et des cartes que je venais de réaliser, la règle du jeu commençait à se préciser. Le but du jeu sera de reproduire le monstre en lançant les 3 dés Yeux. Au départ, j’imprime le monstre et je pose les dés en lieu et place des yeux sur la feuille. Un à-plat avec 3 dés en 3D, le résultat n’est pas très joli. Je décide donc de fabriquer une boîte qui représente le monstre avec ses orbites à remplir. Cette fois, le résultat est satisfaisant car d’une part le monstre et les yeux sont au même niveau et d’autre part les dés sont parfaitement calés dans la boîte ce qui évite qu’ils bougent une fois placés dedans.

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Phase d’exploration

Le matériel conçu, commence alors une phase de développement et de test du jeu. Adepte des jeux d’ambiance, je privilégie tout de suite le jeu en simultané pour ne laisser personne de côté. Ma question est donc la suivante : que peuvent bien faire les autres joueurs pendant qu’un joueur lance les dés Yeux pour reproduire un monstre ? Ils se tournent les pouces, ils regardent un sablier s’écoulait, ils discutent. Un peu léger tout cela. Pour moi, il faut de l’action. C’est là que j’ajoute un dé spécial, le dé « Stop » qui n’a rien à voir avec le déboucheur de canalisations.

Pendant qu’un joueur essaie de réaliser la combinaison d’une carte en plaçant un à un les dés Yeux dans la boîte, les autres joueurs lancent à tour de rôle et aussi vite que possible le dé spécial en essayant de tomber sur la seule face indiquant « Stop» sur le dé.

Dès qu’un joueur y arrive, il crie « Stop ! » et cela met fin immédiatement au tour du joueur qui lance les dés Yeux. Le joueur à la gauche du joueur avec les dés Yeux prend alors tous les dés Yeux qui n’ont pas été placés dans la boîte et il commence un nouveau tour. Les tours se succèdent ainsi jusqu’à ce qu’un joueur arrive à placer le 3ème œil dans la boîte avant qu’un autre joueur n’ait eu le temps de crier « Stop ! ».

Le gagnant du tour prend la carte Monstre en guise de point. Les joueurs recommencent une nouvelle manche et c’est le joueur placé à la gauche de celui qui a remporté la manche précédente qui démarre avec les dés Yeux.

La partie se termine quand un joueur gagne sa troisième carte Monstre. Il remporte la partie.

La règle du jeu rédigée, la phase de test pouvait commencer d’abord en famille puis à l’extérieur pendant des après-midi et des soirées jeux organisés dans mon secteur.

Dès les premières parties, l’ambiance est au rendez-vous mais je constate un petit déséquilibre entre le lanceur de dés Yeux et le(s) lanceur(s) du dé spécial. Le fait de lancer les 3 dés Yeux en même temps procure un avantage certain au lanceur. Il peut plus facilement obtenir les faces demandées sur la carte Monstre alors qu’il est plus difficile d’obtenir le « Stop » avec une chance sur six. Pour corriger cela, je revois le système de lancer. Dorénavant le joueur devra lancer un dé Yeux à la fois. Tant qu’il n’a pas obtenu un des trois yeux du monstre, il ne peut pas passer au dé Yeux suivant. Ce petit changement a également permis de faire circuler davantage les dés entre les joueurs en passant plus souvent des dés Yeux au dé spécial.

Phase d’édition

Après plusieurs parties concluantes, je décide d’envoyer en septembre 2015 les règles du jeu à quelques éditeurs bien ciblés. Haba se manifeste au bout d’une semaine puis vient le tour du Scorpion Masqué de pointer le bout de son dard.

Ni une ni deux, j’envoie à chacun un prototype de Monster Eyes, nom initial fortement inspiré des poupées mannequins Monster High.

Le 9 novembre 2015, je reçois ce mail de Christian Lemay du Scorpion Masqué: « Nous avons reçu le jeu vendredi. Joué 2 parties. Nous aimons bien. Nous allons poursuivre les tests... C'est possible de le "réserver" quelques semaines pour nous ? »

Finalement, je n’ai pas dû retenir le jeu très longtemps puisque le vendredi 13 novembre 2015, Christian m’envoyait déjà un contrat d’édition. En fait ce qui l’a décidé si rapidement à publier mon jeu, c’est une tradition pratiquée à Noël chez lui au Canada.

Un cadeau mis dans une boîte en carton avec beaucoup d’emballage et de ruban adhésif est posé au centre de la table avec une paire de gants de four et un dé. Les invités lancent le dé à tour de rôle et le premier qui obtient « 6 » enfile les gants du four et essaie d’ouvrir le plus vite possible le carton. Pendant ce temps, les autres personnes continuent de lancer le dé, pour tenter de récupérer les gants. Celui qui ouvre le carton en premier gagne le cadeau qui se trouve dedans.

Face à tel argument, je n’ai pas mis très longtemps pour me décider. De plus, adorant les jeux du Scorpion Masqué, je savais qu’en confiant mon jeu à Christian, le résultat serait à la hauteur de mes attentes. Et pour Haba, ce sera peut-être pour une prochaine fois.

Phase d’amélioration

Une fois le contrat signé, s’en suivent alors plusieurs échanges de mails, deux « Skype » et un rendez-vous au festival de Cannes 2016 pour améliorer les règles du jeu.

En effet, nous avons ajouté une face « ! » au dé « Stop » qui impose au lanceur des dés Yeux d’effectuer un gage décrit sur une carte spéciale. Le but du gage est de ralentir un peu le joueur avec les dés Yeux tout en apportant un grain de folie supplémentaire au jeu.

Voici la liste des dix actions qui ont été choisies : touche ton nez avec ton pied ; lance un des dés Yeux et rattrape-le ; retire une de tes chaussettes ; lance les dés Yeux jusqu’à la fin de la manche ; passe sous la table ; tape dans la main de tous les autres joueurs ; tourne 5 fois sur toi-même ; compte jusqu’à 20 à haute voix ; fais un tour complet autour de la table ; fais tenir un des dés Yeux sur ta tête 5 secondes.

Les règles du jeu au point, Christian me demanda aussi de trouver un autre nom que Monster Eyes car il s’attache à proposer des titres français à ses jeux. Fan de jeux de mots, je lui ai rapidement soumis la liste suivante : Monstrigolo ; Méli Mél'œil ; Joyeux yeux ; Ophtal'monstre ; Bon dé Bon œil et enfin MonstruYeux qui a été finalement retenu.

Phase d’illustration

Mon travail terminé, je passais naturellement la main au Scorpion masqué pour la finalisation du jeu. Pour les illustrations, ils ont fait appel à Nikao, qui a déjà mis son talent à contribution pour illustrer la chasse aux monstres et la légende du Wendigo. Je vous invite d’ailleurs à voir son carnet d’illustrateur du 17 juillet dernier.

Après quelques mois d’attente en raison de la sortie de la légende du Wendigo, je reçois le 27 octobre 2016 les premières esquisses de MonstruYeux.

Difficile de choisir entre le monstre violet et le monstre vert, tant les deux me plaisent. Je demande donc l’avis de ma femme et de mes enfants qui préfèrent le vert, sûrement parce que c’est la couleur de l’espoir. Et puis si j’en crois le dicton : « Monstre vert, j’espère. MonstruYeux, je veux. ».

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Au final, Nikao a réussi à créer un monstre à la fois repoussant et attachant en ajoutant des détails très amusants sur la boîte de jeu tels que des cafards, un tatouage, un pansement, une cicatrice et une sucette recouverte de fourmis collée aux fesses du monstre.

De plus, je trouve que les rendus de matières comme la peau, les yeux, les mains et les cornes apportent un aspect en relief qui fait ressortir le monstre, lui donnant presque vie.

Conclusion

Voilà, vous savez à peu près tout sur les différentes étapes de MonstruYeux qui est avant tout un jeu d’ambiance où les enfants comme les adultes se déchaînent autour de la table. Pour ma part, il m’a été très agréable de travailler avec Christian et son équipe. Je tiens à les remercier pour leur gentillesse et leur professionnalisme. J’en profite également pour remercier ma femme et mes filles qui me soutiennent depuis le début dans ma passion.

Je compte maintenant les jours qu’il reste jusqu’à la sortie du jeu prévue le 6 octobre prochain. J’ai hâte d’avoir le jeu entre mes mains et de pouvoir enfin vous le présenter sur les festivals.

A très bientôt,

Sébastien

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je ne suis pas (plus) la cible, mais l’article est sympa a lire et donne envie d’y jouer quand on a le public autour ! merci