Gods Love Dinosaurs : le journal d'auteur

[Kingdomino][Magic Maze][Silk]

Un mois après la sortie française de Gods Love Dinosaurs, on vous propose d’en découvrir un peu plus sur la création du jeu, à travers les mots de l’auteur lui-même :

Je n’ai jamais joué à Silk, mais j’en ai écouté la critique sur Shut Up & Sit Down, et ils ont visiblement beaucoup apprécié les moments où le monstre dévore les vers à soie… Ça m’a donné envie de créer moi aussi un jeu dans lequel des créatures mangent d’autres créatures. Et de là m'est venue l’idée de faire un jeu de gestion d’écosystème, dans lequel il faudrait trouver le bon équilibre entre les différentes populations d’animaux dans un même environnement.

Pour construire cet écosystème, j’ai décidé d’utiliser des dominos, et je me suis alors donné pour objectif de faire un "Kingdomino avec royaume vivant" (j’ai une relation spéciale avec Kingdomino puisqu’il a gagné le Spiel des Jahres l’année où mon Magic Maze été en lice, mais c’est une autre histoire…).

J’ai pris les premiers animaux qui me sont venus à l’esprit : les rats, les lapins et les grenouilles sont tous en bas de chaîne alimentaire du jeu, et servent tous de nourriture aux tigres et aux aigles. J’ai choisi ces derniers juste parce que je les trouvais cools ! Mais qu’est-ce qui pouvait bien manger des tigres et des aigles ? Quelque chose d’encore plus cool, hmmm… des dinosaures, bien sûr !

Je n’ai jamais vraiment pensé que tous ces animaux resteraient jusqu'à la version finale du jeu, mais j'imagine que le fait qu’il n’y a aucune justification zoologique pour que ces différentes espèces cohabitent procure un certain charme au jeu. Et au final, ce drôle de casting a inspiré le pitch du jeu : des dieux un peu barjots qui bidouillent des écosystèmes…

Je voulais que pendant la partie, les joueurs tentent de trouver un équilibre dans leur écosystème, mais je ne savais pas trop comment mesurer cet équilibre de façon simple ? Je me suis alors rendu compte qu’un écosystème bien équilibré permettrait à de nombreux dinosaures (le prédateur ultime) de vivre. Si, par exemple, il n'y a pas assez de tigres et d’aigles, les dinosaures meurent de faim ; mais s’il y en a trop, ils mangent toutes les proies et finissent eux-mêmes par manquer de nourriture et mourrir, entraînant par là-même la mort des dinosaures…

Initialement, on marquait des points en fonction du nombre de dinosaures présents dans son écosystème à certains moments-clés de la partie. Plus tard, j’ai décidé qu’on marquerait un point à chaque fois qu’un dino mange un tigre ou un aigle, afin de d'associer plus étroitement les points de victoire avec le moment le plus palpitant du jeu : quand les dinosaures sèment la terreur et descendent de la montagne pour se nourrir (jene crois pas que les dinosaures vivaient particulièrement dans les montagnes, mais là encore, je trouve juste ça plus cool…).

Pendant la partie, les joueurs choisissent à tour de rôle des tuiles représentant 2 paysages différents (ou similaires), généralement habitées par un animal. Ces tuiles n’ont pas changé durant tout le développement du jeu, à l’exception de leur forme, qui est passée de carrée à hexagonale. Ce petit changement a permis de rendre le placement des tuiles moins frustrant : créer des zones de paysage identique avec des dominos rectangulaires peut s’avérer très compliqué, alors qu'avec des hexagones, c'est tout de suite beaucoup plus facile. Dans Kingdomino, créer des zones de cases identiques constitue un des défis principaux proposé par le jeu ; à l'inverse, dans Gods Love Dinosaurs le défi est ailleurs, donc je voulais rendre cet aspect plus simple pour les joueurs.

Mais la principale évolution a concerné le rythme du jeu. Dans la première version, le jeu se déroulait en un nombre de manches déterminé : à chaque tour, tout le monde ajoutait à son écosystème une tuile parmi celles disponibles, puis on piochait une carte pour savoir quelles espèces activer (par exemple : les lapins et les tigres).

Ce système présentait toutefois deux problèmes : d’abord, le choix de la meilleure tuile pour son écosystème était souvent trop évident. Ensuite, il n’y avait aucune possibilité de planifier à l’avance, puisqu’on ne pouvait pas savoir quels animaux allaient être activés.

Tric Trac

Même si le jeu ne marchait pas vraiment, je voyais bien que les testeurs aimaient beaucoup nourrir leurs petits animaux, donc je me suis dit que le jeu avait du potentiel et je me suis mis au travail pour corriger ces deux problèmes.

En premier lieu, j’ai essayé de rendre les activations moins imprévisibles. Ça permettait de savoir à l’avance que les lapins allaient bientôt se reproduire, ou que son dino allait devoir manger dans quelques tours, mais il y avait toujours aucun contrôle sur l’ordre d'activation des différentes créatures, et ça ne résolvait pas le fait que le choix de la meilleure tuile était souvent trop évident.

Il fallait que les joueurs aient davantage de raisons de choisir une tuile plutôt qu’une autre, et c’est là que m’est venue l'idée qui m'a permis de résoudre les deux problème d’un coup : organiser les tuiles en cinq colonnes (une pour chaque espèce, à l'exception des dinosaures). Lorsque la dernière tuile d’une colonne est prise, l'animal correspondant est activé !

Tout à coup, il y a bien plus de choses à prendre en compte au moment de choisir une tuile. La meilleure tuile pour votre écosystème peut encore être assez évidente, mais est-elle dans une colonne qui vous arrange ? Les joueurs doivent désormais trouver le bon équilibre entre la meilleure tuile et l’animal qu’ils souhaitent voir activé en premier. Premier problème résolu ! Dans le même temps, les joueurs contrôlent désormais (collectivement) les animaux qui s’activent, au lieu que cela soit déterminé par le hasard de la pioche. Second problème également résolu !

J’adore ces moments où en modifiant un seul point de règles, on fait en sorte que le jeu se mette tout d'un coup à tourner parfaitement. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé ici ! Pour la suite du développement, on n'a eu qu'à peaufiner quelques détails, et c’est finalement, pour le moment, le jeu que j’ai signé le plus rapidement après l’idée initiale (3 mois et demi).

Pandasaurus Games a fait un travail incroyable sur les illustrations, et a même créé des meeples pour chaque espèce… Je suis vraiment ravi du résultat final !

Kasper Lapp

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