Ce que signifie réellement « jouer le jeu de la désintermédiation et rompre avec la politique des Stretch-Goals ».

Ce que signifie réellement « jouer le jeu de la désintermédiation et rompre avec la politique des Stretch-Goals ».

Disclaimer : Certains des raisonnements développés dans l’article concernent essentiellement les campagnes des projets « blockbusters ». Il est évident que les campagnes aux investissements et objectifs plus modestes sont régies par des problématiques qui peuvent être différentes.

En juin dernier nous vous faisions part, via l’article « Replacer le risque au cœur du modèle », de notre volonté de rompre avec le modèle traditionnel intermédié (Éditeur – Distributeur – Boutique – Joueur) pour lui substituer un modèle désintermédié (Éditeur – Joueur). Dans le même temps nous annoncions également notre volonté de rompre avec le modèle marketing traditionnel de KS qui repose sur l’illusion de la gratuité des Stretch-goals (des éléments de jeu que les pledgers payent mais qui leurs sont présentés comme des « cadeaux »). Ces Stretch-goals servent essentiellement deux fonctions:

La première est celle d’outils de dynamisation des campagnes, ce qui explique que la variation de leurs écarts est beaucoup plus corrélée à leur effet attendu sur le rythme de la campagne qu’à là réalité de leur coût de production (il serait par ailleurs assez aisé de démontrer à quel point l’effet des stretch-goals est hypothétique et terriblement surévalué. Il ne s'agît au mieux que de vagues intuitions qui n’ont jamais été validées par la moindre étude statistique digne de ce nom, mais qui, parce qu’elles flattent le sens commun par leur apparente évidence, trouvent facilement l’adhésion du grand public).

La seconde consiste à générer un important écart de valeur entre la version KS et la version boutique, afin de justifier l’achat via KS (avec classiquement 18 mois d’attente et une grosse partie du risque financier reporté sur le pledger, la différence de valeur se doit d’être importante, sans quoi l’arbitrage se fera systématiquement en faveur de la version boutique). Il s’agit donc de faire de la version KS une « bien meilleure affaire » que sa version « downgradée » (les SG doivent à eux seuls compenser les facteurs Attente et Risque). Ce différentiel de valeur n’a évidemment plus aucune raison d’être dans le cadre d’un modèle qui exclut toute Version boutique de l’équation, toute Attente ainsi que tout Risque de retard, de non livraison ou de différence dans la réalisation entre le produit promis et le produit livré.

Dans le même article nous vous faisions part de notre volonté de répartir plus équitablement la valeur qui auparavant était allouée aux intermédiaires et aux stretch-goals (Il s’agit de répartir entre les pledgers et nous, la valeur ainsi dégagée de façon à consolider nos marges tout en faisant baisser les prix). À l’époque nous ne disposions pas encore de la totalité des devis de nos fabricants. C’est chose faîte. Nous allons donc pouvoir ici dépasser le stade des vœux pieux pour atteindre celui des faits. L’intégralité du jeu Claustrophobia 1643 sera commercialisée au prix de 79$ (soit 68€ au cours du jour). À ce prix-là voici ce dont vous disposerez :

Voici le contenu presque final de la boîte principale de Claustrophobia 1643

Contenu de la nouvelle édition :

  • 35 figurines :
    • 7 figurines différentes pour les combattants humains
    • 13 figurines différentes pour les démons
    • 2 molosses différents
    • 11 troglodytes
    • 2 troglodytes coriaces
  • 48 Tuiles (16x16cm)

  • 5 plateaux individuels pour les combattants humains

  • 7 fiches de personnage pour les combattants humains

  • 2 plateaux individuels pour les démons

  • 13 fiches de personnage pour les démons

  • 2 plateaux individuels pour les molosses

  • 2 fiches de personnage pour les molosses

  • 1 plateau individuel pour les troglodytes coriaces

  • 1 tableau de bord pour le joueur infernal

  • 40 pions de crânes en plastique

  • 8 dés d'activation gravés

  • 6 dés du destin gravés

  • 10 dés de combat gravés

  • 20 gemmes en plastique

  • 99 pions en carton

  • 20 cartes d'équipement

  • 24 cartes d'événement

  • 24 cartes d'instinct

  • 1 livret de règles

  • 1 livret de scenarios qui contient :

    <p>9 original scenarios</p>
    
    <p>11 scenarios, rewritten or updated to integrate the evolutions of the game</p>
    </li>
    <li>Un livret de règles contenant 20 scénarios :
    <ul><li>9 scénarios inédits</li>
    	<li>11 scénarios ayant fait l’objet d’un travail de réécriture ou d’une mise à jour pour intégrer les évolutions du jeu</li>
    </ul></li>
    

Réagir à la concurrence croissante sur KS dans un contexte de raréfaction des nouveaux pledgers.

Depuis notre premier KS (Conan, en janvier 2015) la concurrence sur la plateforme a terriblement crû. Le nombre de projets a littéralement explosé (une croissance de 50% entre l’année 2014 - l’état du marché lorsque nous entrions dans le secteur - et l’année 2017 ). Or, bien que la croissance du chiffre d’affaire global du secteur sur KS se révèle encore supérieure à la croissance du nombre de projets, il s’avère que le réservoir de nouveaux pledgers croît quant à lui beaucoup plus lentement (ce qui indique par ailleurs un probable déplacement des pratiques de consommation de ceux qui sont déjà pledgers, depuis les boutiques vers KS. En effet, cette croissance du CA globale supérieure à celle du nombre de nouveaux clients implique une intensification des dépenses sur la plateforme de la part des pledgers déjà en place). Si l’on fait l’hypothèse que le Délais de livraison, le Coût d’entrée et le Risque (de retard, de non-conformité…) sont les principaux freins à l’arrivée de nouveaux pledgers sur la plateforme, on peut alors imaginer qu’en faisant sauter ces barrières nous serons, à terme, capable d’attirer de nouveaux pledgers vers KS. L’arrivée prochaine de ces nouveaux pledgers est capitale pour notre bon développement car la concurrence se régulera fatalement par la baisse des marges (via une baisse des prix ou une augmentation de la qualité, plus probablement un mix des deux). Nous pensons que cette baisse aura pour corollaire de rendre incompatible la coexistence des mêmes titres sur KS et en retail. En effet, les écarts de prix entre les deux secteurs vont mécaniquement se creuser, au point que leur différence rende rédhibitoire l’achat en boutique d’un produit financé sur KS. En sortant du retail nous ne faisons que précéder un mouvement inéluctable de dissociation des deux marchés. Les campagnes « blockbusters » récentes montrent que l’intérêt des pledgers pour la profusion matérielle (notamment sous la forme de Stretch-goals) a fortement décru au cours des derniers mois. Il semble que l’on peut affirmer que les dernières campagnes blockbuster ont TOUTES réalisées des scores inférieurs à ce qu’elles auraient obtenu dans un état légèrement antérieur du marché (disons 18 mois plus tôt). Ce tassement relatif des blockbusters s’explique probablement par leur nombre croissant (les consommateurs ont davantage de choix et se distribuent entre les projets selon leurs goûts ce qui génère une certaine dilution), mais aussi partiellement par le mécanisme suivant :

  • Puisque le nombre de consommateur sur KS croît beaucoup plus faiblement qu’auparavant, nous évoluons de plus en plus dans un marché qui se clos.
  • Ce sont donc globalement toujours les mêmes acheteurs qui s’équipent de gros jeux à figurines.
  • Ces mêmes consommateurs arrivent probablement à saturation (leur « taux d’équipement en figurines » approche un maximum et même l’espace de stockage devient problématique pour les urbains).
  • L’inflation de la quantité de figurines génère mécaniquement la dévaluation de leur intérêt unitaire (effet de profusion).
  • Dans le même temps, les coûts de réalisation et de production de ces mêmes figurines n’ont pas baissé et sont systématiquement refacturés aux consommateurs.
  • Ainsi, on se retrouve dans une situation où l’intérêt des figurines en tant que SG se trouvent régies par la loi des rendement marginaux décroissants : Les SG étant par nature un système d’incrémentation, chaque SG supplémentaire voit sa valeur relative chuter alors que son coût demeure stable (donc la bonification de l’offre globale décroît marginalement avec la croissance du nombre de SG). Or cette valeur pour le joueur chute d’autant plus brutalement que le nombre de figurines dont il dispose déjà est important. Par ailleurs la profusion de matériel apportée par les SG a un impact significatif sur les frais de port, ce qui influe encore à la hausse sur le tarif global.

Aussi, nous pensons chez Monolith que le modèle des Stretch-goals est sur le point d’être révolu et qu’il a lui-même créé les conditions de son dépassement en contribuant à saturer le marché d’un matériel dont l’intérêt marginal n’a fait que chuter avec sa profusion (cf. ci-avant). Les SG sont couteux aussi bien pour nous que pour nos clients, alors que leur intérêt ne cesse de décroître. Aussi nous faisons le pari de la baisse des prix plutôt que celui de l’augmentation du matériel, notamment parce que des Coûts d’entrés moins prohibitifs nous semblent davantage propices à faire grandir la communauté. Néanmoins, s’il s’avérait que nous nous soyons trompés, nous reviendrions au vieux modèle, sans toutefois que l’on puisse nous reprocher de ne pas avoir essayé.

De toutes façons seules deux choses sont certaines :

  1. Nous saurons très prochainement si notre pari était le bon (en octobre).
  2. Quoi que l’on fasse, « Haters gonna hate » 😉.

Dessin de Pascal Quidault

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Lien vers l'article en anglais:

https://www.facebook.com/notes/monolith/what-playing-the-game-of-disintermediation-and-breaking-up-with-stretch-goals-po/1551865141585130/

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Excellent article et excellent démarche.

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Personnellement je ne me fais pas trop de souci pour cette V2 de Claustrophobia, le jeu ayant déjà trouvé son public une 1ère fois et bénéficiant de nombreux retours. J’ai plus de doute de la viabilité de ce modèle sur des jeux “sortis de nul part” et/ou sans licence… le challenge sera de proposer de très bons jeux à chaque fois sous peine de voir les backers se dire que c’est déjà trop cher pour ce que c’est (même si les acheteurs compulsifs seront toujours là !)

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Du haut de mon ignorance, je me demande si le contenu ludique supplémentaire qui était autrefois “offert” en SG ne va pas alimenter une longue liste d’add-on payants, générant alors un effet de “jeu à la carte” ?
Ce processus aurait un intérêt pour le joueur qui adaptera sa contribution à ses goûts et son budget.
Mais alors, quid des conséquences pour l’éditeur (et même l’auteur car un développement modulaire est une sacré contrainte créative) ?

Avez Vous une date pour le ks en octobre?

@Phoenixeux : en fait, c’était déjà justement le cas. Si on regarde, blockbuster ou non, le prix d’un add-on par rapport à son contenu, et qu’on le compare ensuite au ratio prix/contenu de la boîte de base et ses SG, c’est fort défavorable aux add-ons, qui sont là pour financer les SG (ou la marge de l’éditeur s’il a fort rogné pour proposer du SG, ce qui revient au même).

Il sera difficile pour les éditeurs de réduire les SG pour réduire le prix, mais de multiplier davantage encore les add-ons, on voit plutôt que sauf jeu de niche/buzz suprême (type Kingdom Death, sur son reprint), les gros all-ins au tarif bien gras, même fournis, ont du mal à transcender les foules, sauf si l’offre totale paraît honnête.

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Merci de cet éclaircissement.

Si je suis bien la démarche de Monolith et l’analyse qu’ils font de la valeur marginale décroissante du contenu des jeux, je suppose que la notion de all-in n’est pas un objectif pour l’éditeur. Ca reste un comportement de joueur-complétiste, aujourd’hui encore l’étalon de la communauté KS, mais qui serait amener à disparaitre. Enfin c’est ce que je comprend de l’article.

Donc du coup, que les add-ons se multiplient et soient proposé au “juste prix” (sans parasitage des SG) comme des mini-projets indépendants, ça me semble judicieux. Je me pose tout de même des questions sur la difficulté de gérer un liste d’add-on trop longue en terme d’anticipation de la production et pour la logistique…

C’est difficile, c 'est aussi pour ça que les all-in avec beaucoup d’add-ons se limitent chez beaucoup d’éditeurs, il y a sur toute la logistique des complications liées aussi bien à la production qu’à la livraison, bien que pour la livraison, ce qui devient compliqué ça n’est pas le all-in en soi, mais la multiplication des cas de figure entre pledge de base et all-in qui peut faire bloquer l’envoi de commandes car tel ou tel produit n’est pas encore arrivé au hub :D.

Ca se trouve, en plus, le jeu est super cool.

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Oui, par intuition, je rejoins ton avis.
Donc, si on continue le raisonnement : Plus de SG lors de la campagne (pour les excellentes raisons développées dans l’article) + un nombre d’add-on limité (qui ne pourra pas absorber les ex-SG et les multiples idées bonus facultatives). On arrive à une version “entière” du jeu moins riche qu’auparavant (ce qui est peut-être une économie de contenu souhaitable).
Du coup, la version d’un jeu [KS à la Monolith] possède un écart moindre avec une hypothétique version boutique (même jeu ou similaire). Le différentiel représentant la contrepartie du Risque et de l’Attente, est-ce que ce modèle de KS saura gagner les foules ? Car l’argument du prix bas ne vaut que tant que les modèles “classiques” sur KS reste la référence. Mais s’ils s’y mettent tous comme le suggère la logique de l’article ?

Beaucoup de questions, peut-être sans fondement, dont les réponses ne sont pas simples.
Si ça aide Fred Henri à sa réflexion, ce sera déjà ça ! :wink:

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Peut on résumer le modèle économique proposé à éditeur, boutique KS, joueur ?

Dommage que les figurines ne soient plus peintes. L’un des intérêts de claustrophobia.

J’adhère à 2 000 % à ces analyses et à cette évolution amorcée par Monolith… J’appréhendais un peu un tarif élevé pour Claustro (habitué que je suis aux tarifs actuels des KS kilos/figs), mais là, clairement, je fais partie de ceux qui seront de ce KS sans hésitation aucune…

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Je crois bien que le lien facebook dirige sur la traduction du précédent post de Monolith sur Tric Trac.
Ci dessous le lien pour la version anglaise :
https://www.facebook.com/notes/monolith/what-playing-the-game-of-disintermediation-and-breaking-up-with-stretch-goals-po/1551865141585130/

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Ce que j’aime dans cette démarche, c’est que la dynamisation des futures campagnes devra se faire en parlant du jeu, tout simplement, plutôt qu’en disant “pfouiouille, t’as vu la belle figurine que t’as débloqué ? Elle tabasse, hein?” (ce qui n’est pas spécifique à Monolith, hein, suivez mon regard vers CMON entre autres). Et moi, qu’on me présente le jeu, qu’on me dise ce qu’on peut y faire, comme lors des présentations de scénarios dans le KS BAtman GCC, c’est ce qui me plait le plus. Les figs, j’en ai plein, et ça m’intéresse de moins en moins dans les Blockbusters.

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Peuf… Nous sommes en train de parler de la plateforme Kickstarter. La valeur d’un jeu là bas se fait au kilo…
Du moins jusqu’à ce que les gens assimilent ce nouveau format de campagne… D’ici là, il falloir apprendre aux acheteurs qu’en passant par ce type de campagne ils doivent avant tout être des joueurs. Et peut être là, ils s’intéresseront au jeu…
Ca va être long et dur… Comme…

Ça serait étonnant, j’ai vu que l’auteur a fait le jeu XIII. :-p

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bien vu François. c’est corrigé, merci :wink:

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Très bonne explication, rien à vous redire, continuez. Sur l’argument de la place de stockage et l profusion, je vous rejoint totalement.

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VIVEMENT! :smiley:

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