Le jeu n'existe pas

Le jeu n'existe pas

Voilà un titre qui pourrait ne s’avérer que provocateur ou incongru. Mais vous allez comprendre que cela n’est pas seulement le cas car certains auteurs se sont posés la question de l’existence du jeu. Et si tout simplement ce que l’on nomme jeu n’avait aucune existence réelle ?

Préalablement, il me faut curieusement vous remettre en tête un concept tellement évident que nous l’oublions généralement complètement. Les mots, le langage nous sert à transmettre des informations, à échanger celles-ci. Ce que nous oublions, c’est que ces échanges se font en général dans le cadre de la vie quotidienne et que celle-ci est réglée sur notre dimension.

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Vous avez du mal à me suivre ? Alors voici un exemple simple. Si je vous demande où se trouve le haut et le bas, vous devriez me répondre assez facilement (même en me regardant avec un air inquiet sur ma santé mentale). Si je vous demande l’heure exacte et si vous disposez d’une montre ou d’un smartphone, vous n’aurez aucun souci à me fournir l’information désirée. Du moins… à notre dimension quotidienne.
Maintenant élargissons un peu le panorama. Prenons du recul, beaucoup de recul.

Grimpons par exemple en orbite autour de la terre. Si je vous demande désormais où se trouve le haut et le bas, vous risquez de me demander « le haut ou le bas de quoi ? ». Il faut affiner car juste un peu plus loin, la question banale devient un peu plus complexe. Et si nous sortions dans l’espace, nous verrions que le haut et bas sont des conventions très volatiles. Ce qui nous paraît évident à l’usage coutumier ne l’est que par la limitation de notre environnement où l’imprécision de nos propos sont largement suffisants.

Vous avez l’heure ?

Et l’heure ? Elle aussi dépend du lieu où nous nous trouvons et le référent que nous avons choisi. Mais même en laissant de côté les problématiques géographiques, vous ne pourrez jamais me donner l’heure EXACTE. À la seconde près oui, même au centième de seconde si vous êtes bien équipé. Mais l’heure exacte est une chose impossible à donner car au bout d’un moment, il faudra plus de temps pour exprimer son chiffre ou le lire que le moment lui-même. C’est juste que notre dimension se contente d’une évaluation qui, toute précise qu’elle soit, n’est qu’une estimation globale. Largement suffisante néanmoins à couvrir nos besoins en la matière.

À toute question qu’on lui pose, le scientifique doit demander quelle degré de précision nous voulons obtenir. Nous sommes aujourd’hui capable de calculer la course des planètes dans le système solaire. Mais pour se faire, le calculant doit savoir à quelle précision s’arrêter et donc savoir à quoi va servir l’information. Si c’est pour un lever de soleil ou un saturnissage, le degré de calcul ne sera pas le même. Tout ceci pour vous dire que les mots sont des vecteurs et que nommer ne suffit pas à définir.

Hors à la question « qu’est-ce que le jeu ? » les chercheurs ont du se confronter au même problème. N’importe qui d’entre-nous est capable de dire si quelque chose est un jeu ou non. Du moins dans l’usage courant. Maintenant s’il s’agit de mettre au point une méthodologie de classification des jeux ou juste d’en décrire les éléments qui en font sa définition, les choses commencent à se corser.

C’est dans la recherche d’une définition qu’elles ont commencé à se compliquer. En fait nous utilisons des concepts comme celui de « jeu » sans trop savoir que cela recoupe de manière précise. Globalement c’est évident et puis dans le détail…

Moi je ne joue qu’aux vrais jeux !
- Gertrude Douchard

Le jeu n’a été un objet d’étude qu’assez récemment. Il apparaît dans plusieurs textes anciens mais comme exemple dans des sujets parlant plus généralement des loisirs ou du plaisir. De nos jours, l’on fait référence à des auteurs comme Huizinga, Piaget, Caillois, plus récemment Cola Duflot et en oubliant un peu Schiller mais surtout Jacques Henriot qui a pourtant donné la meilleure base à une définition de ce que peut-être le jeu.

Dans son ouvrage de 1969, sobrement titré « Le Jeu », il va démonter dans un premier temps les thèses de Piaget, Huizinga et Caillois. Ce dernier s’était appuyé sur le travail de Huizinga pour le faire avancer et réfuter ses hypothèses.

Piaget, pour sa part, est assez simple à réfuter, du moins du point de vue de la définition. Un peu comme Schiller, les deux auteurs, chacun dans leur domaine (psychologie et philosophie), prennent comme base l’existence du jeu et notre capacité à le nommer et l’identifier. Piaget nous mène sur ses fonctions dans l’enfance en prenant bien soin de ne pas le définir. Un travail passionnant mais qu’on aurait pu remettre en cause car si les fonctions du jeu identifiées chez Piaget sont fondamentales dans la connaissance du développement de l’enfant, on ne sait rien de ce qu’est ce fameux jeu par ailleurs.

Huizinga est sans doute le premier à tenter le difficile exercice de la définition. Néanmoins, s’il voit que jeu et métaphysique tissent des liens, la relation qu’il créé entre les deux univers reste très hypothétique. Il oppose le sérieux du rite et le non sérieux du jeu. On peut voir pourtant combien le sérieux peu entrer dans ce que nous nommons des jeux.

Caillois, en plus d’une tentative de définition optera plus ostensiblement vers une classification des jeux.

Dans son ouvrage, Henriot reprendra point par point les éléments abordés pour démontrer que les « boîtes » ainsi créées n’arrivent pas à contenir ce qu’il faudrait et que les frontières sont toujours plus mobiles.

L’art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un devoir !
Max Jacob

Je ne rentrerai pas dans le détail de cette investigation contradictoire que vous pourrez trouver mieux que je ne le ferais dans l’ouvrage d’Henriot. Je ne prendrai à la place qu’un seul exemple : l’improductivité du jeu. On a souvent opposé assez logiquement jeu et travail. L’un est un loisir l’autre un labeur. Une des caractéristiques du jeu serait donc son improductivité. De fait, une fois le jeu terminé, il ne reste rien. Du moins rien que les reliefs de la partie ou les outils du jouer (que l’on nomme également jeu pour contribuer à la confusion). Contrairement à l’art dont l’objectif est de laisser une œuvre, sans compter sur les arts vivants et l’art éphémère. Et puis comme l’indique Henriot, la production du travail n’est pas une valeur si simple à appréhender. Si le boulanger fait bien du pain, le professeur… professe. Comment quantifier sa production ? Inversement, le jeu peut nous transformer. On sait aujourd’hui que les impacts sur notre façon de penser ou de manier les abstractions est réel. On peut donc également parler de productivité dans le jeu d’autant plus dans leur aspect pédagogique or, tout jeu peut-être pédagogique.

Pou définir le jeu, il faut d’abord avoir conscience que le jeu existe. Que dans l’usage coutumier nous ayons depuis des siècles nommé Jeux des objets et des pratiques qui tissent des liens communs et que nous pouvons ranger dans cette catégorie.

Il paraît donc évident d’essayer de dénombrer ces liens, de les nommer puis de les mettre en fonction afin de définir ce qui est jeu et ne l’est pas.

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C’est ainsi que j’ai personnellement (et virtuellement) rencontré Jacques Henriot. À l’époque, travaillant en ce domaine, j’ai eu la tentation comme de nombreuses personnes avant moi de tenter de répondre à la question « Qu’est-ce que le jeu ? ». Après quelques lectures et réflexions plus ou moins personnelles, la difficulté de la chose m’est apparue plus précisément. Si la question est simple, et si l’on peut y répondre simplement pour un usage commun, une réponse précise demeure un sujet délicat. Après avoir étudié les Arts dans ma formation initiale, je me suis aperçu que la définition de l’Art présentait d’ailleurs les mêmes problématiques. L’Art et le Jeu nouaient-ils une relation plus forte qu’on pourrait le penser ? J’aimerais bien le croire. Mais ceci est un autre sujet.

Bien que pouvant lister une série de qualifications et de propriétés qui semblent intimement liées au jeu, aucune ne prend le pas pour être la colonne vertébrale d’une définition qui recouvrerait le jeu dans son acceptation générale. Isoler ces qualités conduit toujours à rejeter ce qui pourtant semble être à l’évidence commune des autres jeux ou bien, celles-ci sont insuffisantes à qualifier ce qui serait plus du jeu qu’autre chose. Le plaisir par exemple est souvent cité dans les qualités de ce qui doit faire un jeu pourtant il est évident qu’il ne peut être l’apanage du ludique. Le plaisir est fort heureusement une composante de bien d’autres choses.

L’image du jeu est sans doute la moins mauvaise pour évoquer les choses sociales
Pierre Bourdieu

C’est en éprouvant ces tentatives de classifications et de définitions que l’on en est venu, en les testant à se demander si finalement tout n’était pas Jeu ou si au contraire rien ne l’était. Le jeu n’existerait pas ! Cette notion ne serait qu’une espèce de fourre-tout destiné à globalement définir des activités diverses. Des activités ? Voilà une notion importante. Nous allons y revenir.

Lâche comme je suis, j’ai donc bifurqué sur ce qui me semblait plus aisé comme objet de réflexion en prenant la stratégie Piagéienne : considérons que le jeu existe et puis c’est tout !. Personne ne viendra trop me chercher sur ce terrain… Je me suis décidé à me poser alors la question du pourquoi jouons-nous ?

Cet article n’a pas pour but de répondre à cette question. C’est juste que c’est cette question qui m’a amené à cette rencontre avec Jacques Henriot. Mes recherches étaient donc trop partielles et hormis quelques universitaires, étonnamment, peu d’acteurs du milieu cite ce chercheur de premier ordre.
En prenant l’angle de la psychologie comportementale et les études récentes sur le fonctionnement du cerveau humain (et des êtres qui possèdent quelque chose d’approchant), je me suis axé sur la notion de plaisir qui semblait importante dans le ludique même si pas forcément primordiale. Néanmoins, à la question « pourquoi jouez-vous ? » le plaisir revient dans la majorité des réponses. Or qu’est-ce que le plaisir sinon une récompense ?

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Notre cerveau nous récompenserait donc de jouer. Jouer serait donc bon. Pourtant à bien y regarder, hormis les jeux dits de vertige (Caillois) ou les jeux dits d’ambiance, d’autres parmi les sports et les jeux de société arborent des visages parfois assez austères. Une compétition d’échecs à quand même assez peu à voir avec l’acte sexuel ou la première gorgée de bière. Il faut dire que le plaisir est lui aussi un sacré canaillou aux visages parfois bien différents.

Mais alors comment distinguer le plaisir d’un jeu de gestion posant des problèmes d’optimisation parfois assez complexes avec un exercice de mathématiques à résoudre ? Finalement les deux sont-ils si différents et en quoi ? C’est là qu’intervient la liberté (un thème très bien développé par Cola Duflot). Dans un cas, le problème à résoudre est librement accepté et dans l’autre il est souvent imposé. Mais cela en soit ne pouvait résoudre la distinction puisqu’un labeur apprécié (et pas forcément d’emblée) peut très bien apporter un immense plaisir. Or comment distinguer une chose acceptée d’une chose imposée ? La seule manière est de questionner le sujet. Résoudre un problème est-il pour vous une corvée ou un plaisir ?

De fait cela implique une dimension nouvelle. Ce n’est plus dans l’outil, l’objet que l’on cherche une qualité particulière mais dans celle ou celui qui s’y adonne. Le jeu (et peut-être pas que lui) n’existe que dans l’attitude de celui qui s’y adonne et ceci quelque soit le support. Certes, il est des outils ouvertement disposés au ludique : les jeux et les jouets. Les enfants en « jouant » avec des objets quotidiens ne seraient pas dans le détournement mais bien dans l’énergie première du jeu en usant de ce qu’ils trouvent à portée.

Le jeu n’existerait pas en tant que tel, mais en tant qu’attitude, en tant que façon de penser.

Et c’est là que j’ai découvert que dès 1969, monsieur Jacques Henriot avait théorisé cette pensée de manière bien plus pertinente que la mienne. Si mon ego du en souffrir, je me suis réjoui de voir que par un autre chemin sa pensée était arrivée à un constat similaire qu’il définit dans ce premier ouvrage et reprend dans un plus tardif nommé Sous Couleur de Jouer. Le jeu n’existe pas. Le jeu c’est ce qui arrive quand nous jouons. Le joueur existe. Gombrich, historien de l’art commence d’ailleurs sont ouvrage emblématique (Histoire de l’art) en précisant que l’art n’existe pas, il n’existe que des artistes. Nous sommes donc bien dans les mêmes dispositions même si cela perturbera un peu celles et ceux qui aiment appeler un chat, un chat.

Puisque le jeu ne peut être défini que comme la conséquence du Jouer alors comment définit-on le Jouer ? De cela nous reparlerons plus tard. Mais vous voyez que finalement le jeu peut très bien ne pas exister. Du moins là où nous pouvions l’attendre de manière empirique.

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J'ai acheté cette news pourtant je ne m'attendais pas à des questions métaphysiques ou philosophiques...

Je pensais trouver un article sur comment éviter les doublons, la contrefaçon et la copie lorsqu'on créé un jeu. Rien à voir.

L'article est très bien écrit mais je suis déçu sur le fond qui ne m'intéresse pas du tout. :(

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Dis donc, de plus en plus de liens (articles / vidéos) philosophiques sur TT ! Pour moi l'essence d'un jeu est avant tout la légèreté qu'il nous apporte (même si on joue en mode expert hein) du coup je finirai sur ça : oui à la philosophie, mais pas pour tous les jours :)

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Excellent article que j'ai dévoré, j'aime lorsque le jeu s'aventure sur ce terrain là, car au fond il est bien universel. Merci Docteur Mops pour cet article.
Par contre j'ai relevé une petite faute : "On peut voir pourtant combien le sérieux peu entrer dans ce que nous nommons des jeux." Il manque un "t" à peu. ;)

encore bravo

3 « J'aime »

Excellent, passionnant, même ! Et si vous n'avez pas envie de ces articles, eh bien... zappez, zut quoi ! Personne ne vous oblige à les lire, non ?

MERCI cher Mops de nous permettre de réfléchir et d'apprendre des choses, de découvrir des auteurs, etc. Et BRAVO !

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@prunelles

Que de violence, prunelles, alors que cet article prête à la réflexion.

Si la réflexion avait été vôtre, vous auriez pris le temps de bien lire, et donc de bien comprendre, que notre ami(e) Dahkon, a pris le soin d'acheter l'article; S'il l'a acheté, c'est qu'il n'est pas abonné; S'il n'est pas abonné, il ne pouvait en voir le contenu; Ne pouvant en voir le contenu, il ne pouvait évidemment pas savoir si cela lui plairait ou pas.

Réflexion intense.

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Il était tard, et j'ai manqué de patience, il est vrai... Mais sur trois commentaires : 1 déçu, et 1 qui ne voudrait pas voir de tels articles tous les jours, ça faisait un peu beaucoup :)

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@Totoche

Tout à fait !

Un tag philosophie m'aurait ptet évité cette déconvenue.

Je n'ai rien contre c'est juste pas pour moi.

Moi qui pensais à un nouveau projet de Friedemann Friese :)

Bon, très intéressant cet article

C'est pas gentil cher Docteur de chercher à faire encore grimper la pile des bouquins chez moi marqués "à lire un jour", c'est pas gentil...

Mais c'est un bien bel article. Merci Monsieur Docteur.

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Du grain à moudre.Bien ça.

"Le calembour est le pet de l'esprit" disait Victor Hugo. Dr Mops, roi du calembour(-moi le mou) sur Tric Trac en a aussi un, d'esprit - alors que moi, je ne suis qu'un gaz. N'oublions pas que le jeu est un hobby, certes, mais qu'i peut amener à la cogitation. Le jeu peut rejoindre l'art, mais reste néanmoins un loisir, quelque chose de léger. Nous ne sommes pas obligé de réfléchir à toutes ses implications culturelles, sociales voires philosophiques, mais il est important de prendre conscience que l'on peut aller vers des horizons plus lointains concernant notre (nos) loisir(s).

Voila. Je ne sais pas si je dis des trucs sensés, mais je dois savoir raconter autre choses que des bêtises sur le Chat'.

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@eins "Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole."

Quel beau sujet et quel bel article !

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On peut mener la même réflexion sur le travail pour aboutir au constat que le travail n'existe pas. donc si le travail n'existe pas, nous sommes tous des chômeurs. Comme quelque chose n'existe que par son contraire, et que le contraire de chômeur n'existe pas, personne n'est chômeur. Et voila comment on résout la crise du chômage, pas la peine de faire l'ENA ;-) merci docteur!

Très intéressant ! Bravo Docteur Mops ! J'aime beaucoup ces articles !

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Très très bon article pédagogique et ludique ;)

Merci.

Mais alors comment distinguer le plaisir d'un jeu de gestion posant des problèmes d’optimisation parfois assez complexes avec un exercice de mathématiques à résoudre ? Finalement les deux sont-ils si différents et en quoi ?

Le point commun le plus évident réside dans le fait qu'en se lançant dans l'activité on se sente en capacité de réaliser la tâche. Entre le point de départ (lecture des règles ou de l'énoncé) et l'objectif (objectif de fin de partie ou solution d'un problème) il y a le chemin à parcourir. On parle bien de stratégie de résolution en mathématiques, en tout cas le chemin à parcourir est celui qui donne le plus de plaisir. Toutes les errances pendant lesquelles l'esprit est libre de toute entrave et cherche une issue qui soit satisfaisante. Beaucoup de mathématiciens expliquent que trouver une solution n'est pas une fin en soit. Certains aiment proposer plusieurs solutions différentes au même problème. Ce plaisir n'est donc pas seulement limité aux jeux de gestions qui seraient simplement des applications mathématiques ludiques. Le cadre est plus large là encore. On peut citer beaucoup de mathématiciens joueurs comme on peut en citer beaucoup qui sont aussi musicien selon l'objectif du propos. Mais indéniablement le lien existe et la notion de plaisir est centrale. Que ce soit pour les dimensions "repli sur soi" et "accomplissement".

Les mathématiques sont basées sur les travaux solitaires de plusieurs milliers de mathématiciens dans le monde mais il existe une dimension sociale dans l'établissement des résultats et leur validation. Alors que dans le jeu tout est communication dès le départ. Le principe d'un jeu nécessite pour l'essentiel la réunion de plusieurs joueurs et la communication d'une manière ou d'une autre entre eux. Même si le langage n'est pas explicite, il peut être explicité. Une partie d'échecs peut être commentée alors même que les joueurs sont concentrés et muets.

Malgré tout, les mathématiques offrent une liberté que les jeux laissent peu : on peut définir de nouveaux objets et ouvrir de nouveaux chemins. L'acte créatif, même s'il n'est pas à la portée de tout le monde, est très présent dans ce domaine. Dans le jeu de société on peut lier ça à l'invention de variantes (côté joueur) ou d'extensions (côté auteur) mais on reste essentiellement dans un espace aux limites définies. Un système qu'on doit maîtriser mais pas réinventer selon les besoins. La stratégie s'établie dans ce domaine fermé tout en laissant le plus possible la sensation de liberté. Les plus mauvais jeux sont ceux qui nous "obligent". Ceux où la meilleure stratégie consiste simplement en une démarche algorithmique. le plaisir des mathématiques se découvre d'ailleurs dès la classe de quatrième quand un élève se rend compte qu'il existe plusieurs chemins qui mènent au résultat et qu'il a le choix.

Il y a beaucoup à dire sur le plaisir et la communication encore. Par exemple il n'est pas rare d'entendre les joueurs commenter leurs actions : "Je prend ma fourmi soldat et je vais explorer cette zone. Je récupère mon cube gris et mon cube vert. A toi."

Je n'ai fait qu'une partie de Myrmes mais j'ai adoré. C'est de la gestion avec de la compétition mais étonnamment chacun se sent obligé de commenter ce que tout le monde voit. Et l'emploi du possessif est tout aussi intéressant.

Ce n'est pas tant une différence avec l'activité mathématique ou stratégique qu'une couche supplémentaire et essentielle de l'activité ludique. D'ailleurs, sans cet aspect là, il n'y aurai ni site internet, ni forum, ni test de jeux de société.

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en pleine canicule,c'est abusé de me donner mal a la téte! et en plus sans le plaisir du cubiste allemand

Merci Docteur.

j'ai arêté il y a quelques années de chercher à me procurer "jouer et philosopher" de Colas Duflo donc si quelq'un a une piste....Et en tout cas si vous croisez le bouquin, foncez, son apport sur le jeu createur de liberté m'avait beaucoup plu à l'epoque ( et je cherche aussi son "le jeu, de pascal à schiller" que je n'ai jamais lu)