La création du jeu La Vallée des Rois (première partie)

La création du jeu La Vallée des Rois  (première partie)

Bonjour à toutes et à tous !

Ici Pascal Bernard et P.O. Barome, les auteurs de La Vallée des Rois, un jeu de cartes pour deux dont la sortie est prévue pour fin 2015. Nous avons écrit cet article à deux voix, pour vous présenter notre travail en équipe et vous décrire le processus de création mis en œuvre, ainsi que les aléas du métier d’auteur de jeux au cours de l’édition. Un coup d’œil dans le rétroviseur sur ce parcours sinueux et complexe, mais aussi un aperçu du jeu en avant-première pour vous.

Voici tout d’abord le thème de La Vallée des Rois.

L’action se déroule en Égypte, en 1922. Chaque joueur incarne un aventurier qui, avec son expédition, est prêt à tout pour découvrir avant son rival les trésors que renferment les tombeaux cachés des pharaons de la Vallée des Rois.

Pour y parvenir, les joueurs construisent leur équipe en recrutant différents alliés, comme l’archéologue, l’ouvrier, le contremaître de chantier, le mécène, le médecin, le reporter, le mercenaire, mais aussi des personnages plus insolites tels que le devin, le bandit du désert, le prêtre, la voleuse, la starlette ou même des animaux comme le singe ou le chacal.

Chacun doit aussi éviter les coups bas de son rival et affronter les terribles dangers qui se cachent au plus profond des tombeaux protégés par les dieux égyptiens.

Qui sommes-nous ?

Pascal :

Créateur de jeux depuis 18 ans, j’ai plus d’une quarantaine de titres à mon actif (jeux de société et jeux vidéo), destinés aux différents publics ludiques, aussi bien les familles que les joueurs occasionnels ou chevronnés (quelques exemples : Montjoie !, Samouraï et katana, Les Trois Mousquetaires, Le Petit Nicolas, Lulu Vroumette, Tape Coco, Arthur et les Minimoys, Cadwallon, la cité des voleurs, Héros du Monde, Alien Menace, Opération Commando : Pegasus Bridge…). J’aime notamment travailler sur les licences.

Avec le studio de développement de jeux vidéo que j’ai aidé à créer, j’adapte également des jeux de société sur différents supports informatiques (Jeanne d’Arc, Abalone, Quarto et, tout récemment, Splendor).

Depuis 15 ans, j’écris des articles dans des magazines comme Lotus Noir, Mana Rouge, Ravage et Vae Victis.

Enfin, depuis 2012, j’enseigne le « game design classique » et les « méthodes de création » aux élèves de l’école Supinfogame, à Valenciennes.

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Dans une rue du Caire.

P.O. :

Pour ma part, je suis fasciné depuis toujours par les univers fantastiques (fantasy, science-fiction, aventure) et les jeux de l’esprit sous toutes leurs formes (cartes, pions, énigmes, casse-têtes, jeux de rôles, jeux vidéo), et si j’ai moi aussi créé de nombreux jeux, ils n’étaient destinés qu’à mes proches et moi-même !

En 1994, la découverte du jeu de cartes à collectionner Magic: the Gathering a été une révélation pour moi, et ce jeu d’une richesse infinie est devenu une vraie passion.

De 2004 à 2007, j’ai été secrétaire de rédaction des magazines Lotus Noir et Mana Rouge, et j’y ai publié « Les aventures de Roldaïce », des histoires courtes se déroulant dans l’univers de Magic.

Plus récemment, j’ai écrit un roman de fantasy (dans un monde de ma création, cette fois), pour lequel je recherche un éditeur.

Enfin, il m’arrive de travailler comme relecteur et traducteur dans les milieux du jeu et de l’édition.

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Prêts à explorer les pyramides !

Notre association

P.O. :

Nous avons sympathisé en 2004, à l’époque où nous travaillions tous les deux pour Lotus Noir, Pascal comme pigiste spécialisé dans les jeux de plateau et moi comme secrétaire de rédaction.

En 2008, connaissant mon expérience du jeu de cartes Magic, il m’a proposé de travailler avec lui sur une commande, le jeu de cartes à collectionner Wakfu TCG, dont nous avons développé la version initiale.

C’est à cette occasion que nous nous sommes rendu compte du bon fonctionnement de notre équipe. Nous avons alors décidé de créer nos propres jeux de cartes. Alien Menace a été le premier, en 2011, suivi par Opération Commando : Pegasus Bridge en 2014.

L’importance de la complémentarité dans une équipe

Pascal :

La complémentarité est primordiale dans une équipe de deux auteurs : chacun doit posséder des points forts différents, sans quoi le développement ne fonctionne pas. Si les compétences sont identiques, il va se créer une compétition larvée, les compromis vont se succéder sans faire avancer le jeu, un sentiment d’oppression ou de soumission de l’un par rapport à l’autre va s’installer, de plus en plus difficile à gérer.

Pour que l’équipe fonctionne, chacun doit avoir sa place et son pouvoir de décision sur des choses précises. Il faut également avoir le même but et la même envie de qualité, et savoir se mettre au service de l’autre. Chacun doit reconnaître les compétences de son coéquipier et le laisser maître des choix dans son domaine.

Dans notre cas, la répartition évolue peu en fonction des projets. Je m’occupe de l’orientation du jeu des grandes idées directrices de gameplay, j’écris un petit document qui sert de référence, qui donne une esquisse du jeu et de son développement. P.O. conçoit alors une première « spoiler list » (liste de cartes) en tenant compte de nos discussions et écrits. Il rédige aussi une règle et un background.

L’écriture d’une règle dès le départ est très importante, car elle permet de suivre une progression sans perdre d’idées. (Nous faisons en outre des petits mémos d’idées chacun de notre côté et nous nous les présentons régulièrement.) Cependant, il faut savoir remettre en question cette règle initiale pour éviter qu’elle ne devienne un boulet et qu’elle ne bloque l’évolution du jeu.

Ensuite, P.O. réalise un prototype (avec des illustrations provisoires trouvées sur Internet) et nous commençons à tester. Je note au fur et à mesure les sensations de jeu qui manquent et que je souhaite voir apparaître, ainsi que des idées de changements pour les obtenir ; P.O. suit alors ces directions, fait de nouvelles propositions, crée de nouvelles cartes et la liste évolue.

À titre d’exemple, sur Opération Commando : Pegasus Bridge, nous avons eu 32 spoiler lists en deux ans.

Nous alternons périodes de travail intense et pauses de plusieurs mois, ce qui nous permet de « laisser reposer » le jeu, un peu comme une cuisson à feu doux. Pendant ces périodes, d’autres idées nous viennent, mais surtout, lorsque nous reprenons le jeu, nous avons du recul et un œil neuf, et nous nous rendons compte rapidement s’il existe des manques et des déséquilibres.

Quand je reprends un jeu après quelque temps, j’ai un petit truc : je teste sans relire la règle et je joue de mémoire. Souvent, des règles que j’appelle « naturelles » s’imposent : on pourrait dire que je fais des erreurs de jeu par rapport à ce que nous avions fixé, mais ces erreurs viennent la plupart du temps simplifier le gameplay et l’améliorer. Ensuite, j’intègre ces modifications et je compare la manière dont nous avons joué avec celle des règles initiales.

Lorsque nous arrivons à un produit qui nous semble intéressant et présentable, je prends le dernier prototype en date et je le fais tester sur les salons, ainsi qu’à des éditeurs. Je m’occupe de centraliser tous les retours et d’organiser les priorités en communiquant tout à P.O. qui, pour sa part, reste en retrait pour garder un point de vue extérieur.

Nous pouvons alors décider d’effectuer des refontes importantes du système, comme un changement des conditions de victoire, un rééquilibrage du jeu pour l’orienter vers un autre public, etc., ce qui entraîne évidemment de nouveaux tests.

C’est toujours moi qui m’occupe des relations éditeurs et du suivi du produit, P.O. étant celui qui veille aux petits détails.

Tout au long du processus, nous mettons bien sûr constamment à jour les règles et la liste de cartes, et le jeu ne cesse d’évoluer. C’est pour toutes ces raisons que le développement est long.

Il faut plusieurs années de travail en commun pour se connaître et mettre en place des méthodes efficaces, mais il faut prendre garde à ne pas se laisser gagner par la routine, et toujours se remettre en doute. Pour travailler en équipe, il faut :

1) partager un même feeling,

2) avoir des ambitions communes,

3) savoir se remettre en question avec modestie, sans en éprouver de frustration.

Si ces trois choses ne sont pas présents, l’équipe ira dans le mur.

P.O. :

Je suis d’accord à 100 % ! Entre Pascal et moi, il n’y a jamais de conflit d’ego. En cas de désaccord sur un point de règle ou sur une carte, il y en a toujours un qui comprend que l’autre a raison.

Nos inspirations

P.O. :

Revenons-en à présent à La Vallée des Rois.

Depuis mon adolescence, j’adore la trilogie des films de Steven Spielberg mettant en scène le célèbre archéologue-baroudeur Indiana Jones, comme d’innombrables personnes de par le monde.

Je me rappelle encore être allé voir avec excitation Indiana Jones et la dernière croisade à sa sortie, en 1989, dans mon petit cinéma de quartier. Pour l’anecdote, je voulais même étudier l’archéologie pour suivre les traces du Docteur Jones, sans réaliser que le travail d’archéologue, bien qu’il puisse être passionnant et mener à des découvertes étonnantes, n’implique évidemment pas de vivre les aventures rocambolesques décrites dans les films !

Les affiches d’Indiana Jones II et III ont longtemps fait partie de ma déco, et je connais les films quasiment par cœur (qu’aucun grand prêtre ne m’a encore arraché pour l’instant).

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Une trilogie culte !

Pascal :

Mes motivations furent un peu différentes. J’étais davantage passionné par l’atmosphère historique de la fabuleuse découverte du tombeau de Toutânkhamon par Howard Carter en 1922, les témoignages des membres de l’expédition, les photos en couleurs des trésors exhumés, ainsi que l’aspect fantastique de la malédiction qui aurait poursuivi les membres de l’expédition jusqu’à leur mort pour les punir d’avoir profané la tombe du jeune pharaon, histoire inventée par la presse mais qui marqua durablement les esprits.

Quant aux jeux qui m’ont influencé, ce sont ceux de Frédéric Henry et Guillaume Blossier, The Adventurers (opus 1 et 2), qui comptent parmi mes jeux préférés.

Nous sommes donc partis d’un mélange de toutes ces influences comme trame de fond pour La Vallée des Rois.

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de l’article concernant la création du jeu proprement dite !

En attendant, vous pouvez d’ores et déjà vous rendre sur notre site pour faire la connaissance des quatre aventuriers et en apprendre plus sur la mécanique du jeu.

L’adresse est la suivante : vallee-des-rois.com

Et vous trouverez régulièrement de nouvelles informations sur la page Facebook du jeu : www.facebook.com/TaraWolfdanslavalleedesrois

Merci pour cette niouze. je l'ai trouvé très intéressante et enrichissante. C'est vrai que l'on a du mal à réaliser tout le travail en amont pour créer un jeu de société. Il m'arrive parfois aussi de gribouiller dans un coin d'une feuille ou de noter dans un petit carnet que je me suis fait spécialement pour rédiger des règles de jeux. Ce sont souvent des brides de mécanismes de règles, des thèmes fort (SF, médiéval, gangsters...), des personnages atypiques (sorciers, fées, lutin, homme-animaux...). Et puis je laisse ça de côté, partant sur un autre pseudo projet pour ensuite revenir sur nos premières ébauches.

Merci Mactrixx pour ton commentaire, content que l'article t'ait intéressé.

Bon courage pour tes propres créations !