Carnets d'Auteur de Dominations : Les premiers pas vers la Civilization

Le chemin qui mène du concept à la réalisation d’un jeu est souvent long et parsemé d’embûches. Dans cette série d’articles, Olivier Melison et Eric Dubus ont souhaité partager avec vous le long périple que fut la création de Dominations, en y racontant leurs expériences.
Ce premier volet aborde les idées initiales qui ont donné au jeu son premier souffle, et leurs évolutions.

Au commencement était le rêve... d'Olivier
L'aventure de Dominations a commencé comme dans un rêve. En fait, non : elle a débuté dans un rêve.
Olivier se trouvait à Grenoble avec son collègue Jean François pour un déplacement professionnel. Dans sa chambre d'hôtel, sa nuit fut agitée, comme bien souvent : il est somnambule. Malgré tout, dans ce piètre sommeil surgit un rêve merveilleux : il s'agissait d'un nouveau projet de jeu, d'une fluidité inégalée, aux règles limpides comme de l'eau de roche. Immédiatement réveillé, il a pensé à mettre le tout noir sur blanc pour ne pas laisser filer une telle idée!
Cela dit, il était quatre heures du matin, et il était certain de se souvenir de ces lumineuses règles à son réveil. Il s'est donc rendormi du sommeil du juste, très content de ses idées.
Quelques heures plus tard, il a ouvert les yeux. Impossible de se souvenir de ce jeux génial dont il avait rêvé toute la nuit. Evaporées, les règles claires et limpides. Le seul vestige du songe dont il se rappelait était une vague histoire d'hexagones qui se plaçaient les uns à côté des autres avec des ressources dessus ; autant dire pas grand-chose...

Jean François et Olivier ont passé leur voyage de retour à discuter de ce jeu, et écrit le premier jet de ce qui allait devenir Dominations. Bon, avant, ça s'appelait Hexagone...

Au milieu était l'Hexagone, mais bon...
Par un beau mois de Décembre bien neigeux comme la Lorraine sait en produire, nous avons démarré avec mon comparse de toujours le développement d'un jeu qui s'appelait alors Hexagone. Les grandes lignes avaient été jetées lors d’un (long) retour du salon du jeu de Cannes. C'était une sorte de jeu 4X à la « Age of Empire » médiéval, où chaque joueur incarnait un dieu. Il s'agissait d'étendre son royaume en développant de nouvelles zones de production qui se plaçaient de manière adjacente à une tuile déjà posée, de développer de nouvelles technologies dans différents domaines
et d'améliorer son royaume par de nouvelles cités ou tours de garde.

Chaque tuile générait un type de production : la Forêt fournissait du bois, la Montagne de la pierre, le Plateau de l'argile, le Marais du naphte, les Champs du blé, et le Désert du Verre.


Chaque joueur démarrait avec 4 meeples : 1 pion Régisseur, 1 pion Maréchal, 1 pion Colporteur et 1 pion Evêque, qu'il plaçait sur son premier territoire avec un niveau de cité.

Chaque personnage possédait un pouvoir : attaquer d'autres royaumes pour le Maréchal, produire des ressources pour le Régisseur, vendre des ressources pour le Colporteur et convertir des peuples adverses pour l'Evêque (ce qui permettait d'augmenter la piété du royaume et, pour le joueur dieu incontesté de ce bas peuple, d'intervenir sous la forme d'un pouvoir plus au moins destructeur).


Le jeu durait au moins deux heures, le tout dans une joyeuse atmosphère pleine d'alliances et de fourberies. Il restait très classique quant aux formes de production avec des matières premières avec des évolutions de technologies et de connaissances.
Après 3 mois de développement et plusieurs versions du prototype, le jeu fonctionnait bien mais était - pour être franc - un peu laborieux. Il s’était surtout éloigné de l’objectif de départ que nous nous étions fixés, à savoir allier richesse de jeu et simplicité réelle...

C’est ainsi que notre « civilisation-hexagone » est tombé dans l’oubli et a rejoint dans leur armoire magique nos (nombreux) projets à améliorer ou à réinventer...

A la fin étaient les Dominos
Et puis, un beau jour, après une longue gestation dans l’inconscient surproductif d'Olivier et dans celui plus limité et basique de votre serviteur, le déclic s'est produit sous la forme d’un domino productif civilisationnel triangulaire (oui l’expression est bizarre...) qui nous permettait une véritable réflexion stratégique dans la production de connaissances et la construction d’une civilisation, tout en restant dans une mécanique simple : je pose un domino, je produis des connaissances, je construis et je développe ma civilisation.

La recette fût complexe. Mettez 200g de Advanced Civilisation et 100g d’Illuminati dans un mixer, ajoutez quelques pincées de Populous et de Nations. Laissez reposer.
Saupoudrez avec quelques dizaines ou centaines d’heures de discussion. Ajoutez quelques amis au mélange pour les avis extérieurs (souvent éclairés). Enfournez le tout pour obtenir un prototype bien léché (bravo Olivier !) et le tour est joué ! Dominations, dont le dressage fut rapide mais la cuisson fort longue.
Tout un plat très prometteur dont la création fût chaotique, mais nous avons cette exigence de ne pas produire un jeu s'il ne nous plaît pas vraiment. C'est l'avantage (et la chance !) d'être motivés par l'amour du jeu plutôt que de devoir travailler sur commande pour des impératifs financiers.
Comme pour notre premier jeu édité, Museum, nous avons essayé de créer un jeu que nous aurions adoré acheter si nous l'avions trouvé dans le commerce ! Un équilibre entre un jeu simpliste dans son fonctionnement (comme je les aime !) avec de multiples possibilités de stratégies différentes vers la victoire, et une profondeur réelle (comme Olivier les aime !).

Je vous incite à regarder les premières vidéos que nous avions faites au début du travail éditorial pour voir la différence avec le jeu aujourd'hui.
https://youtu.be/P_29ej9AGVQ


A la fin de la fin, il y a la conclusion !

Pour réduire tout ça au plus simple, d'un point de vue thématique, il s'agissait de créer un jeu de civilisation depuis l'Âge de Fer jusque l'an 1000.
Chaque joueur y guide un peuple qui va évoluer d'âge en âge pour constituer une civilisation, sachant que pour qu'il y ait civilisation on doit retrouver dans le jeu certaines caractéristiques comme la présence de villes, l'organisation d'états, des réalisations artistiques monumentales ou bien encore des connaissances, comme l'a si bien décrit Gordon Childe dans Urban Revolution.

Le placement des dominos, avec sa mécanique simple de combinaisons de couleurs, représente la croissance physique de votre peuple.


Cette croissance les permet d’interagir et d’apprendre les uns des autres, générant ainsi des Connaissances, la ressource principale de Dominations. Le type de Connaissances que vous générerez déterminera les principes sur lesquels votre nation sera bâtie, les Merveilles et les Cités que vous construirez, et les Savoirs qui viendront former votre patrimoine culturelle.

Le placement des cartes de Savoir reflète en partie la même simplicité que celle du placement des dominos : matcher les couleurs pour obtenir encore plus de points ! Derrière tout cela, il y a énormément de façons d’obtenir des points de victoire, une masse d’opportunités stratégiques à exploiter, un puits sans fond de possibilités…

Juste pour vous dire enfin que pour nous un jeu ne se construit pas de façon linéaire. Le parcours est poussif, long, tortueux, parsemé d'échecs, d'insatisfactions, de prototypes remis en cause dès le premier test, de discussions interminables (mais passionnantes), de défaites (dans mon cas, trop fréquentes... merci Olivier !).
Travailler à la création d'un jeu, c'est un peu comme pour un film ou un roman...

Pourtant, au final, tous ces efforts, toute cette sueur, tout cela est oublié quand on voit des joueurs prendre du plaisir à y jouer (encore et encore), et nous suivre dans cette grande et périlleuse aventure qu'est un KICKSTARTER, procédé grâce auquel toute l'équipe de Holy Grail (Jamie, Georgina, Loïc, Quentin, Owen et nous) est libre de faire le jeu qu'on souhaite et pas celui qu'on nous imposerait. MUSEUM nous l'a prouvé, Domination nous le confirme aujourd'hui. Merci à tous et amusez-vous bien.

Nous reviendrons dans un autre carnet d'auteur plus centré sur la mécanique et les évolutions du jeu que nous avons apporté avec nos amis de Kaedama (Merci à Antoine, Corentin, Ludovic et Théo)

Eric Dubus

16 « J'aime »

LE civilization-populous… quel souvenir… et ce retour de Cannes… j’étais caché à l’arrière du véhicule ! c’est incroyable les échanges et rebonds entre ces deux individus… 8 h de voiture passent très très vite avec eux et on en ressort avec des étoiles plein les oreilles… hum.

2 « J'aime »

Je n’ai qu’un mot à dire : rendez-vous le 28 juin !

Vincent dutrait ne fait pas partie de l aventure HGG?

Bonjour Franck,
Vincent ne travaille pas sur ce projet. Après la période hivernale avec ses soucis personnels, il a préféré lever le pied sur nos projets car il en avait largement assez sur le feu.

Merci pour l’initiative. Un carnet de développement est toujours passionnant à suivre.

Encore un carnet d’auteur très interessant
Un jeu de civilisation me trotte dans la tête et c’est toujours instructif non pas pour s’inspirer mais pour essayer de faire différent mais aussi bien si possible…

ON y est … on fait quoi maintenant ?

tu as toujours 1 jour d’avance :smiley:

2 « J'aime »

merdum on n’est que mercredi… c’est à cause du soleil sur le PEL

1 « J'aime »

cerveau grillé eins ?

C’est pas faux Kmylle…

Le lien vers le KS: https://www.kickstarter.com/projects/148661905/dominations-road-to-civilization

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