DOS DE MAYO ou la révolte en cubes

[2 de Mayo][Black Stories][Stalag 17]

Dos de Mayo est un jeu à part. À part car il jouit chez les amateurs éclairés d’une aura positive. Une aura dont la plupart d’entre nous n’aurons jamais entendu parler car il s’agit d’un jeu affilié aux jeux de guerre, historique qui plus est, édité en Espagne et diffusé uniquement en espagnol et en anglais avec une belle sobriété graphique. Ajoutons à cela que les français n’y tiennent pas ici un rôle très élogieux. Nous sommes bien loin des paillettes et du glamour et se cantonner à cette sobre superficialité serait un bon moyen de passer à côté d’un pan du jeu de société qu’il n’y a aucune raison de laisser dans un ghetto d’ultra spécialistes un peu bizarres.

La preuve ? Suivez donc avec plaisir l’enthousiasme érudit de monsieur Guillaume Ajax qui nous signe ici un texte de présentation comme on en rencontre peu. Attention, il y a de plein de mots, de l’histoire, de la stratégie, de la tactique. Vous serez prévenu. Merci pour ce plaisir monsieur Guillaume.

Docteur Mops

Dos de Mayo est un jeu de l’éditeur espagnol Gen X games qui ne cache pas sa fascination pour les sociétés Avalon Hill, SPI et Victory Games. Malgré ces références, ce n’est pas à proprement parler un éditeur de jeux de simulations historiques car mis à part « Stalag 17 », un jeu d’évasion de camp de prisonnier durant la seconde Guerre Mondiale, la plupart de ses publications sont des traductions de jeux de société dont les plus connues sont les nombreux titres de la série « Black Stories ».

Ce qui a guidé ici la publication de ce titre est évidemment lié au thème et au lieu de l’action: Madrid et la révolte populaire spontanée d’une partie de sa population contre les troupes française du Maréchal Murat le fameux 2 mai 1808. Il suffit de se plonger dans les peintures saisissantes de Goya, qui représenta plusieurs scènes de cette action dont les exécutions du soir et du lendemain des événements par l’infanterie française, pour estimer l’impact sur l’imaginaire des Espagnols.

Il est en revanche certain que l’expérience des jeux de plateaux a fortement influencé la nature du jeu tant dans son style que dans sa fabrication, cubes en bois, plan de jeu rigide, structure des règles. La structure du tour de jeu sera d’ailleurs familière à tout joueur, ce qui renforce la facilité avec laquelle les débutants prendront le jeu en main.

Une extension fût publiée sous la forme d’un étui en carton pour jeu de cartes de tarot. Vous pourrez vous la procurer sur le site de l’éditeur en suivant le lien ci-dessous.

► Le site de Gen x : extension de Dos de Mayo

Le contexte historique

En 1808, le roi d’Espagne Charles IV de Bourbon (il descend de Louis XIV) laissait une grande liberté d’action à son Favori Manuel Godoy. Ce Favori était détesté par une partie de la population comme une insulte à la monarchie espagnole. Lors d’entretiens secrets, il fut établi un accord entre la France et l’Espagne permettant le passage des troupes impériales et le contrôle de places stratégiques en Espagne afin de laisser celles-ci envahir le Portugal, allié traditionnel des Anglais. En retour, après la conquête de celui-ci par les Français, le territoire passerait sous tutelle Espagnole (comme il le fut jadis). Mais en fait d’accord, il semble bien que Napoléon ait voulu duper ses partenaires en tentant de faire passer la couronne Espagnole sous contrôle français comme il avait été déjà fait dans d’autres pays européens: Pays-Bas, plusieurs royaumes appartenant à Confédération du Rhin, Royaume des Deux Siciles. Napoléon invita ainsi la famille royale espagnole, parmi laquelle se trouvait l’héritier au trône Ferdinand VII, à Bayonne, ville dans laquelle elle fut par la suite retenue prisonnière.

Charles IV par par Francisco Goya y Lucientes

Pendant cette période de négociation, Murat avait pour mission de prendre le contrôle de Madrid dont la population s’élevait aux alentours de 160.000 âmes avec un corps d’armée de prés de 30.000 hommes. La cohabitation ne se fit pas sans heurts et les Espagnols acceptaient mal la présence française sur leur sol.

Le 2 mai est devenu une date importante dans l’histoire de l’Espagne moderne. C’est en effet ce jour là qu’une révolte populaire gagna le centre de la capitale lorsque des carrosses devant emmener les derniers membres de la famille royale sous escorte française furent interceptés par la population madrilène furieuse d’imaginer un enlèvement de l’un des plus jeunes fils du roi. Sur la Place d’Orient, en face du Palais Royal les choses tournèrent mal pour l’escorte française. L’un des bataillons de la Garde Impériale dut même se déployer et mettre en batterie ses canons afin d’ouvrir le feu sur la foule assemblée. Les bruits de la canonnade furent le déclencheur d’une véritable émeute urbaine dont le cri de ralliement était “mort aux français” tant le ressentiment de la foule était fort à l’encontre de ceux qui étaient considérés comme des occupants.

Default

“El dos de mayo de 1808 en Madrid” - Francisco Goya - 1814

Ceux qui descendirent dans la rue étaient pour la plupart équipés d’armes blanches et la chasse aux fantassins isolés eut lieu dés cet instant. Le contraste était saisissant entre des civils et quelques militaires frappant à l’improviste et se dispersant aussitôt et les colonnes françaises qui tentèrent de rétablir l’ordre en ratissant les avenues et ouvrant le feu comme à la parade sur ceux qu’elles rencontraient car à ce moment de la matinée tout civil présent dans les rues était considéré comme un insurgé. Les estimations portent à près de 4.000 le nombre de personnes qui se révoltèrent. L’objectif des généraux français était de ratisser les artères principales afin de converger vers le centre ville sans laisser échapper de groupes importants de la nasse.

De son côté, l’armée espagnole reçut l’ordre de ne pas prendre part au côté des madrilènes au soulèvement. Seuls quelques militaires osèrent désobéir notamment en s’emparant du parc d’artillerie de Monteleon, d’où ils passèrent des armes et des munitions aux insurgés. C’est durant ces mouvements qu’eut lieu le célèbre épisode de la charge des Mameluks immortalisée par Goya dans son œuvre « Dos de Mayo ». Pour dégager la Puerta del Sol, la compagnie de chevaux-légers chargea la foule sans retenue. Un autre événement moins connu se déroula du côté de la prison du Palais de Justice. Les internés demandèrent sous serment à rallier les émeutiers pour les soutenir avant de réintégrer leurs cellules lorsque les Français auraient été chassés!

“El tres de mayo de 1808 en Madrid” - Francisco Goya - 1814

A mesure que la journée avançait, les troupes françaises finirent par ramener le calme dans les rues par la force. Il resta un endroit qui vit une résistance acharnée des espagnols, le parc d’Artillerie qui tint une bonne partie de l’après-midi et repoussa plusieurs assauts français. Mais à cours de munition, la position fut finalement enlevée et les officiers en charge du périmètre défensif tués. C’est durant l’après-midi que la situation s’apaisa avec l’aide d’officiers Espagnols qui parcoururent les rues pour calmer la foule.

Mais l’armée française avait à coeur de montrer sa force et de dissuader tout mouvement ultérieur. L’épisode des représailles le plus tragique eut lieu lorsque des prisonniers furent fusillés par les troupes françaises. Certaines eurent lieu le 2, d’autres le 3 mai au Mont Principe Pio. Ce sont ces scènes qui furent immortalisées par Goya sur la foi de témoignages et dont la couverture du jeu fait état dans son tableau « Tres de Mayo ».

Il est communément admis que cette journée fut le point de départ de la révolte des Espagnols contre la présence française en Espagne.

Dans la boîte

Dos de Mayo se présente dans une boîte en carton épais rectangulaire. L’illustration de couverture reprend, sans surprise, un détail du célèbre tableau de Goya « Tres de Mayo ». Ne boudons pas notre plaisir de retrouver dans nos chères boutiques une ode à la peinture classique.

La couleur de la boîte est relativement terne, dans les tons beiges, et devrait échapper à votre regard sur une étagère, n’hésitez donc pas à demander où se trouve le jeu. Le jeu n’est par ailleurs disponible qu’en version bilingue espagnol-anglais, les cartes étant également bilingues (avec d’ailleurs des titres différents dans les deux langues). Vous trouverez ici différentes traductions des règles en français ainsi que les cartes.

► Traduction des cartes du jeu en français (BGG)
► Traduction des règles de jeu (Ludism)


Le contenu est relativement sommaire, un thermo noir avec un trou en son centre pour contenir les cartes au format tarot ainsi que les petits cubes en bois de couleur, un plan de jeu plié en deux, un bloc-notes pour rédiger les ordres et deux règles bichromes. Le tout ne prend pas beaucoup de place et l’on a l’impression que la boîte aurait pu être d’un format plus petit.

La plan de jeu, format rectangulaire de 28cm par 24cmcm d’arrête, représente une carte du centre de Madrid scindé en différents quartiers numérotés de 1 à 21 avec deux grandes avenues qui coupent la ville, des noms de portes pour situer l’arrivée des troupes françaises, des noms de lieux spécifiques où se jouèrent des actions importantes durant la journée comme le Palacio de Oriente ou le Parque de Artilleria ainsi que des noms de lieux remarquables du centre ville. La couleur sépia domine l’ensemble. Cela rend le plan de jeu terne mais cette teinte peut avoir ses avantages lorsque l’on y pose des cubes de couleurs saillantes: bleus et rouges qui ressortent alors très nettement. “Lettres de Withechapel” propose d’ailleurs la même option graphique. Deux tons dominent, l’un clair et l’autre foncé pour trois quartiers (14-15-16) afin de distinguer les bénéfices accordés aux mouvements des troupes françaises. Le choix du noir pour identifier les numéros des quartiers est moins heureux et il faudra contrôler deux fois ses ordres afin d’éviter les erreurs d’inattention lors de leur rédaction. Certains quartiers affichent de petits cubes bleus et rouges imprimés. Cela sert à la mise en place du jeu et c’est très pratique.

Les cubes sont au nombre de 41, dont 10 de couleur rouge pour représenter les émeutiers espagnols et 30 de couleur bleue pour représenter les troupes de lignes françaises. Posés en groupe dans les différents quartiers ils autorisent une identification quasi immédiate des positions géographiques mais surtout des rapports de force dans les environs où se trouvent vos troupes. C’est finalement très pratique car le but du jeu consiste avant tout à exterminer votre adversaire! Le dernier cube, beige, sert de compte-tour posé sur la carte du même nom.

Les 25 grandes cartes bilingues se répartissent entre; une carte compte-tour (il est surprenant de ne pas avoir intégré cet élément essentiel au jeu directement sur le plan de jeu) avec un rappel utile du tour n°3 (en bleu, représentant l’arrivée des renforts français), deux cartes aide de jeu présentant au recto le tour de jeu (presque inutile tant la mécanique est simple) et au verso un plan de la ville permettant au joueur de s’y référer sans laisser trainer son regard sur le plateau et ainsi dévoiler ses intentions à un adversaire perspicace et 22 cartes Evénements. Onze, dos rouge, sont destinées au joueur espagnol, les onze autres, dos bleu, au joueur français. Elles proposent toutes une illustration, portrait, nature morte ou scène d’action de type tarot pour les enrichir. La couleur dominante est également sépia ce qui les rend neutres et relativement identiques sauf le titre en anglais, en haut de la carte, dans une jolie présentation toute en arabesques. La lisibilité de la typo et la taille du corps rendent la lecture du texte malaisée, aussi aurez-vous à coeur de connaître les effets de chaque carte par son nom pour ne pas toujours relire les mêmes textes.

Le bloc-notes (recto/verso pour économiser le papier) sert à noter les déplacements de vos unités, car dans “2 de Mayo” ceux-ci sont rédigés secrètement par chaque joueur avant d’être révélés simultanément. Le bloc est conséquent, mais des photocopies sont toujours les bienvenues. La taille des espaces est en revanche assez petite ce qui obligera de nombreux joueur à rédiger soit leurs ordres sur une feuille volante, soit à écrire petit. Les joueurs de “Diplomacy” ne seront rn revanche pas dépaysés…

Les règles enfin vous sont proposées dans un format tout en hauteur de la taille de la boîte dans les tons gris avec quelques illustrations pour un résultat final austère. Ceci dit, ces règles sont particulièrement complètes et méritent d’être considérées comme un modèle du genre. Attardons-nous sur l’un des points forts du jeu.

Tout d’abord, trois pages de contexte historique avec en rappel les actions qui menèrent au choix des cartes de jeu et de leur nom (Vous trouverez d’ailleurs l’explication détaillée de chacune des cartes à la fin des règles). Fort de ce bagage, vous saurez dans quel univers thématique vous évoluerez. Ensuite, sept pages de règles dont deux concernent la mise en place et une des précisions concernant les cartes Evénements. Les règles sont précises et ne souffrent pas d’interprétations ni d’aléas. Elles demandent quinze minutes de concentration afin de ne pas oublier quelques subtilités d’importance. Qui a dit que le diable ne se cachait pas dans les détails… ? Enfin, cinq pages de commentaires et d’explications de l’auteur. Les quatre dernières pages proposent un exemple complet de jeu détaillé qui sera d’ailleurs décortiqué dans la TTTV « Hex Rules – Dos de mayo ».

Et comment y joue t-on ?

Dos de Mayo est un jeu pouvant se pratiquer en une trentaine de minutes et pour les parties les plus acharnées, en une heure. Une partie est composée de 10 tours tout au plus mais une règle de mort subite peut s’appliquer au joueur français. Cette épée de Damoclès est d’ailleurs l’un des éléments essentiels de la mécanique. L’un des joueurs contrôle les émeutiers espagnols et va tenter d’infliger des pertes aux unités d’infanterie françaises représentées par des cubes bleus ou bien simplement survivre les dix tours du jeu! Si l’Espagnol arrive à éliminer au moins 4 cubes français, il remporte la victoire quel que soit le tour de jeu! L’autre joueur contrôle les troupes françaises et va devoir pour l’emporter non seulement exterminer les émeutiers représentés par au moins 8 cubes rouges mais également occuper quatre quartiers cruciaux de la ville, les entrées 1-6-16-20, avec au moins 1 cube sans avoir subi les 4 pertes rédhibitoires. D’autre part, le Français se doit de jouer les dix tours. Ses conditions de victoire s’appliquent ainsi uniquement au dernier tour, ce qui peut réserver quelques surprises car l’Espagnol a la possibilité de générer de nouveaux émeutiers à l’aide de cartes Evénements et de les placer à certains endroits. Un coup de Jarnac est ainsi toujours possible de la part d’un adversaire ibère retors !

La séquence de jeu est très simple, elle consiste à d’abord gérer sa main de cartes Evénements, ensuite à rédiger les ordres destinés à ses unités et enfin à les déplacer en suivant les ordres écrits avant de résoudre les éventuels combats qui auront lieu dans les quartiers contestés à l’issue des déplacements.

Cette séquence rend le jeu facilement accessible et après votre première partie vous n’aurez plus besoin de vous referez au livret de règles. Vous pourrez alors vous concentrer pleinement sur votre stratégie.

La mise en place est toujours identique et indique les quartiers dans lesquels les cubes des deux nationalités doivent être déployés. Ce début de partie correspond au style de jeux à “ouvertures” comme les échecs. Loin d’être un carcan stratégique, il autorise au contraire dés le premier tour de nombreuses tentatives de déploiements diverses en raison du système de mouvements cachés des unités. Un quartier sera contesté dés le début de la partie, le Palacio de Oriente, qui demandera du doigté aux deux joueurs dans leur manière d’y envisager un affrontement. Ce placement obligatoire est clairement un choix éditorial afin de fixer d’une certaine manière un point de départ à la révolte.

Les cartes Evénements

L’un des moteurs du jeu repose sur la gestion de cartes Evénements qui apportent tout le sel aux parties en proposant de simuler des faits historiques ayant eu lieu en cette journée. Outre l’impact que ces événements ont sur le cours du jeu, vos connaissances historiques n’en seront que d’autant plus renforcées. Qui connaît Jose Blas Molina y Soriano qui fut l’instigateur spontané du mouvement? Saviez-vous que l’armée française utilisa l’artillerie pour battre les rues de ses feux et ainsi éviter les larges mouvements de foule? Comment représenter l’impact d’un cavalier comme Murat, Maréchal en charge des opérations, sur le cours du jeu?

Le joueur espagnol débutera toujours une partie avec la carte “Jose Blas” en main, ce qui est logique puisqu’il mit le feu aux poudres (il tentera d’ailleurs de s’emparer des magasins d’artillerie français…). Cette carte puissante lui permet d’éviter avec une ou deux unités un affrontement avec les Français dans un quartier et de fuir au tour suivant si tel est son choix avec ce groupe. Le joueur français aura le choix entre “Murat” pour accroître notablement la mobilité des groupes d’unités françaises (mais seulement après le tour 3) et “L’Artillerie” pour protéger son unité initiale dans le Palacio de Oriente ainsi que toutes celles qui s’y trouveraient ultérieurement et pour tenter de couper la ville en deux en s’emparant des quartiers 15 & 16, ce qui empêchera alors l’Espagnol de circuler entre le Nord et le Sud de la ville car deux autres quartiers 9 & 17 lui seront interdits. Le Français peut déjà choisir son ouverture: la mobilité future pour une “blitz” avec l’arrivée de puissants renforts français tous azimuts ou la coupure de la ville en deux afin d’éviter la réunion des émeutiers pour mieux les détruire.

Chaque joueur aura par la suite à sa disposition une pioche de dix cartes qui constituera sa réserve. Le Français plaçant dans sa pioche la carte inusitée.

La pioche des cartes s’effectue toujours en début de tour. C’est donc au début du deuxième tour que vous aurez l’opportunité d’alimenter votre main en piochant la première carte du dessus de votre pioche.

2 de Mayo” propose une subtilité quant au tirage des cartes “Evénements”. En effet, les joueurs ne sont pas obligés de piocher une carte en début de tour et si au cours de la partie l’un des deux joueurs possède strictement trois cartes de moins que son adversaire il peut refuser à son adversaire la possibilité de piocher une carte.

Quel intérêt? A bien étudier les cartes, vous vous apercevrez que le joueur français possède dans son jeu plusieurs cartes qui lui sont défavorables, ce qui peut le rendre prudent envers son envie à renforcer son jeu à l’aide des cartes Evénements. A contrario, le joueur Espagnol ne possède aucune mauvaise carte et surtout doit s’efforcer de récupérer les deux cartes “Lt Jacinto Ruiz” et “Le Maire de Mostoles” qui jouées simultanément lui permettront de l’emporter si 3 et non 4 cubes français ont été éliminés, déclenchant une fin de partie par mort subite immédiate si les conditions sont remplies évidemment!! Si le Français peut ainsi empêcher son adversaire de récupérer ces cartes puissantes il effectuera alors une très bonne opération. Cette tactique de jeu est assez fine à mettre en oeuvre car elle prive par la même occasion celui qui l’applique de ses propres ressources. En revanche cela n’empêche nullement le joueur en possession de cartes de les jouer (s’il le peut évidemment) afin de réduire l’écart pour s’autoriser au tour suivant à piocher une nouvelle carte. C’est la raison pour laquelle, dans la grande majorité des cas seul le joueur français tentera d’appliquer cette stratégie. Par la suite, si le joueur en déficit de cartes décide de piocher et qu’il possède alors moins de trois cartes d’écart, son adversaire pourra alors également piocher. Dans l’éventualité d’un écart de quatre cartes, le joueur en déficit de cartes pourrait piocher une carte et toujours empêcher son adversaire de le faire.

Cette phase terminée, chaque joueur peut jouer autant de cartes Evénements de sa main qu’il le souhaite durant le tour de jeu pourvu que les consignes indiquées sur les cartes puissent être appliquées. Certaines cartes stipulent “A jouer immédiatement” ce qui est suffisamment clair en soi. Il est à noter que l’on ne peut pas se défausser volontairement d’une carte.

Conserver ses cartes autorise dés le milieu de partie des combinaisons, des coups de boutoir et autres surprises. En revanche, comme la partie ne dure que dix tours, chaque tour compte et rater un tour de pioche peut s’avérer lourd de conséquences.

Lorsque les cartes ont été piochées et éventuellement jouées, il est temps de passer aux mouvements des unités!

Les odres

Vos unités ne se déplacent pas sans ordres pour les deux camps. Vous pouvez en revanche tout à fait décider de ne pas déplacer vos unités lors d’un tour.

Les règles qui régissent cette phase de jeu sont simples: il suffit d’écrire secrètement sur l’une des pages du bloc-notes fourni les ordres destinés à vos unités. Ces ordres indiqueront un quartier de départ et un quartier d’arrivée qui devront évidemment être contigus. Chaque cube ne se déplace que d’un seul quartier par tour. En revanche, le Français peut scinder ses forces lors de cette phase ce que ne peut pas faire l’Espagnol.

En fonction de votre degré d’exigence vous établirez des règles plus ou moins strictes quant à la rédaction de ceux-ci:

une erreur et TOUS les ordres sont annulés
seul l’ordre erroné est annulé
ou pour les plus tolérants, l’esprit l’emporte et si l’ordre est applicable le joueur adverse pourra le jouer.

Je préconise l’entre-deux car l’une des mécaniques du jeu prend justement en compte la qualité de la rédaction des ordres.

A ce stade, il est aisé de comprendre que les déplacements sont cruciaux notamment pour le Français qui devra souvent courir après les Espagnols.

Seule une carte française “Cavalerie” l’autorise à déplacer des cubes de 2 quartiers lors du même tour. Ce qui réservera toujours certaines surprises…

Mais attention, les deux camps n’ont pas la même mobilité globale!

Comme les Français sont des soldats de métiers, ils attendent de recevoir des estafettes leur prescrivant ce qu’ils doivent accomplir. Cela entraîne une certaine lourdeur dans les déplacements mais génère une efficacité indéniable. Le joueur français ne pourra ainsi disposer que de DEUX ordres par tour! Pour neuf cubes en jeu initialement et vingt en attente aux portes de la ville c’est maigre. Quoi qu’il en soit, les troupes stationnées à l’extérieur de la ville ne pourront pénétrer dans Madrid qu’à partir du tour 3. Heureusement, les quartiers 14-15-16 présentent l’énorme avantage de laisser l’initiative aux troupes françaises les occupant en les autorisant à se déplacer gratuitement au départ de chacun d’eux. Ceux-ci n’entrent donc pas dans le décompte des deux ordres disponibles. Cette règle simule l’importance des grandes avenues du centre de la capitale pour des unités d’infanterie régulière. Cependant, si le Français décide de diriger ses unités dans deux quartiers différents au départ du même il devra dépenser un ordre pour chaque unité se déplaçant! En revanche, les Français ne peuvent quitter un quartier dans le lequel ils sont engagés. En effet, ils sont là pour rétablir l’ordre et donc pour mater l’émeute. Il s’agit d’une considération importante car cette obligation peut mobiliser des troupes que l’on aurait bien voulu déployer ailleurs.

Les Espagnols au contraire ont la souplesse de la foule en mouvement mais pas sa discipline. Cela autorise une véritable guérilla urbaine mais gare aux batailles rangées qui seront souvent fatales à ses unités. Le joueur espagnol pourra ainsi déplacer TOUTES ses unités chaque tour. Revers de la médaille, il ne peut scinder ses groupes, sauf lorsque la carte française “La foule se disperse” entre en jeu. Il faudra alors prendre en compte le déplacement de vos unités en bloc. D’autre part, seul l’Espagnol pourra quitter les quartiers dans lesquels il est déjà engagé à condition qu’il y laisse au moins la moitié de ses cubes arrondie au supérieur. Cela a pour conséquences que s’il n’a qu’un seul cube engagé dans un quartier celui-ci y sera coincé! Mais cette règle autorise l’Espagnol à éviter les batailles rangées d’importance qui lui seront souvent fatales.

Afin de compléter la présentation de la phase d’ordre, il faut préciser que l’on ne peut pas truquer les ordres afin de circonvenir à la règle. Cela entraîne l’annulation de l’ordre. De même, lorsqu’un Ordre est rédigé il doit être appliqué.

Les ordres sont appliqués simultanément, mais pour des raisons pratiques l’Espagnol les résout en premier suivi du Français, ce qui ne l’empêche nullement de prendre connaissance des ordres du Français afin par exemple de jouer des cartes Evénements. Cette subtilité, présente et inscrite dans les règles, autorise le Français à modifier en dernier recours le nombre d’unités qu’il déplacera d’un quartier à l’autre au regard des mouvements Espagnols s’il le juge nécessaire.

Les Déplacements

Les Ordres rédigés, il suffit de les lire afin d’en appliquer les effets. Il s’agit de la phase de déplacement. C’est bien évidemment lors de cette phase que l’on découvre si l’on a bien joué ou non à ce tour!

Chaque joueur déplace ses cubes, voire joue des cartes Evénements liées à cette phase du tour, dans les quartiers visés. C’est très rapide et trois cas de figures peuvent survenir à la fin de cette phase:

  • un quartier est inoccupé,
  • un quartier est contrôlé par l’un ou l’autre des camps,
  • un quartier est contesté, ce qui déclenchera un affrontement dans la phase de jeu suivante.

Cette phase peut requérir de déterminer qui a l’initiative. En général ce sera le Français puisque celle-ci revient au camp qui a détruit le plus grand nombre d’unités adverses. Mais en début de partie l’Espagnol pourra la détenir car à égalité de pertes, il l’emporte.

C’est le cas de figure qui voit deux groupes se croiser en se rendant d’un quartier adjacent à l’autre par le même chemin qui nécessite de prendre en compte l’initiative. La règle générale stipule que le groupe le plus nombreux repousse l’autre et pénètre dans le quartier visé. Si les deux groupes sont de même force (id est le même nombre de cubes) c’est le camp détenant l’Initiative qui repousse son adversaire. Des cubes se déplaçant dans le même tour de jeu en renfort dans les quartiers visés ne participent évidemment pas au décompte en vue des combats ultérieurs.

Default

“Día 2 de mayo de 1808” - Joaquín Sorolla y Bastida - 1884

Les Quartiers contestés et les affrontements

Lorsque les unités se sont déplacées et dans l’éventualité qu’elles occupent un quartier contesté, un unique affrontement à lieu.

Si à l’issue de l’Affrontement des unités des deux camps sont toujours présentes dans le quartier, elles restent engagées pour le tour à venir. Il est fondamental de bien comprendre que des unités peuvent rester engagées dans un quartier durant plusieurs tours de jeu car les pertes ne sont encaissées qu’une seule fois par tour.

Lorsque les deux partis sont dans le même quartier une méthode simple vous permet de déterminer les pertes de part et d’autre sans aucun hasard. Il s’agit ici d’un jeu de calcul, d’anticipation et de rapport de force.

La force de chaque camp est représentée par le nombre de cubes de chaque couleur de chaque joueur à laquelle il sera possible d’ajouter les bonus de certaines cartes Evénements pouvant faire pencher la balance d’un côte comme de l’autre dans un moment critique (cet élément peut être anticipé car il est connu des deux joueurs).

La règle est simple: s’il y a égalité parfaite de force, rien ne se passe, les deux camps campent sur leurs positions dans le même quartier. Si un groupe possède une plus grande force mais que celle-ci est strictement inférieure à deux fois celle de son adversaire il lui occasionne 1 perte, donc 1 cube est retiré à l’adversaire dans le quartier concerné. Si la différence est supérieure à deux fois mais inférieure à trois, ce sont 2 cubes qui sont retirés…Il est donc aisé de comprendre qu’un cube sera irrémédiablement éliminé d’un quartier si deux cubes adverses engagent un affrontement avec lui. Lorsque vous savez que les unités Espagnoles sont éparpillées sur l’ensemble de la carte en début de partie et que le Français dispose de paquets de cinq unités prêts à pénétrer en ville, cela laisse matière à réflexion quant à la stratégie à adopter.

La mécanique du jeu

Afin de bien cerner les options dont chaque joueur dispose nous allons passer en revue les cartes Evénements de chaque camp et exposer leur impact sur le jeu car vos parties seront fortement influencées par votre tirage en raison des options tactiques proposées.

Côté Français

Vous devez choisir dés le début de la partie entre “Murat” et “L’artillerie”. Ce choix définira votre stratégie initiale. Etudiez donc bien leurs caractéristiques.

- “Murat”: Il vous vous apportera la possibilité de rédiger 5 ordres au lieu de 2 à partir du tour 3 durant un tour de jeu. Si vous le choisissez, vous faites donc un pari pour submerger et surprendre l’Espagnol en milieu de partie. D’ailleurs il verra le coup venir puisque par défaut il ne vous verra pas jouer la carte “Artillerie”. Cette option oblige le français à laisser passer la tempête espagnole initiale afin de concentrer ses unités et à occuper les quartiers 14-15-16 pour obtenir des mouvements gratuits. Vous pourrez ainsi attaquer tous azimuts et surtout faire pénétrer vos renforts de cinq unités par diverses portes de la ville. Si vous parvenez à déplacer vos quatre groupes de renforts à l’intérieur de la ville en un seul coup, non seulement vous serez certain de contrôler ces quartiers essentiels pour la victoire en fin de partie mais vous ferez peser une menace mortelle pour l’Espagnol dans tous les quartiers périphériques. Cette stratégie demande au Français un certain sang froid en début de partie pour ne pas se faire surprendre plusieurs fois avec une unité isolée et ainsi donner rapidement à son adversaire les premières unités dont il a besoin pour l’emporter immédiatement.

- “L’artillerie”: Vous permet de sanctuariser le quartier n° 10, Porte de Oriente, car vos unités ne pourront y être éliminées. Pis, les unités présentes possèderont un bonus de combat de +2. Inutile de préciser que si vous jouez dés le premier tour cette carte lors de la phase de Préparation, vous verrez l’unité espagnole présente le quitter immédiatement. Si vous ne jouez pas cette carte il se pourrait que votre unité ait elle-même un souci si un Espagnol agressif décidait d’y faire converger des amis provenant de quartiers adjacents…Le deuxième effet de cette carte tient au contrôle de quartiers entiers. Si a tout moment de la partie vous contrôlez les quartiers 15 et 16 (c’est à dire que vous y êtes seul avec au moins une unité), l’Espagnol ne peut plus s’y rendre et vous couper de plus la ville en deux en l’empêchant de passer du quartier 17 au quartier 9 et vice versa. Cela signifie que vous pourrez éviter des regroupements d’unités adverses et ensuite les acculer facilement pour les détruire en détail notamment dans les cinq quartiers au Sud de la carte. Vous pouvez également décider de jouer cette carte lors d’un tour ultérieur, mais je n’en vois pas l’intérêt sauf à tenter un énorme coup de bluff en faisant croire à votre adversaire que vous avez choisi la carte “Murat” et ainsi à jouer en conséquence. A vous de tester cette option si vous avez le goût du risque.


Votre choix effectué, vous devrez replacer dans votre pioche la carte écartée et la mélanger. C’est l’une des raisons pour lesquelles certains joueurs forts gardent “Murat” en main car ils veulent avoir la certitude de posséder tôt dans la partie ce joker et ainsi suivre une stratégie de limitation de la main d’Evénements adverses comme expliqué ci-dessus dans l’article.

Il vous reste donc dix cartes à piocher et deux d’entre-elles se révéleront souvent néfastes à vos ambitions. Découvrons ces cartes qui favoriseront votre adversaire. Un mauvais tirage peut ruiner votre stratégie et donner l’opportunité à l’Espagnol de piocher de nombreuses cartes qu’il saura mettre à profit le moment opportun, croyez-moi.

La plus dangereuse est “Pelotons d’exécutions” (Executions by Firing Squads): Elle autorise l’Espagnol à jouer la carte « Lt Jacinto Ruiz » sans être associée au « Maire de Mostoles » afin d’obtenir une mort subite lorsque seulement 3 unités françaises sont détruites au lieu des quatre requis habituellement ! Le cauchemar absolu surtout en début de partie. Pas moyen de la glisser dans sa redingote, la carte devant être posée sur la table immédiatement avec effet permanent. Imaginez le sourire béat de votre adversaire à la découverte de votre mauvais tirage et vous comprendrez la sensation qu’a du éprouver Matt Damon dans le film “Les Joueurs” face à Teddy KGB (excellent John Malkovitch) lorsqu’il se fait plumer sur un bad beat.

L’autre carte, plus technique mais souvent mal venue est “La foule se disperse”: Elle oblige le jouer Espagnol à scinder en deux n’importe lequel de ses groupes d’unités au prochain tour. Cette carte est jouée immédiatement ce qui autorise l’Espagnol à l’anticiper d’un tour l’autre. Il choisira de plus le groupe affecté, ce qui lui permettra la plupart du temps d’en profiter pour une réorganisation tactique gratuite au bon endroit. Dans de rares cas, cette carte vous permettra de briser une grosse troupe de cubes espagnols en quête d’affrontement massif avec le français.

Après la grosse frayeur, les douceurs à commencer par celle du patron “Napoléon”: Il vous autorise à recruter 1 unité, la seule disponible en dehors du plan de jeu, et surtout à la placer où vous le souhaitez sans restriction aucune. Cette carte se jouant dans la phase de Mouvement, cela signifie que vous pouvez en avoir une utilité tactique maximale pour occuper un quartier stratégique, ajouter une unité à un endroit crucial en vue d’un affrontement ou encore en combinaison avec “Troupes d’élite” pour surprendre une unité espagnole isolée qui se croyait à l’abri! Bref c’est le genre de carte que l’on garde au chaud en attendant l’estocade…

Justement les “Troupes d’élite” sont une carte efficace qui se joue lors de la phase d’Affrontement afin de donner un bonus de +1 à votre force de combat. C’est la carte que l’on joue dés que l’on a une opportunité de détruire une unité espagnole ou pour les plus prévoyants en défense pour protéger pendant un tour une unité ou un groupe d’unités françaises surpris par un Espagnol entreprenant. La deuxième option s’envisage avec un adversaire agressif.

Ces bonnes troupes françaises auront l’occasion de pratiquer le “Feu nourri” (Fire on my order) pour répéter une phase d’Affrontement dans le quartier du choix du Français. Voilà une carte extrêmement dangereuse pour l’Espagnol car elle vous autorise à éradiquer en un seul coup l’un de ses groupes de deux unités avec une supériorité numérique simple en début d’Affrontement. Evidemment, combinée avec “Troupes d’Elite”, cela signifie que pour ce tour de jeu, les unités présentes dans ce quartier bénéficieront deux fois du bonus. Ajoutez-y “Napoléon” et son unité parachutée et la fête continue…

Pour symboliser la présence de cavalerie, mais pas les Mamelouks manifestement laissés de côté, vous disposerez de la carte “Cavalerie”: Vous pourrez bénéficier d’un mouvement gratuit (en sus des deux réglementaires), toujours bon à prendre, si vous pénétrez tout d’abord dans l’un des quartiers 14-15-16 (du bon usage des avenues…) sans ennemi avec un maximum de trois unités pour un déplacement de deux quartiers (y compris le premier traversé). Cette carte se joue durant la phase de Déplacement et permet d’aller chercher une unité isolée ou bien de renforcer rapidement le Nord ou le Sud de la carte.

Pour semer la confusion, rien ne vaut un bon “Désordre”: cette carte oblige l’Espagnol a annuler l’un de ses Ordres. En revanche, il choisira lequel. Gênant, il est rarement décisif sauf dans des cas particuliers: un seul cube espagnol en jeu(!) ou à contrario lorsqu’il ne reste que quelques gros groupes espagnols. Si vous décidez de jouer une partie à Evénements, gardez-la pour un coup, sinon jouez-la rapidement afin de bloquer la main adverse.

En fin de partie, vous pourrez tenter de vous prémunir d’un défaite annoncée en jouant “La paix, tout est arrangé…” (« Peace, Peace… »), après dix tours de combats acharnés, je vous laisse le soin de l’annoncer au camp espagnol!: Cette carte ne peut être jouée qu’au dixième tour durant la phase de Déplacement ce qui la rend très pénible lorsque vous la tirez au deuxième tour…Elle bloque un mouvement Espagnol, mais cette fois-ci vous choisissez lequel. Puissant, c’est souvent le coup de la dernière chance.

Enfin, la France avait ses “Sympathisants” qui obligent l’Espagnol à se défausser d’une carte Evénements de sa main prise au hasard. Une manière de rendre la politesse à la carte “Pelotons d’exécutions” en tentant d’éliminer l’une des cartes Evénements espagnoles puissantes. Soit vous attendez que l’adversaire n’ait qu’une seule carte, toujours agaçant, soit vous estimez que parmi ses quatre ou cinq cartes il en possède au moins une de stratégique et vous attendez qu’il se décompose lors de son tirage pour lui proposer à votre tour votre sourire béat…

Côté Espagnol

Vous débutez toujours la partie avec la carte “Jose Blas Y Soriano”. Cette carte est une bonne carte de défense car elle autorise une ou deux unités espagnoles à éviter la phase d’Affrontements ce qui est extrêmement pratique lorsqu’un fort parti de Français vous tombe dessus! De plus, vous aurez le choix de quitter ou non le quartier contesté en ne laissant selon votre désir aucune unité en arrière. Cette carte va-tout doit absolument être jouée lors d’une phase cruciale et jamais à la légère. Elle pourra être jouée durant la phase de Déplacement comme durant la phase d’Affrontements. Le Français attendra que cette carte tombe pour mieux cerner vos groupes de petites tailles.

Venons-en à cette fameuse épée de Damocles que vous ferez peser pendant toute la partie sur la tête de votre adversaire, à savoir la menace de mort subite si 3 unités françaises et non pas 4 sont éliminées en cours de partie. Il s’agit tout d’abord de la carte “Lieutenant Jacinto Ruiz” qui seule propose cet effet. Vous devez être en sa possession afin de pouvoir jouer l’une des deux cartes qui l’activent. Vous ne pourrez jouer cette carte que lorsque vous aurez réussi à éliminer 3 unités françaises et non par anticipation! Pourquoi cette obligation me direz-vous? Et bien parce que si le Français réussit à jouer “Sympathisants” et qu’il pioche votre précieuse carte, vous pourrez dire adieu à votre combinaison…

Il est d’ailleurs préférable de la perdre en début de partie avant que vous n’ayez bâti votre stratégie sur cette opportunité que lorsque vous êtes engagé à fond avec les prises de risque que cela nécessite. La première carte servant à activer le Lieutenant Ruiz est le “Maire de Mostoles”. Il vous suffit de l’avoir en main pour jouer la combinaison, il n’a aucun effet en particulier. Cela signifie qu’en début de partie son tirage peut être une chance comme un poids. Cette carte peut également être perdue sous l’action des “Sympathisants” ce qui ne vous laissera que l’option des “Pelotons d’exécutions” dans le jeu du Français, s’il pioche bien évidemment cette carte! Vous comprenez maintenant pourquoi certains joueurs français préfèrent modérément compter sur une stratégie de jeu liée aux Evénements.

Si vous n’êtes pas capable de mettre cette menace en jeu, vous pourrez alors vous appuyer sur quelques cartes puissantes à commencer par “Les Héroïnes” qui autorisent l’Espagnol à annuler n’importe lequel de ses ordres de Déplacement. Simple dans son effet, cette carte est un petit peu l’équivalent d’un Soriano car elle peut tout simplement éviter à l’Espagnol de perdre plusieurs unités d’un seul coup, voire sa dernière unité! Vous devrez la jouer durant la phase de Déplacement, c’est à dire lorsque tous les Ordres seront connus vous autorisant ainsi le maximum d’efficacité.

L’autre carte est “Ordres interceptés”. Cette fois-ci, lors de la phase de Déplacement vous choisirez lequel des groupes ou unité français ne pourront pas se déplacer pendant ce tour de jeu. Simple et efficace, vous ne pourrez jouer cette carte que jusqu’au neuvième tour afin d’éviter une martingale grossière en fin de partie. Ceci-dit, vous disposez dans votre jeu de trois cartes pour éviter les tentatives d’anéantissement du français ce qui vous offre de bonnes opportunités de survie.

Viennent maintenant les cartes surprises pour votre adversaire parce que vous ferez apparaître de nouvelles unités alors que tous ces efforts tendent à vous éradiquer de la ville. La plus intéressante est “Les soldats s’échappent” (« Escaped from quarters »). Vous pourrez faire apparaître dans n’importe quel quartier 1 Unité avant le septième tour. Cette carte se joue dans la phase de Préparation et peut soit semer la zizanie dans la stratégie d’encerclement du Français soit vous apporter un avantage numérique imprévu par votre adversaire au bon moment. Evidemment, en fin de partie cette carte n’a plus aucune utilité, elle sera donc jouée sans effet pour être défaussée.

Le “Capitaine Pedro Velarde” recrute également 1 Unité durant la phase de Préparation dans l’un des trois Quartiers 2 3 ou 4 à partir du moment ou vous y possédez déjà au moins une autre Unité. Valable pour l’ensemble de la partie, cette carte permet soit de concentrer en début de jeu ses Unités au Nord de la ville soit de chercher une occasion plus tard de créer une nouvelle Unité pour gagner du temps. Quoi qu’il en soit, ces deux cartes ont un réel intérêt pour l’Espagnol car elles l’autorise à multiplier les foyers de révolte, à créer de nouvelles unités lorsque le Français croit l’emporter ou bien encore à jouer quelques combinaisons surprises comme celle impliquant les “Manolas de la porte de Tolède”. Ces femmes empêchent tout mouvement de renfort dans le Quartier 20 en provenance de l’extérieur de la ville pourvu qu’au moins une Unité Espagnole y soit présente ou s’y rende. Comme vous jouerez cette carte pendant la phase de Déplacement, vous pourrez bloquer un mouvement de renfort français important. A vous de déplacer ensuite votre Unité qui risque d’avoir fort à faire si cinq Unités françaises l’assaillent.

Enfin, trois cartes ont des effets tactiques moindres qui peuvent prendre leur importance en fonctions du déroulement de vos parties. La “Chute du Pot de Fleurs” a lieu durant la phase de Mouvement et oblige le Français à laisser derrière lui 1 Unité. Mais c’est le joueur Français qui décidera à quel groupe appliquer cette gêne. Evidemment lorsque vous n’avez que deux groupes à déplacer l’effet est assuré, mais le choix laissé à votre adversaire limitera souvent l’impact de cette carte. Cela peut néanmoins vous éviter un surnombre ou plus subtilement vous donner l’occasion de détruire une Unité française ainsi isolée.

Le “Capitaine Daoiz” apporte à une ou plusieurs unités espagnoles situées dans l’un des quartiers 2,3 ou 4 +1 en force. Voici une éventuelle combinaison avec le « Capitaine Pedro Velarde » pour détruire une unité française imprudemment avancée et isolée dans les quartiers du parc d’artillerie au Nord de la ville. Elle n’a cependant pas la puissance de sa contrepartie française des « Troupes d’élite ».

Enfin, « Prisonniers du palais de justice » (« Inmates of the Court jail ») annule les effets de la carte « Artillerie » dans les quartiers 15 et 16 pour un groupe espagnol de deux unités maximum. De plus, l’Espagnol décidera si ses unités présentent dans l’un de ces quartiers participeront ou non à la phase d’Affrontement de ce tour. Vous ne pourrez jouer cette carte que jusqu’au neuvième tour. Il s’agit de la seule carte vous permettant de déjouer un encerclement français impliquant sa carte « Artillerie ». Comme la stratégie liée à « L’Artillerie » est jouée en début de partie, vous pourrez toujours avoir l’occasion de jouer cette carte en cours de partie. Sinon, vous éviterez un Affrontement dans l’un de ces deux quartiers au moment opportun, ce qui ne peut pas faire de mal.


Quelle stratégie à « 2 de Mayo » ?

Tout l’intérêt du jeu réside dans l’interaction entre les stratégies développées par chaque joueur et le tirage des cartes Evénements (qui peuvent vous orienter, comme dans la Guerre de l’Anneau).

Le temps joue globalement en faveur de l’Espagnol, même si dés le tour 3 les événements vont se précipiter sur la carte avec l’arrivée des nombreux renforts français. Le nombre est lui du côté bleu sauf les trois premiers tours, ce qui autorise des prises d’initiatives intéressantes pour l’Espagnol en début de partie. Enfin, n’oubliez pas que si UNE seule unité espagnole est encore en jeu au tour 10 ou que si le Français n’occupe pas avec au moins UN cube les quatre entrées de la ville, l’Espagnol l’emporte. Il s’agit donc bien du jeu du chat et de la grosse souris et le joueur français devra rester vigilant jusqu’au dénouement de la partie.

Evidemment, quelques conseils ne sauraient nuire mais ils sont assez évidents pour être perçus rapidement.

  • Côté Français

Eviter le plus longtemps possible de perdre des unités. Vous n’avez aucun moyen de les récupérer et vous donner ainsi la possibilité à l’Espagnol de vous surprendre avec sa botte secrète. Le meilleur moyen pour y parvenir consiste à ne JAMAIS laisser d’unité seule dans un quartier. En fin de partie, perdre une unité est moins grave, mais gare…
Tenter d’écraser en un tour un groupe d’unités espagnoles avec un gros paquet de Français afin de ne pas bloquer vos unités dans un même quartier plusieurs tours. Vous en aurez besoin ailleurs…
Tenter de regrouper les cubes rouges au Sud ou au Nord de la carte afin de les acculer et d’économiser vos déplacements. Vous n’en avez pas beaucoup.
Conserver les cartes Evénements pour des coups sûrs voire des combinaisons mortelles, l’Espagnol ne peut pas vous faire perdre de cartes.
Occuper les quatre portes lorsque vous y passez avec au moins UNE unité, voire deux, car il n’est pas évident que vous ayez le temps d’y revenir plus tard.

  • Côté Espagnol

Rechercher l’affrontement avec le Français uniquement lorsque vous êtes certain de l’emporter.
Eviter les gros rassemblements d’unités dans lesquels vous pourriez vous faire détruire en détail.
Eviter la stratégie du combat frontal, vous n’avez pas le nombre et êtes dispersés les premiers tours.
Conserver les cartes Evénements en défense ou en contre sauf si vous avez une opportunité en or de frapper le Français pour lui faire perdre une unité par exemple.
Avoir le sens du sacrifice. Laisser par exemple une unité dans un quartier pour bloquer un groupe d’unités françaises vous fait gagner un tour en déplaçant d’autres unités ailleurs même si celle-ci sera détruite à coup sûr.
Une unité en jeu suffit pour gagner au dixième tour!!

Une partie de « 2 de Mayo » n’est jamais totalement identique et vous vous rendrez compte avec la pratique qu’il faut bien observer les mouvements de son adversaire afin de tenter de déterminer sa stratégie.

Car avant tout, il s’agit de Stratégie. Vais-je chasser les unités espagnoles avec deux cubes au risque de me faire surprendre ou bien vais-je attendre l’arrivée des gros renforts pour tout broyer ? Vais-je tenter de surprendre une unité française dés que je le peux ou bien glisser d’un quartier à l’autre en évitant l’affrontement pour frustrer mon adversaire ? Il n’y a pas de réponse toute faite et vous devrez faire montre de votre talent pour vous adapter.

Deux éléments incontournables feront peser une bonne dose d’incertitude dans vos plans : les cartes que votre ennemi a en main et son goût pour le bluff. Une carte jouée au bon moment peut vous faire perdre un tour, une unité, voire infléchir votre vision de ce qu’il faut faire pour l’emporter. Le tirage est aléatoire, mais un bon joueur saura toujours optimiser sa main. Quoi qu’il en soit, les cartes jouées sont écartées, il est alors simple de se concentrer sur celles qui restent pour intégrer cet élément dans votre processus de prise de décisions. Pour le bluff, nous touchons ici à la quintessence du jeu. Il s’agira très rapidement de tenter de deviner où votre adversaire déplacera ses unités, dés le deuxième tour en fait (au premier tour la plupart des unités peuvent encore s’éviter). Il y a un vice à jouer avec les nerfs de votre copain de jeu. Ceux qui aiment Scotland Yard devraient se régaler.

Conclusion

Si le Français possède un rouleau compresseur, il devra jouer avec subtilité sous peine d’échouer soit de peu soit de se faire piéger par l’Espagnol. L’Espagnol devra jouer au chat et à la souris s’il veut survivre aux coups de boutoirs du

Français car le temps joue pour lui tout comme les conditions de victoire.

« 2 de Mayo » est selon moi un excellent jeu de stratégie qui mêle abstraction, profondeur de jeu et une véritable tentative de coller à l’histoire. Le jeu est rapide, nerveux et se prête facilement aux voyages.

Références :

  • Goya pour ses peintures
  • « Histoire de l’Espagne » chez Fayard, pour une compréhension complète de l’évolution des rapports franco-espagnols dés le XVIème siècle.
  • Arturo Perez Reverde: « Le Hussard » ou la découverte de ce qu’est la guérilla en Espagne sous Napoléon.

2 de Mayo
Un jeu de Daniel Val Garijo
Illustré par Francisco de Goya
Publié par Gen X Games
Jusqu’à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Langue de la règle: Espagnole - Anglaise
Durée: 20 minutes
Prix: Non renseigné


7 « J'aime »

Superbe article pour un jeu qui le mérite bien.

nickel ! bravo !

sacré boulot , félicitations

Pour ceux qui sont intéressés par cette période, je recommande un autre roman d'Arturo Perez Reverte : Un jour de colère, qui se focalise justement sur le Dos de Mayo, à travers des successions d'anecdotes.

Un très grand roman, qui met largement en avant le désespoir de la situation du côté des espagnols :)

1 « J'aime »

Merci pour ce superbe article pour un jeu qui ne l'est pas moins.J'ai d'ailleurs fait une version française des cartes de ce jeu et je compte, quand j'en aurais les temps (rencontre cosmique m'occupe bien en ce moment) en faire de même pour l'extension.

C'est ICI.

Cordialement.

Thierry

1 « J'aime »

@thierry - beau boulot de franc!sation

Merci Mr Guillaume pour ce travail désintéressé !

1 « J'aime »

Très bel article!

Un grand merci à Mr Guillaume de nous communiquer ainsi sa passion.

Ce jeu va rentrer dans ma ludothèque, c'est sûr.

Une édition Française reste d'actualité ? Bientôt?

Merci Monsieur Guillaume pour cet article passionnant que j'ai lu en plusieurs fois !

J'hésitais depuis longtemps à faire entrer ce jeu dans ma ludothèque, mais je crois que le choix est maintenant fait :)

1 « J'aime »

Un grand merci pour cet article tout aussi intéressant que la TTTV ! Ce jeu a un seul défaut, impossible de le trouver à un tarif raisonnable... Pas d'éditeur français intéressé j'imagine ?