Récemment, en parcourant le net, je suis tombé sur une remarque intéressante de Johannes Wentu (Game designer italien) sur les combats de Serenissima. Celui-ci, bien que fan du nouveau Serenissima, y déplore que le système de combat soit si « fluctuant » en terme de dégâts par rapport à la première version et propose donc un système « maison » qui permet de gommer l’aléa des dés. Ces quelques lignes m’ont donné envie de me pencher sur le système de combat de Serenissima de nouveau et voici donc, pour ceux qui auraient les mêmes envies, quelques considérations et variantes simples pour « bricoler » un peu avec le système de combat de Serenissima. Chacun y puisera sa préférée…
De Méditerranée à Serenissima
Afin que cet article soit clair, il convient de rappeler les deux systèmes actuellement en vigueur. Dans Méditerranée (l’ancienne version), un joueur qui combat lance un dé à 6 faces normal l’ajoute au nombre de ses marins, puis divise le résultat par 3 (arrondi à l’inférieur). Cela donne le nombre de pertes qu’il inflige à son adversaire. Dans Serenissima, le joueur lance autant de dés qu’il a de marins. Les dés ont 3 faces vides et 3 faces représentant une tête de mort (ce sont donc en quelque sorte des dés à 2 faces). Les pertes sont égales aux têtes de mort obtenues.
En exposant ces systèmes on se rend compte de la raison qui a poussé Dominique Ehrhard à changer le système : le fait de diviser par 3 rend évidemment le jeu moins fluide. Cela pourrait évidemment être compensé par l’adjonction d’une table à consulter, mais les tables bourrées de chiffres et les divisions ne font certainement plus bon ménage avec les jeux modernes. Serenissima se veut un « dépoussiérage » de Méditerranée. Le jeu est pensé pour être plus court, plus direct et toute information doit donc être obtenue rapidement. Cependant, il existe un moyen simple d’émuler parfaitement le « vieux système » avec les dés actuels avec une très légère modification (même si nous verrons après que Dominique avait d’autres motivations pour le changer et que cela aboutira sur d’autres propositions).
Note : pour toutes les variantes proposées ci-dessous, les forts et la fatigue des marins restent identiques à la version actuelle du jeu.
Variante 1 : Combat « old school »
Mettre en place cette variante est en fait très simple et nécessite 2 dés du jeu actuel, dont on modifie l’un des deux et coloriant l’une des têtes de mort en rouge (on a donc un dé normal et un dé avec 3 faces vides, 2 cranes blancs et un crane rouge). Lors d’un combat, il suffit alors, suivant le nombre de marins engagés de consulter la carte suivante :
Par exemple lors d’un combat avec un marin, on jette le dé « spécial » auquel on ajoute 1.
- Si le résultat est une face vide on obtient donc 1 (3 chances sur 6)
- Si le résultat est un crane blanc on obtient 2 (2 chances sur 6)
- Si le résultat est le crane rouge on obtient 0 (1 chance sur 6)
Ce sont les statistiques exactes de l’ancien système.
Pour toutes les valeurs de marins, on jette donc simplement soit le dé normal, soit le dé spécial en ajoutant une valeur de 1 ou de 2. La seule exception est le combat avec 3 marins où l’on lance les deux dés sans tenir compte du résultat rouge (de manière, encore une fois, à respecter exactement les statistiques de l’ancienne version)
Considérations sur la variante 1 et l’ancien système de combat
Est-ce que cette variante est une bonne idée ? Oui et non. Déjà, cette exception pour la valeur 3 est un peu gênante. On pourrait cependant s’accorder une inexactitude et lancer deux dés normaux, ce qui ferait changer légèrement les probabilités (25% de faire 1 au lieu de 33% et 25% de faire 3 au lieu de 16%). Sachant que les dés ne manquent pas dans la boite du jeu, cela simplifie un peu la lecture à peu de frais. On a donc :
Variante 2 : Combat « old school » modifié
Cependant, revenir aux statistiques de l’ancien système de combat (par division) a également des défauts. Ce système n’est pas foncièrement « lissé » puisque le poids du dé (valeur de 1 à 6) est marginalement supérieur à celui du nombre de marins (de 1 à 5) et que l’arrondi de la division va encore amplifier le phénomène. Il va donc se produire un certain de nombre de résultats aberrants aux extrêmes. Par exemple :
- Les combats à 1 seul marin sont très efficaces. Seul le résultat 1 ne provoque pas de pertes. A contrario 1 seul marin peut provoquer 2 pertes sur un 5 ou un 6.
- Les combats à 5 marins sont à l’opposé. Certes, même avec un 1 sur le dé, 2 pertes sont assurées (5+1/3) mais l’arrondi « empêche » les galères à 5 d’être totalement efficaces (5+6=11 ce qui sera arrondi à 3)
En conséquence, une galère avec 1 marin infligera en moyenne 1,16 pertes par marin là où une galère avec 5 marins plafonne à 0,5 pertes par marin. Un écart important…
A contrario, le système actuel privilégié par Dominique lisse totalement les pertes. Chaque marin à une chance sur deux d’infliger une perte. La galère à 5 a donc exactement le même ratio de pertes infligées que celle à 1 (et le même que celui de l’ancienne version). Cependant, même si l’on jette beaucoup de dés, les résultats sont naturellement bien plus fluctuants. Par exemple pour une galère à 5 (arrondi) :
- 4% de chances d’infliger 5 pertes
- 16% de chances d’infliger 4 pertes
- 30 % de chances d’infliger 3 pertes
- 30 % de chances d’infliger 2 pertes
- 16% de chances d’infliger 1 perte
- 4% de chances d’infliger 0 pertes
On constate que, là où l’ancien système assure d’effectuer 2 ou 3 pertes, on a ici 40% des cas qui sortent de cette fourchette pour en infliger jusqu’à deux de plus ou de moins. Donc même si en moyenne (sur de nombreux lancers) cela s’équilibrera, des résultats aberrants peuvent se produire (par exemple, une galère à 5 ne parvenant pas à infliger de perte à une galère à 1)…
Variante de Johannes Wentu
La variante de Johannes, qui a provoqué la rédaction de cet article, consiste à multiplier les lancers de dés pour lisser les résultats aberrants. Il lance 5 dés par marin, arrondi au plus proche multiple de 5, puis divise le résultat par 5. Par exemple dans un combat à deux marins il lance 10 dés. S’il obtient 8 cranes, il compte donc 10 ce qui inflige 2 pertes.
L’idée est bien sûre bonne, puisque les jets étranges seront « noyés ». Il y aura donc une grosse majorité de jets médians. Cependant, elle rallonge les combats et oblige à faire des additions et une division. Ceci est parfaitement acceptable pour une variante « maison », mais plus difficile à utiliser dans un contexte général…
Le meilleur des deux mondes ?
Une solution satisfaisante pour dompter un peu le hasard de la v2, tout en gérant mieux les aberrations de la v1 est possible à obtenir en fixant une partie des dégâts. Bien sûr on pourrait en fixer la totalité (par exemple 5 marins = 3 dégâts) mais dans les jeux incluant la notion de guerre, il est agréable d’avoir une partie d’incertitude, ne serait-ce que pour créer un peu de dramaturgie dans la partie. Dès lors, il s’agit de placer le curseur convenablement pour obtenir le jeu que l’on souhaite. Ce curseur ne peut malheureusement pas être placé de manière idéale et sera donc adapté aux besoins de chacun. Voici donc deux propositions très simples à mettre en œuvre (mais on peut en imaginer d’autres) :
Variante 3 : Mix 1
Ce mélange présente l’avantage de conserver le ratio de pertes lisse de la v2 (0,5) tout en assurant un minimum de dégâts à partir de 3 marins. Concrètement, les galères à 1 marin sont donc beaucoup moins mortelles que dans la v1 (ce qu’on peut regretter ou non) et les galères à 5 sont identiques. Par contre, l’aléa garde un poids important pour les galères « faibles ». A noter qu’aucune modification des dés n’est nécessaire.
Variante 4 : Mix 2
Ce mélange est un peu plus violent. J’ai tendance à le préférer au précédent car il rend les galères à 5 marins un peu plus mortelles (4 dégâts possibles) et assure un dégât minimum à partir de 2 marins tout en « calmant » un peu la galère à 1 seul marin. On perd le ratio de 0,5 mais pour quelque chose de plus lisse que la v1 malgré tout. Là encore, pas de modification des dés.
Autres variantes
On peut bien sûr imaginer d’autres mélanges en compliquant un peu (par exemple, colorer un –voire plusieurs- cranes en rouge sur un dé comme dans l’exemple en début d’article pour lui attribuer cette fois une valeur de +1). Je me suis bien sûr cantonné à des choses simples en utilisant l’existant (les dés fournis dans la boîte), mais tout est possible dès lors qu’on tient compte des paramètres importants à considérer pour valider la modification :
- Ratio de pertes infligé par un marin,
- Dégâts supplémentaires attribués,
- Cohérence en fonction du nombre de marins,
- Simplicité de mise en œuvre.
Au final, le plus simple pour déterminer le bon réglage est de réfléchir objectivement au nombre de pertes que devrait infliger une galère donnée et d’adapter le système en conséquences. Par exemple, si je pense qu’une galère à 5 marins devrait infliger entre 2 et 4 pertes, alors le réglage de la variante Mix 2 est probablement la meilleure pour moi (à vérifier pour toutes les configurations bien sûr).
Conclusion
Comme on peut le constater, il n’y a pas de système globalement parfait. Ce qu’on gagne d’un côté en contrôle (jets lissés), on le perd de l’autre en dramaturgie (jets mémorables). De plus, même si les aides de jeux présentées ci-dessus sont simples, elles restent toutefois des tables à consulter en lieu et place d’un jet direct.
On peut parfaitement apprécier les deux systèmes de jeu tels qu’ils sont actuellement (c’est mon cas) ou encore adapter à très peu de frais le système pour obtenir le réglage qui convient le mieux à son groupe de joueur, le but étant de rendre le jeu parfait pour soi à défaut de le faire pour l’humanité entière ! Bon jeu !
Cyril Demaegd