Krysalis - Les premiers pas

En ce début d’été 2019, notre équipe (formant le collectif GTFK) est prise de nostalgie… Mugen (Corentin Calvez) et Rasebelune (Florent Favard) prennent donc la plume pour revenir sur l’évolution du projet Krysalis et parler, non pas du jeu lui-même, mais du travail que nous avons mené, pour proposer une série de billets à quatre mains, en mode “méta”, retraçant près d’une décennie.

Le but est autant de revenir sur notre parcours pour celles et ceux qui connaissent un peu le projet, que d'exposer plus largement l'aventure que peut être la conception d'un jeu de plateau/de figurine lorsqu'on est une petite équipe de passionnés. Nous espérons ainsi que les obstacles que nous avons rencontrés, les astuces que nous avons trouvées, les idées que nous avons testées, pourront vous éclairer si vous souhaitez vous lancer dans un projet similaire, ou simplement si vous voulez en savoir plus sur l'univers du jeu de plateau/de figurines.

Relire : 1. La genèse

Aujourd’hui, Mugen revient sur l’évolution du projet.

Les premiers pas

Il est un peu dur de résumer de façon simple le maëlstrom créatif et visuel dans lequel l’équipe s’est plongée pendant les premières années de travail sur Krysalis. Entre les pistes successives et les styles différents de chaque membre du GTFK, nous dessinions énormément de monstres et d’humains. Rasebelune affinait ses concepts et proposait un casting d’acteurs et d’actrices comme base de chacun de ses héros humains ; pendant ce temps Bof, Cypop et Daflo avançaient en proposant des concepts riches de potentiel, nous poussant à affiner en permanence notre vision des visuels. Cette recherche graphique des concepts sera le sujet d’un autre article.

Un travail tout aussi riche se profilait au niveau du gameplay et du matériel de jeu, au fil d’échanges dans d’innombrables mails. Ce n’était pas toujours évident, d’autant que petit à petit, les membres de l’équipe entraient dans le monde du travail : c’était toute une logistique à définir pour trouver le temps de travailler sur Krysalis.

Une des premières versions des cartes.

Trouver l’identité du projet

Le premier proto à notre disposition était jouable, nous commencions à nous amuser et Krysalis prenait corps au travers d’un montage hétéroclite d’éléments. Certains prototypes de figurines, personnages ou encore mécanismes restent inchangés à ce jour. Nous sentions que nous tenions quelque chose.

Courant 2010, c’est donc avec un jeu en patchwork et quelques figurines que nous avons participé à notre premier salon, celui de Normandigurine à Saint-Nicolas d’Aliermont - nous allions y revenir en 2012. C’est aussi l’époque où nous avons participé plusieurs fois aux Journées de la Figurine et du Jeu de Sartrouville. Plusieurs illustrations pour les affiches de ces salons, au début des années 2010, furent réalisées, tout ou partie, par le GTFK. Ce fut une époque parmi les plus productives, qui nous a beaucoup appris au fil des rencontres, notamment avec les différentes sculpteurs avec qui nous avons pu travailler, que je ne remercierai jamais assez pour leur générosité.

Tests d'un premier prototype sur un salon.

A cette époque, je travaillais en freelance. J’ai eu l’occasion de travailler sur les sites internet de Hazgaard, Alambic Miniatures et Wonderlands Project, des expériences très positives ouvrant vers un réseau professionnel ; il était toutefois trop tôt pour y faire circuler Krysalis, le projet étant encore en phase de maturation. Entre 2010 et 2011, nous avons mis en ligne la première version du site, accompagné d’un forum : c’est à ce moment que nous avons créé les premiers plateaux et la première version jouable de Krysalis.

Pour avancer plus vite sur ce prototype, nous avons créé des standees en carton avec tous nos concepts validés, afin de le rendre intégralement imprimable si besoin - une idée que nous avons conservée aujourd’hui. Même si l’envie de faire des figurines a toujours été grande, nous avions surtout pour but de créer un jeu de plateau.

Les premières silhouettes "standees"

En parallèle de tout ce travail sur le prototype, l’association continuait à produire et vendre des résines pour pouvoir investir dans d’autres illustrations et sculptures. Nous avons toujours essayé de garder un prix raisonnable pour les résines, mais faire vivre le projet sous cette forme a représenté un casse-tête de trésorerie. Nous avancions surtout grâce aux coups de pouce gracieux ou à bas prix des amis et contacts. Certaines promesses n’étaient pas tenues, d’autres incroyablement satisfaisantes.

Mais le projet ne parvenait pas à se concrétiser en fonctionnant uniquement sur les coups de main et du temps de travail grignoté aux autres obligations de la vie professionnelle et personnelle. Il devenait assez clair que le projet atteignait un plateau ; tandis que certains partenaires se professionnalisaient, notamment en sculpture, nous avions toujours des concepts et un jeu sympathique mais très hétéroclite, et pas très facile à vendre à un éditeur sous la forme très amateur qu’il avait.

Ce qui nous encourageait - et nous encourage toujours - c’était la réception sur les salons : on avait un produit intéressant et on nous demandait souvent pourquoi on ne lançait pas de financement participatif ; mais aucun membre de l’équipe n’était prêt à sauter le pas sans un partenaire professionnel pour soutenir la démarche. Nous n’étions qu’une petite association qui peinait à rentrer dans ses frais.

Une seconde version abandonnée des cartes de personnages

Nous avons persévéré car les règles et le matériel prenaient forme, et le proto nous plaisait. Quelques soucis d’illustration se ressentent encore aujourd’hui - plus de détails dans le billet dédié - réglés en partie lorsque nous avons pu faire appel à l’illustrateur Zeen84 (aujourd’hui, ZeenChin). Il a réinterprété tous nos personnages pour nous fournir des illustrations (nous n’avons pu financer que des encrages et nous sommes chargé de la colorisation). Nous avons longtemps conservé ces illustrations (elles sont une base encore aujourd’hui), mais avec le recul, cet effort de standardisation a quelque peu entamé notre dynamique créative puisqu’il n’a pas été directement suivi par une publication du jeu, qui était toujours en travail.

A cette gestion un peu “sur le fil” s’ajoutait, je l’ai mentionné plus haut, des impératifs professionnels et personnels qui, dès 2013, ont entamé notre rythme de travail : changements d’emploi, déménagements, thèse (pour Rasebelune), évolutions personnelles diverses, ont tout de suite un impact redoutable lorsque le projet est mené bénévolement, sans financement régulier, et sur le temps libre. C’est peut-être la leçon la plus dure, mais la plus vitale, que nous ayons eu à apprendre.

Lentement mais sûrement, l’équipe, qui reste soudée outre mesure - nous n’avons jamais cessé de communiquer quotidiennement - s’est désagrégée. Il ne s’agit pas tant d’une rupture (comme un groupe musical) que d’une évolution lente, parfois sournoise, un changement d’intérêt, une perte d’énergie, qu’il est primordial de surveiller sur ce genre de projet. Lich, Cypop, Bof ont progressivement arrêté de participer activement au projet passé 2014 - une décision que nous respectons. Rasebelune s’accrochait, s’étant pas mal investi dans l’écriture du scénario, mais sa thèse prenait tout son temps. Je continuais à m’impliquer sur la communication et la vente de figurines. Il nous semblait, petit à petit, que le projet serait une expérience passionnante mais qui ne donnerait jamais lieu à une édition : malgré nos efforts, le budget et les partenaires manquaient. J’ai mis en ligne une version des règles qui nous satisfaisait, puis le jeu est resté en stand-by, notamment durant 2015. C’est ce que Rasebelune appellerait, dans une histoire, le moment “all is lost”, où tout semble perdu… Mais c’était sans compter les nouvelles étincelles que nous avons trouvées ensuite, et que nous détaillerons plus tard ! Car, malgré nos errances et nos doutes, l’aventure n’était pas terminée...

A suivre...

Lire la suite : 3. le scénario

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