[Magazine BD] AAARG! Faites qu'il vive !!!!!!

Le magazine a annoncé aujourd'hui, jour de sortie du N°4 en kiosque, la fin imminente de ce dernier.

AAARG! késako ?

AAARG! est une revue mensuelle totalement indépendante, composée à 80% de bande dessinée et 20% de textes (nouvelles, chroniques), sans équivalent dans la production actuelle.
Afin de briser les clivages, la publication se veut innovante et éclectique : AAARG! ouvre son contenu éditorial à plusieurs genres (humour, polar, science fiction, récit intimiste, …) et à une multitude de formats (du très court au relativement long), privilégiant les « one-shot ». Ses auteurs, au talent indiscutable, sont internationaux.
La revue, dans son format généreux, pour mois de 5€
Achetez le ou allez vous faire foutre !

(tiré de leur site)

http://www.aaarg.fr

Voici l'explication de la fin imminente :

"Cela fait cinq ans que nous bossons sur ce projet, dont l’activité éditoriale a démarré il y a bientôt trois ans. AAARG!, c’est au départ un mook bimestriel, diffusé en librairie. Après 11 numéros, début 2016, AAARG! s’est transformé en magazine mensuel, dont le 4e numéro vient de paraître. Aux dires de toute.s, d’une qualité exemplaire. On en est fières.

AAARG!, c’est aussi une maison d’édition qui, durant cette même période (3 ans), a sorti 27 livres (38 en comptant les mooks, donc). Toute cette activité est portée à bout de bras par trois personnes en fixe et une bonne poignée de collaborateur/trices. L’idée de départ du périodique était de payer les auteur.e.s pour la publication, malgré la taille de la structure et sa fragilité économique.

Aaarg! Mensuel N°4, disponible depuis le jeudi 5 Mai 2016 - couverture de MEZZO

Les deux premières années, la structure a perdu de l’argent. C’est qu’un tel projet, ça se construit, il faut investir, communiquer, créer la base. Puis au terme de la troisième année, la structure devient rentable, malgré ses lourdes charges fixes. Qui plus est, au lancement de la version magazine, 60 000 euros sont récoltés lors d’un lancement en crowdfunding. De quoi se dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le fait est que non. La structure souffre, et les porteur.se.s du projet sont mobilisé.e.s en permanence à son difficile maintien. Le problème le plus délicat à gérer pour une petite structure à l’activité dense et ambitieuse porte un nom : la trésorerie. L’édition est un secteur complexe. Le livre demande de l’investissement d’avance. Les premières retombées sur placement* arrivent entre 100 et 120 jours après ce placement. S’il y a des retours*, et il y en a, ils s’imputent aux factures des livres suivants. Pour le magazine, ce sont les mêmes délais de paiement, mais le système diffère. On ne s’y attardera pas ici : nous avons encore peu de recul sur l’activité de presse et elle n’en est qu’à son lancement. L’économie de notre maison d’édition, ainsi que son fonctionnement, demandent à la fois une régularité dans l’activité et une trésorerie équilibrée, qui permet de tenir et de payer nos créanciers même quand tout notre chiffre d’affaires est dehors. Il est possible pour une structure telle que la nôtre d’avoir 100 000 euros de produits en attente de paiement (de la part des diffuseurs), 40 000 euros de facture, mais de nous retrouver en cessation de paiement, le temps de toucher le pécule, et donc en impossibilité de produire, et ne plus sortir de livre, ne pas amortir les retours, ne plus générer de trésorerie à venir en sortant des livres, et ne plus pouvoir gérer l’activité. Alors que celle-ci est rentable.

Cette situation nous pend au nez. Il a suffi de quelques facteurs extérieurs, et pas des moindres.

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Paf et Hencule - (Dessinateur) Abraham Kadabra (Scénario)

Avec le succès de la campagne de pré-abonnements au magazine, nous repartions sur des bases saines, rattrapant un trou de trésorerie qui commençait à être délicat à gérer. Nous avons, dans la foulée, contracté un prêt (pas le premier) pour pouvoir gérer. Notre plan de trésorerie était fragile jusqu’à la fin du troisième trimestre, puis nous étions sûr.e.s de trouver un rythme de croisière. Ce prêt était nécessaire. Notre maison d’édition a son catalogue diffusé** par le géant Volumen, lui-même racheté par le plus géant encore Interforum (Editis) l’été dernier. Volumen s’est retrouvé en restructuration durant ce second semestre, et les équipes ont commencé à changer. Le fonctionnement interne aussi sans doute. Il faut dire que déjà, nous désirions partir, attendant la fin de notre contrat prévue pour septembre 2016. Être une petite structure au milieu du catalogue Volumen ne nous servait pas. Qui plus est, si au moment où nous avons signé, le diffuseur voulait élargir clairement son faisceau de diffusion en s’ouvrant beaucoup plus à la bande dessinée, il s’est avéré que notre catalogue n’y était pas adapté. Les réformes internes à Volumen suite au rachat ont visiblement eu un impact direct sur notre viabilité.

Pierre Place

Sur les 6 derniers mois, nous avons pu constater un lâchage de la maison d’édition. Il faut savoir que bien en amont, nous discutons avec le diffuseur des objectifs de placement de chaque livre. Les nôtres sont définis sur des bases prudentes avec le diffuseur. À partir de ces objectifs, nous travaillons notre trésorerie en avance. Les six derniers mois, donc, notre diffuseur n’a placé que 57 % des objectifs prévus, 54 % pour 2016 (4 mois). Une différence de chiffre d’affaires de 40 000 euros. Et donc un trou de trésorerie du même montant. Si l’on considère qu’en plus de ça, l’un de nos imprimeurs a été victime de plusieurs problèmes internes concomitants et successifs le premier trimestre, dont nos sorties ont pâti (3 livres retardés, dont deux numéros du mensuel en version librairie à tirage limité, qui accusaient 3 semaines de retard ; dur pour un mensuel), nous nous sommes retrouvés en une poignée de mois dans une situation opposée à cette santé économique revenue. La maison d’édition a tout bonnement été torpillée, se retrouvant exsangue.

Durant cette période, nous avons envisagé plusieurs solutions, posé notre préavis et dénoncé le contrat qui nous liait à Volumen, qui avait visiblement d’autres problèmes à gérer que des petits éditeurs avec sa restructuration. Nous avions par ailleurs imprimé et livré à Volumen 1 300 livres gratuits, pour une opération prévue de longue date, visant à offrir des ouvrages aux libraires pour dynamiser les placements du catalogue. Sur 1 300 livres, Volumen en a livré… 28. On sent le travail forcené au service de l’éditeur… Les témoignages des libraires spécialisées BD avec lesquels nous avons parlé concordent dans notre sens. Bref, il aura suffi de 6 mois pour nous repousser dans le trou.

GAD

Cette somme, sur la globalité économique, ne représente « pas grand-chose ». Nous voyons transiter entre 500 000 et 600 000 euros dans la structure en un an (oui, ça donne le tournis à notre échelle), qui passent et repartent tout de suite pour payer auteur.e.s, imprimeur.e.s, charges fixes, charges extérieures, j’en passe et des moins pires. Au final, en direct, nous produisons environ 14 équivalents temps plein entre salarié.e.s, collaborateur/trices et auteurs/euses. Pas mal pour une minuscule structure, dont les porteurs n’arrivent pas tous à se salarier…

À cette heure, notre avenir est plus qu’incertain sous cette forme. Le n°4 du magazine sera sûrement le dernier. Nous ne voyons pas d’issue dans la configuration actuelle, et il nous importe d’arrêter le plus proprement possible, de pouvoir indemniser les abonné.e.s qui nous ont soutenu.e.s, de payer les auteur.e.s, les imprimeur.e.s… avant de nous retrouver dans une situation ingérable. Pour une simple histoire de trésorerie, à cause de trop petites épaules pour un gros projet.

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Olivier Besseron

AAARG! doit continuer et doit vivre, ça on en est persuadé.e.s. Un catalogue superbe, des projets vraiment enthousiasmants, l’arrivée d’une équipe d’auteur.e.s de plus en plus solides (et solidaires) et ce magazine pour lequel tou.te.s les lecteur.trice.s ne tarissent pas d’éloges. Nous allons d’ores et déjà rencontrer d’éventuels repreneurs et étudier des propositions crédibles et fidèles à l’esprit de la maison, dans le but de ne pas laisser mourir la bête d’un rhume alors qu’elle tire un train solide rempli de talents. AAARG! est aujourd’hui une institution dans le monde de la bande dessinée francophone, et nous en sommes fier.e.s.

Nos limites et la taille de notre structure ne nous permettent plus de porter ce projet, pourtant rentable. Pour l’instant, pour une durée indéterminée, le magazine AAARG! entre dans une période de stand-by et notre avenir est incertain. On vous tient au courant.
Amour et spaghetti.

L’équipe de AAARG!

pas l'info de l'illustrateur...mais merci à toi ;)

NB : Chèr.e.s abonné.e.s, inutile de nous inonder de 1000 mails et autres messages, nous ne pourrons y répondre. Vous serez, au pire, indemnisé.e.s, promis. C’est nous qui viendrons vers vous très vite.

*On appelle « placement » le nombre total d’exemplaires d’un livre placés en librairie à sa sortie, et plus tard s’il y a du réassort (de nouvelles commandes de la part des libraires).
Les placements ne désignent pas les ventes réelles d’un ouvrage, puisque les libraires ont la possibilité de retourner leurs invendus au diffuseur, à la charge de l’éditeur. On peut estimer solidement les ventes réelles d’un livre environ un an après sa sortie, quand les fluctuations commandes/retours se font de plus en plus rares.
L’éditeur touche de l’argent lors des placements et doit de l’argent lorsqu’il y a des retours.

**Dans la chaîne du livre, le diffuseur est la structure intermédiaire entre la maison d’édition et le libraire. Ses équipes de commerciaux, en charge de différents secteurs géographiques, visitent les librairies en vue de défendre le catalogue de ses éditeurs et de prendre les commandes des libraires, qui constitueront le placement. C’est lors de ce travail que le diffuseur doit atteindre les « objectifs de placement » définis en amont et de concert avec l’éditeur."

une explication sur la chaîne du livre, pour tout bien comprendre :

http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/1754-comprendre-et-connaitre-la-chaine-du-livre.pdf

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Witko

Voilà, soutenez si vous aimez, offrez au amis, si vous êtes commerçant laissez le sur le comptoir pour la consultation, c'est quand même mieux que télérama non?

soutenez AAARG! sinon tous les bébés dauphins de la planète rouge vont mourir, et on ne veut pas voir ça n'est-ce pas ?

Regardez comme c'est triste :

MEZZO

De plus Siné a dit avant de mourir

AAARG!

R.IP siné :(

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La première illustration non créditée (avec le t-shirt Aaarg je meurs) est de Olivier Besseron.

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Un petit mot qui causera sans doute aux visiteurs de TricTrac : Jonathan Munoz, l’illustrateur de notre jeu Le Bois des Couadsous, est un des dessinateurs agissant dans Aaarg !

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merci, j’ajoute :wink:

Il n’y a que des gens bien là dedans ! Faites passer le message

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