Carte Postale de TITAN: Carnet d'auteur 4/4

Bonjour chers amis terriens. Je vous envoie une petite carte postale fournie très généreusement par ma délicieuse compagnie STARDRILL, mon employeur pour les 5 prochaines années sur TITAN. Je profite de cette aubaine à moins de 2 crédits (la valeur d'un "CUBE" de Deutérium extrait par l'un de mes Drones) pour vous racontez tout le parcours qui m'a amené jusqu'à ce satellite de Saturne riche en minerais nécessaire à l'expansion de notre civilisation dans les confins de l'univers.

4/4 Une histoire humaine sur TITAN

Holy Grail Games est un jeune éditeur construit autour de gens passionnés, perclus de qualité humaine et désireux d'offrir des jeux différents. Olivier Mélison accompagné de son acolyte et ami Eric Dubus ont l'esprit foisonnant d'idées, d'histoires à raconter et de jeux à proposer. Pour être conscient de ce que cela représente, il faut imaginer que sort de leur esprit un jeu par semaine si ce n'est par jour.

L'équipe au complet n'est pas en reste: l'esprit créatif est sans doute la première ligne à inscrire à son C.V., la deuxième c'est le pragmatisme.

J'arrivais donc en terrain conquis: je souffre de la même pathologie et aime que les projets soient menés avec logique. Chacun son univers, chacun ses idées mais un plaisir ludique à partager.

Nous sommes progressivement rentrés dans le développement du jeu. Je n'avais aucune idée de son déroulement. L'image que j'en avais c'était: le jeu passe entre les mains de l'éditeur et il en fait ce que bon lui semble. Mais non ici on me laisse des choix même s'ils peuvent être contraints par les nombreuses limites auxquelles peut se confronter un éditeur car lui même n'a pas les mains libres. Toutefois je sens cette liberté, cette acceptation des axes que j'envisage. C'est très valorisant, rassurant d'un point de vue personnel.

C'est alors que les grandes évolutions du jeu vont avoir lieu pour en faire le jeu qu'il est aujourd'hui. Je vais pouvoir ici vous décrire ces étapes déterminantes.

Abycity est un jeu riche en bâtiments, en pouvoirs et en axes stratégiques. C'est un jeu lié à ma propre histoire et à mes désirs de joueur. Mais c'est aussi un jeu qui a déjà 5 ans en 2017 et qui propose une expérience qui n'est sans doute plus en adéquation avec le milieu ludique actuel. Il propose ainsi 42 Bâtiments différents, disponibles tout de suite. Il faut donc les appréhender, les jouer, les connaître pour avoir de la satisfaction.

Les joueurs ne jouent plus comme ça: un choix pléthorique ne fonctionne pas, il faut réduire les possibilités. La première solution nous semble être de faire un marché sur lequel les Bâtiments apparaitraient progressivement. Ca marche, c'est agréable mais ajoute un aspect hasardeux à nos choix et rompt avec la règle que je m'étais fixé pour ce jeu: pas de hasard.

Ces 42 Bâtiments sont répartis en 6 domaines différents. Des domaines très classiques, convenus même: l'argent, l'énergie, les PV, la dépollution, le militaire, la science. Peu de jeu de gestion échappe à ces axes malheureusement, parce qu'ils racontent une histoire familière qui nous rassure tous.

Olivier propose alors une solution afin de limiter le choix: réduire le jeu à 6 pouvoirs associés à chaque domaine. On perd du thème mais on gagne en clarté, en lecture mécanique. C'est intéressant mais j'y vois un ralentissement de la dynamique du jeu, les Bâtiments ne s'activant qu'un à un, on ne ferait ainsi que des coups d'activation peu puissants, répétitifs et isolés.

Mais l'idée de simplifier nous séduit et Jamie souhaite que je fasse un choix: soit on persiste vers un jeu très expert nécessitant une grande connaissance du jeu, soit on simplifie la lecture du jeu et on trouve des solutions pour optimiser la construction de stratégies.

C'est sur cette dernière solution que je m'embarque.

De plus il faut trouver un nouvel environnement qui ne s'éloigne pas du thème et un nouveau nom. Le jeu est futuriste, parle de ressources, d'exploitation minière, d'eau. Il nous faut trouver un corps céleste qui corresponde à nos ambitions. Titan, Europe et Encelade sont les plus évidents et les premiers noms qui nous viennent à l'esprit. Mais le choix sera très rapide: Titan, un nom court, on ne peut plus percutant, symbolique, grandiose.

Titan dans toute sa puissance picturale

Je me plonge dans la littérature scientifique, les romans de science-fiction, la recherche internet. Les informations ne sont pas aussi riches que je pouvais le penser mais l'essentiel est là. De plus les agences spatiales internationales sont très ambitieuses et visionnaires vis à vis de Titan et de ses ressources et font donc échos à cette thématique.

Rencontre avec le maître

Entre temps le jeu est sélectionné au FLIP de Parthenay et concourt dans la catégorie expert. Mais pris dans l'entre deux de son évolution je me perd dans les nouveaux choix mécaniques et l'histoire racontée par le proto restée elle inchangée. Pas de prix pour cette fois mais des rencontres inoubliables et une nouvelle aventure humaine fantastique.

Au retour, il est temps de réaliser le nouveau proto afin d'y voir plus clair. Alors que je le dessine avec l'amertume de voir disparaitre mes illustrations de bâtiments pour les remplacer par de simple blocs de couleur, une solution pour rendre le jeu explosif m'apparaît: il faut que les connexions améliorent tuyau après tuyau la qualité de production de notre réseau. Il faut qu'un et même plusieurs moteurs de production puissent se mettre en marche. De plus on va désormais pouvoir prendre le contrôle des Bâtiments en les améliorant par la même occasion. Ainsi l'interaction qui était déjà très élevée va s'en trouver largement augmentée avec la possibilité de profiter de tous les bâtiments présents sur le plateau tout en bonifiant les Bâtiments contrôlés par les adversaires.

Simplifier et approfondir

Il est également nécessaire de rendre la pollution plus dynamique. Elle n'était que symbolique, elle sera désormais physique sous la forme de Tholin (une substance organique) et viendra s'opposer aux PV qui prennent eux corps dans le Deutérium (ressource que nous venons chercher sur Titan). Ce sont les ressources manipulables sur le plateau lui-même. Là aussi l'interaction s'en trouve augmentée. Les sous-marins d'Abyss sont devenus des drones à pinces qui peuvent se charger, transporter, dépolluer et travailler sur les Bâtiments.

Le jeu devient riche en possibilité car on a épuré le thème et désormais ce sont les mécaniques qui enrichissent les sensations de jeu et non plus la diversité des Bâtiments.

Il reste cependant quelques longueurs dans le jeu: on joue 8 manches qui finissent par devenir répétitives puisque les réseaux sont largement constitués et les tours de jeux s'enchainent pour peu de plaisir supplémentaire. L'idée est alors de rendre le jeu plus dynamique en réduisant les coûts de déplacement, en transformant la première manche en une phase d'installation et en rajoutant des tuiles de glace qui bloquent certaines zones de jeu. L'ensemble de ces choix m'a permit de réduire le jeu à 5 manches denses, riches en coups et où l'interaction est présente dès le premier tour de jeu.

Pour finir cette simplification, 2 segments du jeu qui apportent des éléments supplémentaires nous semblent dissociables afin de ne pas étouffer les nouveaux joueurs qui auront déjà bien assez à faire avec 5 domaines de Bâtiments et l'ensemble des décisions, choix et interactions qu'ils apportent. Ainsi la décision est prise de créer 2 extensions distinctes: une première centrée sur l'alien, la seconde sur les Bâtiments scientifiques qui apportent de nombreux pouvoirs et possibilités et s'adressent à des joueurs aguerris. Présents depuis l'origine du jeu, ces extensions vont permettre aux joueurs de plonger progressivement dans la richesse de l'univers ludique de TITAN.

Détruire!!!

Construire!!!

C'est le moment où les esprits fertiles de Loïc Muzy et du non moins imaginatif Quentin Saint-Georges rentrent en piste. La première idée, la plus logique, c'est de rentrer dans les standards de la SF actuelle. Simple, facile mais trop évident. Qu'est ce qui démarque graphiquement un jeu des autres, qu'est ce qui en apporte de l'originalité visuelle? L'idée d'un univers SF rétro est percutante, différenciante. C'est un réel parti pris source de risque, mais ce dernier vient appuyer le choix scénaristique appliqué au thème de l'exploitation de Titan.

L'esprit fertile de Loïc Muzy en marche dans une première approche

Dans un premier temps, on tombait dans la facilité: "des corporations luttent pour les ressources de Titan" mais cela restait trop proche de certains monuments ludiques au thème surexploité. Ici c'est l'éloignement, les conditions dantesques qui règnent sur Titan qui nous font nous diriger vers l'aspect social et le rapport de force entre la STARDRILL et des équipes d'ouvriers qu'elle souhaite exploiter. L'aspect rétro nous permet de plonger dans une ambiance plus poussiéreuse, plus dur, plus minière et nous rappelle ces affiches de conquête spatiale des années 60 ainsi que certains standards du cinéma du genre.

La Team D bien décidée à être citée au tableau des meilleurs employés du mois!

Le choix est fait et colle parfaitement avec les couleurs du satellite: sable, hydrocarbures, glace, tholins dessinent les contours sinueux des roches de Titan.

Le titre lui même présente les strates de Titan

Le dernier point et non des moindres est le design des éléments et bien entendu du plateau. Ha ce plateau! Il est à l'origine de tout. L'effet Waouh a toujours était présent alors que je le tranportais à droite à gauche dans sa boîte pleine à craquer d'éléments en carton.

Le plateau en carton était une solution économique pour le prototypage, mais il a malheureusement montré ses limites dans la manipulation et le vieillisement. La mise en place est longue, le plateau s'abime et se déchire. Il n'y a pas d'autre solution que de le faire en plastique. En 3D évidemment: à plat le plateau est gigantesque du fait de la nécessité de manipuler avec aisance les drones, les bâtiments, les ressources, les tuyaux qui créent les connexions. La 3D donne un espace que l'on ne peut avoir à plat. Elle permet de donner une immersion totale, colle parfaitement au thème, est présente depuis le début de cette version plateau et a créé l'histoire du jeu et une grande partie de ses nouvelles mécaniques.

Dans l'œil de TITAN

Si le plateau est en 3D, les tuyaux doivent l'être aussi, les drones qui transportent les cubes également et ainsi les Bâtiments pour avoir une immersion totale. Les aliens ne seront pas en reste et ont leurs éléments en 3D qui viennent interagir avec le plateau et les joueurs.

Au plus près de l'action

Le jeu est devenu titanesque par sa réalisation graphique, l'approfondissement des mécaniques, l'accentuation permanente de l'interaction et la création d'une liberté totale pour les joueurs dans l'orientation de leur stratégie.

Ce fut un plaisir immense de travailler sur ce jeu et les milliers de personnes qu'il m'a fait rencontrer, transformant ce désir ludique personnel en une formidable aventure humaine faite de rencontre et de création. J'en profite pour remercier ma famille, ma femme et mes enfants que j'embrasse et remercie pour leur patience.

Je vous remercie d'avoir lu toutes ces pages car le jeu n'en serait pas là non plus sans vous tous. Au plaisir de se retrouver autour d'une partie Titanesque.

P.S.: il fait -179°C sur Titan pourriez vous penser à m'envoyer une paire de mouffles supplémentaire pour pouvoir commander mes drones sans avoir les doigts congelés?

Merci!

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