[Fief 2][Le Parrain : l’empire de Corleone]
J’ai toujours refusé d’être un pantin qui danse sur un fil tiré par de gros bonnets… Je voudrais que quand mon heure viendra, ce soit toi qui tires les ficelles. Ainsi parla Don Vito Corleone à son fils Michael. L’ennui, c’est que les familles à la solde du Don ne l’entendaient pas tout à fait de cette oreille…
"Prends les cannolis"
Voilà une licence qui, à première vue, ne semble pas aussi sexy et adaptable qu'un Star Wars ou Song of Ice and Fire. Il faut dire qu'a priori, les intrigues familiales et les luttes de pouvoir de la trilogie Coppolienne n'invitent pas vraiment aux voyages épiques et héroïques. Et pourtant, Don Eric Lang a su, avec l'argent sale de la Cosa Nostra le soutien de Cool Mini Or Not, relever le défi haut les mains ! Tirant à bout portant sur la corde des jeux de placements, manipulations, et coups d'enfoirés digne de la férocité ludique d'un Fief, Le Parrain tire indubitablement sa cartouche du jeu, en ne touchant pas l'épique d'une licence, mais plutôt sa splendide âme magouilleuse, fourbe, et noire comme un café serré (italien bien entendu).
En terme d'immersion, si l'on ne suit que de loin la trame du film, on plonge néanmoins à plein pieds (enduits de béton) dans l'univers du Parrain. Point besoin de connaître le film pour en apprécier les saveurs, qu'elles soient mécaniques ou matérielles, bien que la connaissance de l'œuvre cinématographique donnera un petit plus à l'appréciation des illustrations de Karl Kopinski. Sublimant le livret de règles, très aéré, les dessins tracés d'après le film retransmettent avec beauté toute la force de la lumière des plans de Francis Ford Coppola. Les figurines, quoique pas vraiment nécessaires, appuient tout de même l'immersion déjà induite par l'ambiance illustrative et mécanique du jeu de mafieux. On appréciera également les pions compte-tours voiture de police et Vito Corleone (si l'on avait dit à Marlon Brando qu'il deviendrait, un jour, un pion !), ainsi que le pion premier joueur reprenant la célèbre tête de cheval coupée. Les valises en métal sont également un élément ludique très appréciable à tripoter.
Bien sûr, tout ce matériel de folie rehausse le prix du jeu. On atteint tout de même du 80 à 90€ en fonction de votre receleur ludique (mais que voulez-vous, il faut bien payer le racket de protection instauré par le capo du quartier). Le jeu n'en est pas moins excellent dans son genre, et c'est un investissement qui, si la mécanique fait écho en votre cœur de fourbasse ludique, ne se regrette pas.
"Mon père lui a fait une offre qu'il ne pouvait pas refuser"
Niveau règles, le jeu se découpe en 4 manches (figurant les 4 actes du film, et la perte de pouvoir progressive de Corleone), chacune divisées en 5 phases.
À la phase d'Ouverture d'une Nouvelle Affaire, on ajoute une nouvelle affaire (et oui !) au plateau. C'est un nouvel emplacement d'ouvrier d'homme de main, que l'on pourra racketter, en cours de partie, afin de profiter de nouvelles possibilités de jeu.
Et l'on finit par une phase de Tribut au Don, consistant à la récupération de ses figurines, et, surtout, à la défausse des cartes en excédent de sa main (le nombre maximum de cartes en main variant à chaque tour). On touche là un point essentiel du jeu : il va falloir dépenser des actions pour gagner des cartes dollars, et d'autres pour les planquer à l'abri dans sa valise. En effet, seul le contenu de la valise (dollars + boulots effectués) rapportera des points (en plus des contrôles des quartiers).
Nous n'avons fait là que survoler certains points, notamment le système d'actions, afin de vous donner une idée du jeu. Tout cela est bien plus développé dans les TTTV que nous avons tournées du Parrain, aussi je vous invite à visionner les explications pour vous faire une idée plus précise de la chose :
"Ce n'est pas personnel, c'est uniquement les affaires"
Outre la mécanique d'argent à faire tourner entre sa main et sa valise, propice à de nombreuses stratégies, le sel du jeu tient principalement dans les interactions provoquées lors de la phase d'Affaire de Famille. Basiquement, on retrouve les sensations d'un jeu de placement : lorsqu'une figurine est positionnée quelque part pour en bénéficier des effets, ainsi que pour la course aux majorités, rien (ou presque) ne peut l'en déloger. Il y a donc une course aux emplacements les plus juteux, qui évoluent en cours de partie en fonction des actions des joueurs. De quoi déjà offrir de bonnes sensations de couinage et de maîtrise d'un certain tempo.Mais nous sommes dans la famiglia, et la vie, dans ces cas-là, ne tient parfois qu'à un fil. Remplir des boulots pour le Don (autre espace de course possible, par ailleurs, dans le jeu) peut parfois permettre de déplacer voire liquider les figurines des adversaires, et voler leur place. En plus du couinage et de la fourberie, Le Parrain invite, de fait, à la discussion, aux magouilles, et aux alliances entre les joueurs. Tout un pan de stratégies à base d'influences, de menaces et de parlottes, qui donne toute sa force au jeu, le tout en conservant, encore une fois, des mécaniques très fluides.
Clairement, ce sont les joueurs, et leur capacité de nuire, rapiner et trahir, qui font la force du jeu, et font plonger, un peu plus profondément, dans la délicieuse mascarade des diaboliques jeux de pouvoirs mafieux. En prime, Le Parrain est aussi agréable à deux qu'à cinq joueurs (bien que dans ce dernier cas, il y aura tant de cadavres dans l'Hudson que la navigation sera peu praticable). Nous avons même la TTTV d'une partie complète pour le prouver m'sieur le juge :Le Parrain, un vrai coup de cœur à la rédaction, réjouira les amateurs de fourberie new-yorkaise, de macaronis bien placées, de stratégies de l'argent et/ou de la majorité, de négociation définitive, et de couinage italien digne des grands matchs.