Mia London et l'affaire des 625 fripouilles: carnet d'auteurs

[La Chasse aux Monstres]

Origine du projet

Antoine et le Scorpion masqué ont travaillé ensemble sur La Chasse aux Monstres, paru en 2009 et toujours en vente à ce jour. Le jeu fut l'initiateur de ce qui est aujourd’hui la collection « Petits monstres » de l’éditeur québécois. C’est donc assez logiquement que Christian Lemay a formulé une demande de longue date à Antoine pour qu’il conçoive un nouveau jeu qui pourrait s’inscrire dans cette collection florissante. Malheureusement pour lui, Antoine est paresseux et cette demande est restée looooongtemps sans réponse, jusqu’à ce que Corentin le bouscule et le sorte de sa léthargie.

Discussion et idée initiales

Le projet est né de l’union d’une mécanique, d’un matériel et de deux papas auteurs de jeux…

Le matériel ? Un petit livret représentant des têtes rigolotes (chapeaux divers, yeux de toutes les formes, bouches géométriques et noeuds papillons bariolés) découpées en plusieurs bandes horizontales. En tournant ces multiples sections de pages, on peut composer une multitude de têtes. Un procédé qui a été utilisé dans certains livres jeunesse et dont les enfants sont friands. Il restait à utiliser ce procédé comme support pour un jeu !

Nous avons couplé ces livrets avec une mécanique de discrimination visuelle inspirée d’un ancien jeu conçu par Antoine et Serge Laget, Mystery Express. Dans ce jeu d’enquête plutôt cérébral, il y avait une petite mécanique de jeu similaire. Le principe : une série de cartes représentant des horloges indiquant des heures différentes. Chaque heure est en 3 exemplaires. Une horloge est retirée, sans en prendre connaissance. Un joueur fait défiler les cartes restantes et les joueurs doivent déterminer à quelle horloge il manque un exemplaire (l’heure du crime). Nous avons repris cette mécanique, dans une forme plus simple, pour mettre sur pied notre jeu pour enfant.

Premier prototype (octobre 2016)

A partir de cette rencontre Matériel / Mécanique, nous avons défini notre cadre narratif et thématique : un visage victorien, en noir et blanc, avec une déclinaison d’atours : chapeaux, lunettes, moustaches, noeuds papillons. Voici notre cambrioleur, qui, grâce à sa panoplie de déguisements, essaie d'échapper aux détectives, les joueurs. Le jeu prend le nom de “Mini-détectives”, pas spécialement original ou percutant mais nous n’avions rien de mieux à l’époque...

Ici, nous avons 4 paquets de cartes, un pour chaque élément qui compose nos monstres (Chapeaux, Lunettes, Moustaches, Noeuds papillon).

Développement du prototype

Les tests avec nos enfants respectifs montrent que le jeu plait, par son instantanéité, la présence de ses petits livrets à spirales et par l’histoire qu’il raconte à travers un matériel simple. Il est des prototypes qui mettent très longtemps avant de trouver leur voie mais Mini-détective n’est pas de ceux-là. Dès la première version du prototype, nous sommes certains de tenir un jeu, simple et original.

Lors des parties test, nous essayons plusieurs façons de dépiler les cartes (sur un même paquet, sur des paquets différents) et nous ajustons les variables (nombre d’éléments différents et quantité respectives de ces éléments). Ces variables définissent directement la difficulté du jeu et se pose alors la question du public cible. Les capacités des enfants varient tellement entre 4 et 6 ans. Difficile de déterminer où placer le curseur de difficulté. Nous décidons donc de remettre cette délicate question à plus tard, en concertation avec l’éditeur, éditeur dont nous nous mettons alors en quête.

"Ancien" signifie que c'est la première version du proto, sans les aide-mémoire sur le côté gauche. C'est bien les protos, on peut faire tout ce qu'on veut avec!

Présentation du prototype

Le prototype a été présenté à Christian Lemay lors du salon d’Essen 2016. Il a été tout de suite emballé, par son originalité mais aussi par sa thématique qui pouvait naturellement s’inscrire dans sa collection de jeux pour enfants « Petits monstres ». Sa décision fut prise rapidement et le jeu regagna l’écurie de l’éditeur.

Notons qu’un autre éditeur s’est montré très intéressé par le projet lors de ce même salon d’Essen et que nous avons choisi de travailler plutôt avec Le Scorpion masqué en raison de notre histoire commune et également, car Christian Lemay nous garantit que le jeu sortira en boutique très rapidement… Pour la petite histoire le jeu est paru trois ans et demi après. Ah, éditeurs, éditeurs, cessez donc de nous faire miroiter l’impossible !

*** Je plaide entièrement coupable et s’excuse sincèrement de ces délais inacceptables !!
- Christian

Travail avec l’éditeur

Thématisation : naturellement, et à la vue des autres jeux de la gamme, les « cambrioleurs » du prototype deviennent des monstres, colorés, chapeautés et moustachus ! Nous n’intervenons que très bon dans la direction artistique. Le Scorpion masqué a l’habitude de travailler avec Nikao, nous les laissons nous régaler les mirettes !

Épuration de la mécanique : Afin de viser un public jeune nous avons pris le parti (en accord avec l’éditeur) d’épurer au maximum la mécanique. Les différentes façons de dépiler les paquets ont donc été revues au plus simple et le nombre d’itération des éléments adapté au public visé par le jeu.

Nombre de joueurs : Notons que nous avions testé le jeu dans la configuration 5 joueurs et que, si elle était pleinement satisfaisante en terme d’expérience ludique, l’éditeur a dû limiter le nombre de joueurs à 4 en raison du coût de production. En effet, les carnets de fripouilles coûte très cher ! Nous étions tous d’accord pour privilégier la qualité de matériel élevée plutôt que d’ajouter un 5e joueur.

Le nom du jeu a été l'objet de longues discussions entre l’équipe éditoriale et nous et une ribambelle de propositions farfelues a transité entre la France et le Québec. Christian avait la volonté de proposer un titre qui sorte vraiment du lot, histoire de marquer le public et renforcer l’identité du produit. Nos livrets fournissent 625 combinaisons de monstres, nous avons décidé d’utiliser cette donnée dans le titre du jeu. Il fallait un nom court, facile à prononcer et à mémoriser pour notre héroïne, Mia London a fait l’unanimité immédiatement. Quant à nos monstres, Brigands, Scélérats, Lascards, tout en un tas de dénominations y sont passés avant que l’on s’arrête sur le terme “Fripouilles”. Mia London et l’affaire des 625 fripouilles, voilà un titre qui sort du lot !

** Fripouilles a l’avantage de créer une jolie allitération avec le mot « affaire ».
- Christian

Le Mot de la fin

Nous sommes ravis du travail fourni par le Scorpion masqué sur notre jeu. Un grand bravo à Nikao qui a donné vie, de très belle manière, à Mia et aux fripouilles.

Présenté en avant-première, au festival de Cannes en février dernier, Mia London et l’affaire des 625 fripouilles a reçu un super accueil du public, des boutiques, de la presse et des distributeurs présents. Soyez à l’affût avec la fière et fougueuse Mia pour résoudre l’affaire en faisant arrêter, fissa, ces infâmes et filoutes fripouilles, dès le vendredi 13 mars !

5 « J'aime »

(je ne sais pas si c’est voulu mais Mia London est une auteur de livres légers outre atlantique…) :wink:

(Non, ce n’est pas voulu! Nous cherchions un prénom court, prononçable facilement dans la plupart des langues. Et “London” fait évidemment référence à Sherlock et cie!)