Il était une fois... Le week-end jeux

Le week-end jeux, c'est un concept en soit. L’assouvissement d’une passion. Un bain d'amitié de longue date. Le ressourcement autour des deux déesses modernes que sont le jeu de société et la balade verte. Pour ce faire, rien de plus simple :

  • Louez un gîte frais et verdoyant, de préférence dans un environnement type forestier, champêtre, cuicuitesque.

  • Assurez-vous de la faible qualité acoustique du lieu – évitez à tout prix les portes coupe-son, les chambres aux 2e étage et les espaces communs tamisés qui ne résonnent pas assez.

  • Ajoutez les 6 bacs Colruyt d’Arthurine, saupoudrez des 4 bacs Colruyt de Bob, emballez dans un menu hebdomadaire soigneusement concocté la semaine précédente.

  • Enfournez le tout à 180°C, puis mettez le menu à la poubelle. Sortez les chips, les pâtes et les pizzas, et passez aux choses sérieuses.

Fig. 1 : Attention, la cuicuitesquerie de votre environnement peut avoir des effets secondaires indésirables.

Vendredi, 17h30. Une meute de 80 joueuses et joueurs, composée pour moitié d’individus enfantins, se précipite sur les boîtes, faisant fi de toute l’organisation soigneusement indiquée (« Remettez les boîtes sur les étagères quand vous avez fini votre partie », « On ne court pas entre les tables », « Joué c’est joué, reprendre c’est volé », et autres joyeuses banalités). C’est l’heure ! L’heure de la découverte, de l’exploration. On peut compter sur Séverine, ancienne tenancière d’un site de ventes de jeux, pour dénicher des merveilles. Et c’est là que le métajeu commence. Le métajeu, c’est la gestion de mille choses à la fois pour le bon déroulé des événements : empêcher les enfants de démonter le mobilier, expliquer les règles de Seasons, verser les coquillettes dans l’eau bouillante et attribuer les jeux en fonction des attentes de chacun. Pas évident quand on est spécialiste ès jeux bien lourds et que son public est papillonnant.

Fig. 2 : Courage, Bob.

23h, fin d’installation, état post-prandial, on passe aux choses sérieuses. Les enfants sont au lit, on a pris des nouvelles de la famille de Jean-Yves, maintenant on JOUE. Pas on « joue », non non. On JOUE. Le déroulé de la soirée est subtilement négocié. Il s’agit d’atteindre un équilibre temporel aussi parfait que l’équilibre mécanistique de la collection de jeux que l’on a amenés l’été dernier. On commence par une légèreté, une mise en jambes, un party game à la Time’s Up. Avec un peu de chance, les braillements engendrés seront suffisamment puissants pour couvrir les cris du petit Uriel dont le frère est en train de coincer la tête dans l’embrasure de la porte à l’étage – on est tous d’accord pour faire semblant de croire que les enfants dorment.

Fig. 3 : Pendant ce temps là, à l'étage. Pas si simple de faire semblant de croire qu'ils dorment, c'est un vrai taf d'être parent !

1h30, on sort le Full Metal Planet : les parents esquivent. Éreintés et contrits, ils se retirent dans leurs appartements, redonnant peut-être au passage forme humaine à Uriel grâce à la mystérieuse incantation du bisou magique. Malheureusement pour ces braves individus, les quelques supposés « adultes » restant autour de la table sont atteints de l’immaturité latente que l’on retrouve chez certains trentenaires, celle-ci étant exacerbée par la consommation de limonade et par l’adrénaline de la perspective du GROS JEU.

Fig. 4 : You don't tell, Abi, you don't tell !


7h du matin. Les tranchées encore fumantes des bombardements sentent le souffre. Les éclats de métal gisant au sol, derniers témoins des combats de la nuit, reflètent la lueur du soleil levant. Mais surtout, ce bruit omniprésent. Pam ! Pam ! BOUM ! Pam Pam, les deux tirs nécessaires pour faire BOUM aux blindés adverses. Pam Pam, le son de la victoire pour l’assaillant. Boum, la sirène du désespoir pour l’assailli. Mais surtout, PAM PAM BOUM : le cauchemar de Morphée et de tous ses sujets pseudo-endormis dans la maison. 7h du matin, à l’heure où les assauts finaux ont été donnés, les plus virulents, les plus bruyants, les voilà qui émergent, ces zombies ensablés. Les cernes sont violacés, les bouches grandes ouvertes, accablées de bâillements intempestifs. Une lueur tenace au fond des yeux parentaux promet une vengeance rapide et implacable.

Fig. 5 : Comme ça, mais en beaucoup moins énergique.

Ce réveil militaire est encore à ce jour rien de moins que légendaire. Difficile de savoir qui accuser : le jeu, le gîte, la bière ? Toujours est-il que, suite à mes mésaventures, je vous livre ma maxime ludique, ma signature : « Toujours par le gros jeu tu commenceras, ou bien le party game, raison de toi, aura. »

Merci à Bob pour son témoignage, on se retrouve le mois prochain pour un nouvel épisode de « Il était une fois » !

« Il était une fois… » narre vos anecdotes de jeu. Il vous est arrivé un truc fou, comique, tendre, chamboulant ou dramatique autour d’un jeu, du Jeu ? Envoyez-moi votre histoire si vous voulez la voir mise en plume à madame.mathilde@trictrac.net, avec en objet du mail « Il était une fois » (c’est important !). Elle sera romancée et anonymisée, puis publiée.

Photo de couverture par Florian Belmonte.

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