Comment naissent les Couadsous (10-13), par Florent Toscano

[Le Bois des Couadsous]

Voilà un an nous avions publié ici-même, en deux fois, les 9 premiers épisodes du cheminement intellectuel qui a donné vie à notre jeu Le Bois des Couadsous. Blaise Muller, créateur du jeu, était l’auteur de ces 9 premiers épisodes que vous pouvez (re)découvrir ici (épisodes 1-6) et là (épisodes 7-9). Le monsieur ne débarque pas de nulle part dans les jeux, car il s’agit là de son second jeu édité, 25 après un certain… Quarto ! Pour la suite de l’histoire l’éditeur Florent Toscano (Jeux Opla) va prendre le relais et raconter la suite de l’histoire, qui débute donc en août 2013.

Pour info, le jeu est désormais disponible partout !


Episode 10 : La découverte des écureuils

Chaque année, en août, je suis présent au Festival Chamboultou qui a lieu à Ussel, en Corrèze, et que j’ai d’ailleurs longtemps organisé puisque jusqu’en 2013 j’étais président de cette chouette association ludique, que j’avais fondé avec quelques compères voilà 13 ans. C’est évidemment du coup mon petit festival préféré du monde que j’ai ! Une chance, c’est à priori aussi le cas pour Blaise, qui nous fait l’honneur de sa présence environ une année sur deux, avec ses petits jeux. Et lors de cette édition 2013, il proposait un jeu s’appelant « Des écureuils en hiver ». Je m’assois à sa table et je crois d’ailleurs que mon adversaire lors de cette première partie était Blaise lui-même… Ma mémoire me joue des tours, et ce n’est pas de bon augure pour la suite ! Bref, toujours est-il qu’il me l’explique. L’explication dure environ 45 secondes. Encore une variation du mémory, me dis-je… Puis trois éléments, ça devrait aller, il nous prend pour des truites, on va y arriver ! On joue, donc. Cailloux, champignon… Ha, non. Bon, ok, premier coup, un peu de hasard. Feuille, cailloux… Ha, non plus ? Pourtant j’aurais juré avoir vu un caillou… Mmmhh… Etrange… Caillou, caillou… Quoi, une feuille, mais c’est impossible ! En deux tours de jeu j’étais complètement dedans et m’arrachais déjà les cheveux ! Deux possibilités : soit ces tuiles à priori en carton banal sont pourvues d’une technologie de pointe faisant que l’image au verso se modifie lorsqu’elles sont cachées, soit je suis tout pourri. On termine tout de même cette partie. J’étais bluffé. Comment mon esprit pouvait-il à ce point échapper à mon contrôle ?.. Surtout avec un jeu à priori aussi évident et simple ?!

On en parle autour de nous, et vite les parties s’enchainent, et l’effet « whaou » est exactement le même sur tout le monde ! Je me souviens des copains Tony Rochon (illustrateur de Hop la puce et Hop la bille) et Alexandre Droit (auteur de Pollen), notamment, présents ce jour-là et devenus eux aussi accrocs du truc ! Et l’effet “c’est pas possible, je suis nul” se répère chez tout le monde ! Clairement, ce prototype fut le jeu du Festival !

Je me souviens que c’est à cette époque que paraissait notre jeu Hop la bille, et que j’avais proposé de troquer à Blaise le proto de ses écureuils contre mes billes, tant j’avais envie d’y rejouer de retour dans mes pénates lyonnaises… Loin de moi l’intention alors de projeter la possibilité d’éditer un tel jeu, du fait de son matériel et de son style. Il ne rentrait pas dans notre gamme Nature auprès de Migrato et Il était une forêt, ni dans celle de Hop la bille, ni dans une petite boite de Lincoln ! Blaise n’avait pas pu me troquer son jeu car il n’avait que cette maquette. J’ai eu la joie quelques jours plus tard de recevoir un exemplaire de ses écureuils, il avait eu la gentille délicatesse de m’en fabriquer une que pour moi !


Episode 11 : Tout se goupille bien !

Du temps passe, des semaines, des mois, et ces écureuils-là trottent toujours dans ma tête… Puis je me dis qu’une vraie ambiance se dégageait autour de ce jeu, qui finalement n’avait pas grand-chose d’un jeu abstrait mais générait une atmosphère digne d’un party game… Un peu qui aurait sa place dans une petite boite du format de Lincoln… Puis ce thème des écureuils qui ont planqué leurs noisettes et qui doivent retrouver leur chemin qui mène à la boustifaille, c’est plutôt fun… En plus c’est vrai que les écureuils en planquent partout dans la forêt ! Je me mets donc à plancher sérieusement sur le machin, motivé par ce sentiment flatteur d’avoir l’impression que Blaise serait content qu’on travaille ensemble sur ce projet. Le jeu est clairement excellent. Frustrant. Peut-être parfois trop, d’ailleurs. Il faudrait alléger ça. De plus le thème, avec une mécanique malgré tout basée sur la mémoire, pourrait en raccourci faire trop « enfant ». Et ce plateau est un peu encombrant… La frustration trop importante et le matériel sont deux soucis réglés ensemble. Le jeu peut se constituer uniquement de cartes que l’on retourne. Et plutôt qu’un plateau que l’on bouge, on peut avoir chacun son écureuil que l’on place en bout de ligne et que l’on déplace. Ça permet en plus que chaque joueur ait son personnage à lui, ce qui est plus sympa. Et surtout le fait de ne pas tourner le plateau de jeu doit rendre l’ensemble moins frustrant, mais tout de même bien retord… Phases de protos, tests, soumissions d’idées et échanges avec Blaise, et ça fonctionne très très bien !

Puis un jour, quelque part en tout début d’année 2014… Dis, Blaise, tu accepterais de signer ton jeu chez nos petits Jeux Opla ?.. Oui ? Ok. Ben faisons comme ça alors ! Je ne cache pas que j’avais (et ai toujours) un peu les miquettes d’avoir la responsabilité de l’édition de ce jeu, tant je l’aime, d’une part, et… Ben avant Blaise a été édité avec Quarto, quand même, alors passer après ça…

Nous travaillons donc de concert de plus en plus sur le jeu, que nous faisons beaucoup beaucoup jouer partout, auprès de centaines de personnes. Quelques modifications et ajouts pour rendre le tout évident, simple et profond !

Il nous fallait de chouettes dessins et une belle mise en forme de ces écureuils, et donc quelqu’un derrière ses pinceaux pour sublimer ce jeu… Et il faut que ce soit un bédéhiste, car c’était décidé, tous les jeux de cette gamme débutée avec Lincoln seraient illustrés par des dessinateurs de bd, voilà ! Et c’est dans des circonstances assez particulières que je suis tombé sur les dessins de Jonathan Munoz, et que j’ai craqué… Mais ça, ce sera la suite de l’histoire !


Episode 12 : It’s alive !

Attention, petite remise dans un contexte d’époque ! Nous avions organisé un concours lors de la sortie de notre jeu Lincoln, en mars 2014, qui proposait aux participants de réaliser une œuvre de leur choix qui nous fasse marrer. Le concours est terminé, on envoie les résultats et la vie continue. Et quelques temps après je reçois un mail de quelqu’un se présentant comme ayant participé au concours et envoyé un dessin sans jamais avoir eu de réponse… Pour cause, son mail était passé dans les indésirables ! Le malheureux… D’autant que son dessin était béton ! Heureusement, le hasard met ce garçon sur mon chemin quelques jours plus tard lors d’un apéro-dédicace à la librairie bd lyonnaise Expérience. On taillait le bout de gras, et on en mangeait aussi un peu, avec des copains, quand je me retrouve à côté de ce bonhomme qui se trouvait être le malheureux participant, avec qui, du coup, la discussion s’engage. Ce monsieur s’appelle Jonathan Munoz, il est un jeune dessinateur de bd qui sort de l’école Emile Cohl et qui avait comme profs les copains Olivier et Jérôme Jouvray (scénariste et dessinateur de Lincoln, la bd et de notre petit jeu éponyme) ! Il sort de sa besace une de ses bd, et je trouve les dessins à tomber… On discute un peu, et dès rentré au bercail je regarde son blog (allez-y : www.jonathanmunoz.fr/), et ça confirme le talent du dessineux… J’envoie derechef (première fois que j’écris ce mot quelque part) le lien du blog à Bony (qui a illustré nos jeux Pollen, Il était une forêt, Migrato et le prochain La Glace et le Ciel) et Tony (qui lui a illustré Hop la bille et Hop la puce), et ils sont d’accord pour dire que le mec est bon ! J’envoie donc ça à Blaise, évidemment, et à plusieurs personnes, et tout le monde acquiesce, Blaise appréciant tout particulièrement le travail de la lumière dans les dessins. Bien. Le style trash et drôle nous permettra probablement de ne pas verser dans une ambiance trop enfantine, ce qui me convient parfaitement.

Et un jour… Dis, Jonathan, ça te dirait d’illustrer ce petit jeu ?.. Oui ? Ha, cool, et bien faisons comme ça !

J’ai bien sûr vite acheté et dévoré les livres de Jonathan : Un léger bruit dans le moteur et Les dormants. Plus que remarquables !

C’est alors que, pendant des mois où nous avons continué de présenter le jeu partout, le travail de mise en forme commence. La charte était la suivante : il fallait que ça ait un côté sympa de bande dessinée, avec comme personnages principaux des écureuils, mais que ça ne fasse pas trop enfant, que ça soit évidemment très ergonomique et très beau. Rien que ça. Ma première idée de nom du jeu était Les Ecureuils et les Aventuriers des Noisettes Perdues. Ça m’amusait. Avec des écureuils pastiches de super-héros connus. Sans grand enthousiasme il faut le dire, Jonathan a proposé de nombreux essais, puis au final, sur les conseils de beaucoup de gens, je me suis rangé de l’avis général pour oublier cette voie et en chercher une nouvelle, en donnant plus de liberté à Jonathan dans ses choix et envies. Il propose alors des personnages sortis de son imaginaire, et comme ce garçon est brillant, et bien ça rendait vraiment très bien. Il les peaufine pour que nous arrivions à une version proche de la finale. Pareil pour l’univers, et la tronche des éléments majeurs du jeu, cailloux, feuilles et champignons. Je me souviens avoir adoré quand j’ai reçu sa feuille, c’était parfait !


Episode 13 : Y a quoi d’sous ?

Mais du coup… Quid du nom du jeu ?.. On a écrit une histoire qui pose le décor et le contexte du jeu, qui présente les personnages et ce qu’ils font. On a brainstormé intensivement pour le nom, je suis allé voir les boutiques copines à Lyon pour leur demander leur avis. C’est important, pour moi, l’avis des revendeurs, car c’est eux qui auront le jeu en mains pour le vendre, donc avis majeurs ! D’emblée, ok, j’ai remballé depuis un moment mes écureuils et leurs noisettes perdues… On passe plein de trucs rigolos à base de jeux de mots à la moulinette, mais aussi des titre qui pètent avec des « Y » et des « K », mais là même si c’est sans doute plus vendeur c’est assez loin du style des Jeux Opla ! Donc rien de concluant. Puis je change de direction, me rapproche de l’action du jeu et pars dans des Cékoadjatsou ou Yakoadjatsou… On fait le tour, on brainstorme encore pour épurer le truc, virer encore les « K » et les « Y » et arriver à un Couadsou. Et du coup, voilà, il suffit de dire que les Couadsous, ce sont nos bestioles adorées du jeu, et qu’elles se baladent dans leur univers à la recherche de leurs noisettes… Ce sera donc Le bois des Couadsous !

Dans la suite il sera question de fabrication, très probablement, et nous en aurons terminé !

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Le Bois des Couadsous
Un jeu de Blaise Müller
Illustré par Jonathan Munoz
Publié par Jeux Opla
2 à 4 joueurs
A partir de 6 ans
Langue de la règle: Française
Durée: 10 minutes
Prix: 12,00 €


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Merci pour toutes ces infos passionnantes sur ce magnifique jeu. Mon top 2015 !