du proto au jeu finalisé, la suite

Dans le précédent article, nous avions vu comment passer de l’idée au premier proto (pas joli, mais fonctionnel). Entre recherche d’idée, équilibrage, doute et essai. Voici maintenant le moment de vous raconter la suite de l’aventure.

Etape 8 : L’écriture des règles

Voici une étape obligatoire que tout créateur redoute, tant cet exercice est assez rébarbatif et surtout complexe. Il faut réussir à rendre son jeu intéressant et compréhensible, et tout ceci, avec des règles qui soient les plus concises possible. Une véritable épreuve de force, qui fera 50% de la qualité du jeu. Car une règle mal écrite c’est le désintérêt total et assuré de la part des éditeurs, mais aussi des joueurs. Sans oublier le fait que le jeu risque d’être bancal. La difficulté réside dans le fait de réussir à mettre sur papier toute la mécanique du jeu, mais surtout de ne pas oublier certains points. Or on connait notre jeu par cœur, il est donc compliqué de penser à tout, et surtout aux petites questions qui nous semblent évidentes, mais qui peuvent faire toute la différence ou qui risquent de perdre le joueur, si elles ne sont pas résolues.


Allez, zou ! J’ouvre mon logiciel de traitement de texte, je commence par mettre l’âge et le nombre de joueurs, la liste du matériel, puis je passe au but du jeu. En commençant par lui, je définis de suite le but, il sera alors plus simple de cerner les étapes à franchir pour l’atteindre. Lorsque j’explique des jeux lors de soirées et autres, je procède ainsi « Voici untel, le but est de faire ceci, pour cela vous allez devoir faire cela ». Vous avez planté le décor, expliqué le but il n’y a plus qu’à expliquer comment y arriver. Les joueurs autour du jeu ont toute votre attention, ici c’est pareil.


Je passe ensuite à la mise en place, ainsi tout de suite les joueurs savent commencer placer leur matériel de jeu. Puis j’attaque le jeu en lui-même en essayant de suivre le déroulement chronologique d’une partie et je termine par les interdits. À ce niveau je laisse les règles ainsi, de côté. Voici une bonne chose de faite.

Etape 9 : Les recherches graphiques

Voici un point assez complexe à évoquer, car tout le monde n’a pas d’aptitude au dessin. De plus, l’éditeur modifiera surement le thème ou les graphismes de votre proto, sans oublier que pour les concours on ne demande que les règles pour les premières phases de sélection. Certains diront donc qu’il n’est pas nécessaire de faire quelque chose de beau, voir de propre. Cela n’engage que moi, mais je dis non ! Pourquoi me direz-vous ? Nous-mêmes ne serions nous pas plus enclin à acheter quelque chose avec un bel emballage plutôt que quelque chose de médiocre ? Pour les éditeurs c’est pareil, même s’il n’attache pas une importance capitale, cela permet au moins de mieux différencier votre jeu des autres. De plus si vous avez travaillé un peu votre proto (graphiquement), cela fera plus sérieux, cela montrera que vous avez bossé dessus, et que vous n’avez pas fait cela par-dessus la jambe.


Bref, revenons-en à notre jeu. Je l’avais un peu délaissé le temps de rechercher un style graphique. Je procède alors par logique (enfin la mienne de logique). Il s’agit d’un jeu solo, rapide, avec un thème fantasy et fantaisiste. Je pars donc sur un design simple, limite drôle, des aplats pour la couleur. J’aime beaucoup la BD Donjon de Sfar et Trondheim, cela m’inspire pas mal. Allez j’ai les idées, il est temps de m’attaquer au premier proto (pas beau).

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Les pions au complet

Etape 10 : La réalisation

Je prends une feuille, un feutre noir, une règle et je trace mes zones, c’est le début. Ensuite j’attaque la forteresse, puis les petits détails : les arbres, les cahutes, les chevaliers, ça va assez vite et en plus c’est drôle. Au départ ça ne devait être qu’un essai, du coup je n’avais pas fait de crayonné, mais le résultat pas mal, le premier essai sera donc le bon (ouf, j’ai de la chance). A côté je passe aux pions, rien de compliqué.


Puis je scanne le tout, puis à l’aide de mon logiciel de dessin favori je fais la colorisation. Je prends volontairement une palette assez pastel. J’ajoute les textes (pas prévu au départ) et change le design de la barre de temps. Le challenge est de réussir à tout faire tenir sur une feuille. Puis je passe au pion, rien de très compliqué dans cette étape. Afin de clarifier un peu les choses, j’ajoute une zone claire sur chaque case. Il est temps de voir ce que ça donne sur papier. Bonne surprise ça ne coupe pas les bords et ça rend plutôt bien. Je peux enfin pousser un ouf de soulagement.

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Le plateau dans sa version noir et blanc.

Etape 11 : Le montage

J’ai toutes les pièces en main, il est temps de monter le jeu. Cutter et ciseaux seront mes amis. Avant tout je décide de coller le tout sur du lino (oui une plaque comme pour les sols), afin de rendre les pions plus épais et moins volatiles. Après une séance de collage et de découpage, mes pions sont prêts. Je pose mes pions, regarde ce que ça donne, c’est bon, je pense n’avoir rien oublié.

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Nos petits orcs fins prêts !

Etape 12 : Finir les règles

Le jeu est terminé, pourtant j’avais volontairement mis de côté les règles afin de les laisser reposer et surtout voir s’il n’y aurait pas de modification à faire après avoir finalisé le design. Je rouvre mon document, corrige quelques fautes et surtout ajoute une variante : le mode infini. Ce n’est pas grand-chose, mais ça ajoute de la plus value au jeu, donc c’est toujours bien. Je relis ma règle, la corrige, et ferme mon fichier. Cette étape rébarbative est maintenant derrière moi.

Etape 13 : Être fier de soi !

Voilà j’ai maintenant tous les éléments (le visuel de couverture avait été fait avant), je n’ai plus qu’à compiler tout ceci dans un fichier PDF et à le poster sur le blog, puis à attendre que des joueurs veuillent bien y jouer et me fasse leur retour. Car dans la vie d’un jeu le retour des joueurs est très très important, il ne faut donc pas rechigner à revenir sur son jeu pour l’améliorer. Mais en attendant, je regarde mon jeu en même temps que j’écris cet article et je me dis qu’au fond j’en suis assez content, et c’est déjà une bonne chose. Il faut commencer par être fier (de temps en temps) de son travail si l’on veut que les autres l’apprécient en retour.

Vous voulez voir ce que donne le jeu terminé c’est ici que ça se passe : télécharger de l’or pour les orcs

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Le jeu terminé

Conclusion

J’espère que ces deux articles vont auront permis de mieux comprendre les étapes (simplifiées par rapport à un jeu commercial) que traverse un jeu pour passer de l’idée au produit fini. Que vous soyez un simple curieux (et vous avez bien raison) ou bien un créateur de jeu. Si vous faites partie de la dernière catégorie, j’espère que cela vous aura aidé à appréhender la réalisation de votre propre jeu, car il est parfois difficile de ne partir de rien, sans vraiment savoir où l’on met les pieds et sans modèles à suivre.

Entre le moment où germe l’idée et le jeu finalisé, il y a énormément d’étapes cruciales. Entre les premiers protos, où de simples informations sont écrites sur des papiers, l’équilibrage, l’écriture des règles puis la réécriture, sans oublier les fausses routes et les modifications, il a beaucoup à faire. Mais cela est passionnant.

Surtout si vous avez des remarques, des idées, des conseils ou juste quelque chose à dire n’hésitez pas à poster dans les commentaires, c’est fait pour cela et cela me fera extrêmement plaisir.

A très bientôt et surtout n’oubliez pas de donner vie à vos idées.

2 « J'aime »

Merci pour ce double article simple mais intéressant.

Encore bravo pour cet article fouillé et qui montre bien que créer un jeu, c'est sacrément du boulot. Du boulot passionnant, mais du boulot quand même.

Un peu comme pour l'édition littéraire, où parfois on se demande s'il n'y aura bientôt pas plus d'auteurs que de lecteurs, en exagérant un peu bien sûr, verra-t-on plus de créateurs de jeux que de joueurs ?

Y'a de la marge, évidemment, mais c'est fou le nombre de joueurs assidus que j'ai rencontré et qui ont au moins un proto dans un tiroir.

Oui je pense qu'il y a de plus en plus de créateurs, et la comparaison avec le monde littéraire est tout à fait juste.

"Donnons vie à nos idées !"

Bravos pour le travail et ce récit très intéressant.