La conception de Chasseurs de Trésors par Richard Garfield

[Chasseurs de Trésors]

La semaine prochaine, le très attendu Chasseurs de Trésors arrivera dans les boutiques françaises, grâce à nos partenaires Oya et Atalia. Il s’agit de la VF de Treasure Hunter, un jeu sorti précédemment en Allemagne et aux Etat-Unis, patrie de son auteur, le célèbre Richard Garfield. À part la traduction des règles, effectuée en collaboration avec l’équipe Atalia, le jeu reste exactement le même que dans sa version originale.

Pour plus d’informations sur ce jeu, nous vous invitons à lire l'article précédemment publié sur Tric Trac ICI. Pour en savoir plus sur la genèse du jeu, nous vous avons traduit le carnet d'auteur écrit par Richard Garfield lui même. En voici quelques extraits :

« J’apprécie particulièrement Chasseurs de Trésors, un jeu que j’ai publié chez Queen Games. Il est exactement comme je voulais qu’il soit.

Vue d’ensemble du jeu :

Chasseurs de Trésors est un jeu de draft. A chaque tour, les joueurs reçoivent tous 9 cartes prises aléatoirement parmi une grande pioche, de façon à ce qu’il soit impossible de savoir quelles cartes sont en jeu à chaque tour. Parmi ces cartes on trouve des cartes aventuriers rouges, bleues et vertes numérotées de 1 à 12, des cartes chiens de garde, des cartes pièces (PV) et des cartes avec des capacités spéciales. Après le draft, les joueurs comparent la valeur totale de leurs cartes aventuriers dans chacune des trois couleurs. Le joueur qui a la valeur la plus élevée obtient une tuile trésor et le joueur qui a la valeur la plus basse en obtient une autre : 2 trésors sont disponibles pour chacune des 3 couleurs, cela fait donc 6 trésors au total à récupérer par tour. Ensuite, les joueurs regardent de combien de chiens de garde ils disposent pour protéger leur campement : s’ils n’en ont pas assez ils doivent donner de l’argent aux gobelins. Le joueur avec le plus de chiens de garde traque les gobeLa conception de Chasseurs de Trésors par Richard Garfieldlins et les conserve comme PV pour la fin de partie, puis il récupère également toutes les pièces que ces-derniers avaient pillées. La partie se déroule en 5 tours de jeu identiques et le joueur qui a le plus de points de victoire à la fin l’emporte.

Le charme du jeu vient surtout des trésors, qui rapportent plus ou moins de points de victoire et qui peuvent même parfois en faire perdre. Cela amène parfois les joueurs à vouloir le trésor maximum plutôt que le trésor minimum, parfois l’inverse, parfois les deux et même parfois aucun des deux pour une certaine couleur. Identifier ce que vous pensez que vos adversaires vont jouer et deviner quelles cartes sont disponibles pour les y aider représente une grande part de la tactique de ce jeu. Beaucoup de trésors vont affecter vos drafts suivants, car il est possible, par exemple, de récupérer un trésor qui vous donne des pièces lorsque vous jouez des cartes rouges – ce qui change la valeur que vous accorderez à ce type de carte durant les tours suivants.

La conception de Chasseurs de Trésors par Richard Garfield

Mécanismes :

Mon but était de faire un jeu de draft assez simple. Pour moi il y a quelque chose de magique dans le draft. Dans un jeu de draft bien élaboré, c’est un vrai bonheur de se passer les cartes, de devoir en choisir une et puis de prendre le paquet suivant et de recommencer. Cela permet de joueur simultanément, de cacher des informations, de compter sur la chance mais aussi sur la tactique et cela apporte de l’interaction –tous les ingrédients d’un jeu convainquant !

Mais la plupart des jeux de draft ont tendance à pencher vers une façon de jouer scientifique – en gardant en mémoire toutes les cartes et qui les a probablement prises. Mais s’il est possible de drafter sans calculer, j’ai l’impression que de plus en plus de joueurs voit un peu les jeux de draft comme beaucoup de jeux de deck-buildings –c’est assez sympa à jouer pendant un moment mais une fois que l’on commence à y jouer sérieusement ça devient tout de suite moins agréable. Lorsque j’ai démarré les jeux de draft, il m’a souvent semblé que les joueurs occasionnels étaient plus convaincus par ce type de jeu que ce que j’avais anticipé.

J’ai donc décider de concevoir un jeu de draft que n’importe qui pouvait gagner, un jeu dans lequel se rappeler des moindres détails était un avantage, mais pas un avantage décisif, de façon à ce que les joueurs occasionnels ne considèrent pas ça comme nécessaire. Encore une fois, cela ne veut pas dire que le jeu ne nécessite aucune tactique, mais qu’il a été conçu de façon à ce que la majorité des joueurs puissent se fier à leur intuition, même si une certaine maitrise tactique est aussi une bonne aide. Si on considère que les jeux de draft déjà existants sont comme les échecs, mon but était de créer un jeu de draft qui ressemble plus au poker.

Voilà quelques éléments dont je me suis servi pour rendre le jeu plus décontracté:

Un draft parmi un choix de cartes beaucoup plus important: Dans 7 Wonders, les joueurs connaissent toutes les cartes qui sont distribuées lors des deux premiers âges et la majorité de celles distribuées lors de l’âge 3. Même dans Sushi Go, vous progressez à travers la quasi totalité du deck et de ce fait, les derniers tours peuvent être très avantageux pour une personne qui compte les cartes. Dans Chasseurs de Trésors, vous draftez une partie relativement petite des cartes à chaque tour et elles sont toutes remélangées à chaque fois. Il est possible d’avoir beaucoup de chiens de garde ou bien très peu lors d’un tour de jeu, et s’il y en

a très peu, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il y en aura beaucoup au tour suivant. Cela incite les joueurs à essayer d’avoir une idée de la répartition des cartes, sans pour autant devoir se rappeler tout ce qui a été joué durant les tours précédents.

Draft & Pass contre Draft & Reveal: Beaucoup de jeux de draft utilisent une mécanique de draft & reveal, c’est à dire que les joueurs draftent une carte et la révèlent immédiatement. Cette mécanique permet aux joueurs de voir les objectifs poursuivis par les adversaires et donc de juger efficacement la valeur qu’ont les cartes pour chaque joueur. Si les joueurs draftent une carte et puis passent le paquet sans révéler la carte choisie, il y a plusieurs avantages qui rendent la partie plus simple. Tout d’abord, les joueurs peuvent avancer à leur propre rythme plutôt que chaque tour de draft ne soit dicté par le joueur le plus lent. En pratique, cela conduit à ce que plusieurs paquets de cartes s’accumulent derrière un joueur qui doit prendre une décision difficile puis que tout se débloque une fois que la décision a été prise et que le joueur s’occupe des paquets qui l’attendent. Cela rend un style de jeu rapide encore plus rapide. L’autre avantage, plus subtil, est qu’il y a plus d’informations cachées – ce qui laisse plus de place aux suppositions. Dans un jeu de draft & reveal, un joueur avec une bonne mémoire connaît l’état complet du jeu après avoir vu quelques paquets. Dans un draft & pass, les joueurs ne connaissent pas toutes les cartes qui sont en jeu, même avec une mémoire parfaite, et pour celles qu’ils connaissent, ils ne savent généralement pas qui les a prises.

Des valeurs de cartes plus variées : un équilibrage minutieux des cartes n’est pas absolument nécessaire dans un jeu de draft. En jouant avec l’équilibre des cartes, il est possible de rendre le drafting plus simple – donnez une valeur en point de victoire à chaque carte et n’importe qui peut drafter parfaitement de la valeur la plus forte à la valeur la plus faible. C’est bien sûr une extrémité qui n’est pas très intéressante. L’autre extrémité dans laquelle tout est parfaitement équilibré, n’est pas intéressante non plus. Il faut s’arrêter quelque part au milieu, mais où ? J’ai essayé de placer Chasseurs de Trésors de façon à ce que les joueurs puissent limiter leur choix à quelques cartes. Si vous êtes intéressés par le trésor rouge maximum, un 10 rouge est tout simplement meilleur qu’un 8. Si vous voulez

avoir un chien de garde, un chien à 2 est tout simplement meilleur qu’un chien à 1. La tactique arrive lorsque vous devez choisir entre un chien à 2 et un 10 rouge –ce qui est une décision moins ardue et plus satisfaisante pour un joueur occasionnel que de devoir choisir entre 9 cartes avec des différences plus nuancées.

Pour ceux qui seraient inquiets à l’idée que ce procédé conduise à un jeu qui ne nécessite aucune tactique, il leur suffit de regarder le grand-père de cette forme de drafting, Magic, pour voir que ce n’est pas le cas. Le draft de Magic demande beaucoup d’habileté et pourtant on y retrouve ces 3 caractéristiques typiques d’un draft ‘simple’. Le draft se fait généralement parmi un choix immense. Les choix des joueurs se font faces cachées, donc personne n’est sûr de ce que les autres joueurs possèdent – il faut supposer. Les cartes ont un éventail de pouvoir varié – et comme les joueurs s’investissent dans des couleurs spécifiques, la différence de valeur de certaines cartes pour un joueur devient encore plus prononcée.

Rien de tout ça n’est bien sûr fait pour rabaisser des jeux comme 7 Wonders et Sushi Go. J’adore ces jeux et ce qu’ils apportent aux joueurs. Mais tous les jeux ne sont pas les mêmes – beaucoup de joueurs veulent un peu plus de folie et veulent suivre un peu plus leur instinct qu’il n’est possible de le faire avec ces jeux – particulièrement au sein d’un groupe qui maitrise déjà les bases du jeu.

Thème :

L’idée de départ pour Chasseurs de Trésors était celle d’un jeu humoristique– dans un univers comme celui de Futurama. L’idée était que les joueurs

devraient drafter des marchandises pour trois planètes différentes et qu’ils pourraient ensuite les utiliser pour récupérer deux objets différents (les récompenses) placés aléatoirement sur chaque planète. L’un serait remporté par le joueur qui aurait assemblé des marchandises de la plus haute valeur et l’autre par le joueur qui aurait assemblé des marchandises de la valeur la plus faible. Les joueurs auraient aussi du drafter quelques armes pour leur vaisseau, sans quoi ils auraient été obligés de payer un amende aux pirates de l’espace.

Queen avait cependant le sentiment que la science fiction ne correspondait pas au marché européen et nous avons donc travaillé ensemble pour trouver un nouveau thème. Pendant un moment, nous avons envisagé un thème basé sur l’univers d’Indiana Jones où les joueurs auraient du drafter de l’équipement afin de piller des temples et où la menace aurait été des bandits. J’ai oublié pourquoi nous n’avons pas gardé ce thème – je pense que c’est parce que je ne croyais pas en son potentiel. Je n’aimais pas non plus la façon dont le thème s’accordait avec les mécaniques.

Nous nous sommes ensuite tournés vers le thème qui a été finalement choisi.

J’ai tout de suite senti qu’il s’accordait bien aux mécaniques et que récupérer des chiens de garde à la place des armes pour protéger son campement était plutôt chouette. Je trouve que les graphismes sont lumineux, plaisants et plein d’humour – ce que je recherche généralement car cela donne un ton plus joyeux, ce qui, selon moi, est particulièrement important pour un jeu comme celui-ci. »

Voilà, donc n’hésitez plus et venez jouer à ce superbe jeu qu’est Chasseurs de Trésors. Si vous souhaitez l’essayer, vous pourrez nous retrouver les 23 et 24 septembre au festival Les vendanges ludiques ainsi que le 1er octobre au festival Ludifig !

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Testé la version proto Science-fictionnesque… j’étais pas emballé. La rethématisation fût plus que bienvenue.

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Ce sera donc aux Vendanges Ludiques. La récolte risque d’être bonne cette année encore.

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