Apocalypse Chaos, carnet d'auteur

Apocalypse Chaos, des mécas et des thèmes.

Voici mon dernier jeu qui pointe le bout de son punch sur les étals.
Un très long parcours avant cette magnifique édition que je vais tenter de retracer.
Depuis 2009 et la découverte de l’excellent Pandémie, je suis mis en tête de créer un jeu coopératif.
Si les débuts portaient sur un jeu d’ascension que j’avais nommé K2, j’ai abandonné le thème lorsque un tout autre jeu, excellent par ailleurs, sorti peu de temps après. Certes les mécaniques étaient globalement différentes mais on y retrouvait l’oxygène, la difficulté de l’ascension… et même le nom K2 (auteur A. Kaluza). J’ai changé le thème, en espérant aussi débloquer des soucis de mécaniques, par le thème de la spéléologie. La mécanique centrale qui me plaisait “plus j’ai de dés de même valeur, plus l’action est efficace” était bien entendu conservée.

Plateau du joueur 2011Musée de la carte à jouer 2011
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Des éditeurs me conseillent de prendre un thème plus sexy

Ceux qui suivent le microcosme du jeu comprendront rapidement qu’en 2011 j’ai entendu parler de The Cave du même auteur; qui avait certainement fait la même bascule réflexive que moi en associant l’ascension en montagne et la descente sous terre. Ce nouveau thème pour moi qui perd de fait un peu de son originalité ; mais aussi le fait que des éditeurs me conseillent de prendre un thème plus sexy, fini par me convaincre de prendre un autre thème beaucoup plus classique : la science-fiction.

2011, l’année de l’Apocalypse

Le thème devient donc la science-fiction avec son lot d’ennemis méchants pas gentils, son lot de héros et son lot d’équipements qui permettront aux joueurs de devenir de plus en plus efficaces.
Je conserve la mécanique principale de mes précédents prototypes : Plus je possède de dés de la même valeur, plus l’action correspondante sera puissante.

L’idée était de reprendre le côté aléa du dé pour en faire une force d’adaptation et de maîtrise. Je peste souvent sur un lancer de dé qui détermine l’issue d’un combat après une série d’actions; j’ai essayé d’inverser la tendance, on lance les dés, puis on voit ce qu’on peut y faire.
Evidemment, il devient vite intuitif d’associer des actions à chacune des valeurs du dé :

Déplacement / Bouclier (défense) / Attaque / Capacité spéciale à chaque joueur.
Les règles s’expliqueront d’autant plus facilement, par elles mêmes, si on fait simple.

Par ailleurs, je ne peux que conseiller à tous les auteurs l’excellent livre “The Art of Game Design” de Jesse Schell qui m’a permis de mettre des mots sur des ressentis après les parties tests.
En effet, rien ne sert de compliquer artificiellement les règles, si vous arrivez à répondre à la question “qu’est ce que mes joueurs imaginent lorsque je leur parle de mon jeu”, vous aurez déjà une bonne partie de vos règles.

L’excellent livre “The Art of Game Design” de Jesse Schell m’a permis de mettre des mots sur des ressentis après les parties tests

Dans le livre de Schell, j’ai du lire et relire des centaines de fois les encarts sur le jeu coopératif. Comment par exemple créer la sensation que 1 + 1 = 3. J’ai du lire et relire aussi son passage sur le “flow”, l’équilibre précieux entre ennui du joueur (pour qui le challenge est trop facile) et anxiété (pour qui le challenge est trop ardu) ou encore son interprétation de la notion de valeur endogène.

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Une première version
d’un plateau joueur,
Les cases sont vierges pour y modifier les valeurs rapidement. 2011
Une version plus élaborée du plateau joueur.
fin 2011

De haut en bas :
Déplacement et orientation ; Attaque (corps à corps et à distance); bouclier; capacité spéciale (ici le soin)

Très rapidement la colonne vertébrale du jeu se met en place.
Les phases sont définies :
- Les ennemis arrivent autour du vaisseau.
- Les héros lancent leurs dés, les placent suivant les valeurs puis s’organisent au mieux.
- Résolution de la phase en jouant les ennemis et les héros suivant une initiative.

Ca tourne, c’est loin d’être parfait, un peu poussif mais ça tourne.
En bas du plateau des joueurs on retrouve deux jauges (rouge et bleue) qui correspondent aux éléments que l’on récupère lorsqu’on élimine un ennemi. Ces jetons de pouvoir permettent d’acheter des équipements. Cela génère pas mal de manipulation, des calculs d’apothicaires pour savoir si l’on possède assez ou non de jetons. Je supprime le tout pour une solution rapide, simple et amusante : à chaque fois qu’un joueur élimine un ennemi, il retourne la carte et obtient immédiatement l’équipement derrière.
Outre le fait que les joueurs peuvent d’étriper pour vouloir terminer les ennemis, je gagne avec cette astuce en matériel, en fluidité de jeu, en surprise, ou alors en prévision en se gardant d’éliminer cet ennemi parcequ’on se souvient qu’il génère du soin en équipement; bref je gagne en tout !
J’essaye au maximum de rester sur l’idée d’un jeu coopératif exigeant style puzzlegame à la manière d’un GalaxyTrucker, d’un Dungeon Lord, d’un Roborally ou d’un Monopoly (rayer la mention inutile). En effet, je parle de jeu d’adaptation, d’optimisation, de puzzlegame puisque les dés sont lancés pour savoir quelles actions seront possibles, et les actions des ennemis, que certains appelleront IA sont entièrement prévisibles. Les choix se font donc en toute connaissance. Il n’y a aucun paramètre connu uniquement par le jeu lors d’un tour. Bien entendu entre deux tours cela se complique puisqu’il y a les lancers de dés, les apparitions d’ennemis…

un jeu coopératif exigeant style puzzlegame à la manière d’un GalaxyTrucker, d’un Dungeon Lord, d’un Roborally ou d’un Monopoly (rayer la mention inutile).

Evolution du plateau joueur

201120122014

Amateur d’iconographie, je m’évertue à codifier le maximum de règles sur le plateau du joueur.
(échange de dé, transformation de dé …)

2012/2013, l’année des éditeurs ?

C’est début 2012 où je fabrique et envoie un prototype fini pour un éditeur français que je cible comme étant le plus à même de sortir mon jeu.
Hélas, il s’agit d’un éditeur croulant sous les projets, peu réactif.
Mon jeu s’endort dans un coin, ma motivation avec.

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Festival de StHerblain 2012 (avec des joueurs de qualité !)

C’est en 2013, sous l’impulsion des mes amis que je ressors le jeu.
Quand mon cercle de testeurs me demande de jouer à l’un de mes protos, juste comme ça pour le plaisir, je me dis que tout ce travail a un intérêt.

Juillet 2013, lors d’une petite soirée jeu avec mon ami Guillaume (oui oui celui du site Trictrac qui a de l’énergie pour 10 personnes), je fais tourner mon Apocalypse, pour le plaisir, pour connaître également son avis sur l’intérêt de poursuivre ou non mon travail dessus. Le jeu plaît. Il me propose alors de garder le prototype pour le présenter directement à Filosofia le mois prochain (à cette époque Guillaume était le Guillaume de Filosofia). N’ayant rien à perdre, il est évident que j’accepte.

« Lors du crash test, le proto passe de la pile “Projet”
à la pile “Must Do”. »


Fin août le jeu a plu. Il passe le premier test mais il y en aura d’autres.
A Essen, en octobre 2013, je croise Martin de Filosofia qui me dit du bien de mon proto. Il serait sur le haut de la pile des protos à tester.
Jouant mon va-tout, je me focalise sur ce proto pour équilibrer au maximum le jeu. L’éditeur souhaite aussi que les règles soient “extension compatible”. C’est à dire que pour des éventuelles futures extensions, la poursuite du jeu ne se fasse pas avec des “contrairement au jeu de base …”. Par exemple un déplacement de héros n’importe où dans le vaisseau devient un déplacement de 2 salles. Cela revient au même pour le jeu de base, mais permet des mises en place différentes. J’apprends à développer mon jeu “hors du cadre”, à le penser différemment et en toute modestie à l’améliorer. Ainsi même si les extensions ne sortent pas, le jeu de base s’en trouve meilleur (à mon sens). Ainsi, je développe, j’équilibre et j’attends.
C’est courant avril/mai 2014 que le développement prend une autre tournure. Lors du crash test, le proto passe de la pile Projet à la pile “Must Do”. Un contrat est signé et on me met en relation avec Zev de Z-Man pour développer le jeu.

2014, l’année du développement

Les mois qui suivent deviennent très éprouvants. Si je ne me suis jamais senti dépossédé de mon jeu, les testeurs du côté de Z-Man et les testeurs du côté de Filosofia avaient des retours parsemés et parfois contradictoires mais “hélas” le plus souvent judicieux et pertinent m’obligeant à retravailler le jeu.

« J’avais fait tourner le jeu durant 64 heures, de juin à octobre. »


Heureusement j’ai pu créer plusieurs cercles de testeurs qui m’ont permis de faire tourner le proto. En notant un maximum d’informations dans un tableur, j’ai pu constater que j’avais fait tourner le jeu durant 64 heures de juin à octobre. Si l’on ajoute le travail sur les visuels, les règles, les débriefings… cela donne une petite idée du travail accompli.

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Plusieurs pages de tableur

pour y noter entre autres, le type de mission, le nombre de joueurs, les héros joués, le temps de la partie, victoire ou non, les noms des joueurs (pour me souvenir s’ils sont experts ou pas), les remarques et modifications après la partie, la date, le nombre de plateformes/piliers qu’il reste…

De mémoire, le plus difficile, fut lorsque Zev m’indiqua qu’il fallait laisser tomber l’orientation des héros et ouvrir l’échange des dés (passer de 1 dé à beaucoup). Cela remettait complément l’équilibre, sur lequel j’avais passé beaucoup de temps. Je comprenais sa remarque, j’avais un jeu très réflexif, peu enclin à l’erreur, il voulait mettre un peu de lest dans les choix des joueurs et éviter des tours à vide (à certains moments les joueurs étaient réellement oppressés par le jeu sans pouvoir faire grand chose). Mais tout rééquilibrer en voulant garder un jeu exigeant, repenser les cartes Equipement (comme “changer son orientation” etc…) et refaire les visuels; j’ai pris conscience que le jeu était loin, très loin, d’être sorti.
S’il y a eu de très nombreuses modifications proposées, aucune n’était imposée et sur l’échange des dés nous avons pu nous mettre d’accord sur 2 dés uniquement afin de garder la saveur du jeu et de le rendre plus perméable à l’erreur.
Je vous passe les nombreuses modifications, comme les dés à symboles (et non des dés à 6 faces classiques) qui font leur apparition. Je m’étais refusé à utiliser des dés spéciaux pour présenter un jeu moins cher à produire aux éditeurs et pour me permettre de jouer sur les valeurs des dés (+1; -1 …); finalement le gain plaisir des joueurs/accessibilité gagne sur le coût. Mais de fait je prends encore du temps pour refaire les cartes, les salles utilisant les dés et bien entendu rééquilibrer le tout.
Et soit dit en passant, 5 dés à 6 faces pour 4 joueurs, cela fait 120 petits autocollants à placer…

2014

Photo d’une mission prévue initialement pour une éventuelle extension; qui rentrera finalement dans le jeu de base.

Objectif : Se déplacer dans le 2nd vaisseau et rapporter le plus vite possible les objets pour démarrer la salle des machines…

Durant les nombreux échanges, très productifs, on se pose bien sûr la question du joueur Alpha (celui qui dirige tout dans les jeux coopératif).
Sans se cacher derrière “à chaque moment de la vie, déménagement ou autre, il y a toujours un joueur alpha”; j’ai toujours essayé de le réduire. Par exemple, il ne s’agit pas de points d’action où nous pouvons prévoir à 2-3 tours ce que nous allons faire, à chaque tour, on relance les dés et les actions possibles ne sont plus les mêmes. De plus le jeu étant suffisamment compliqué, lire les plateaux des autres joueurs, penser aux différentes combinaisons et en même temps situer les actions des ennemis n’a jamais vraiment permis à un joueur alpha de tout diriger. Le fait d’être à deux personnages dans une même salle permet de cumuler les points de défense, à 4 joueurs vous jouerez certainement par équipe de 2 et le joueur Alpha ne pourra pas être partout… De plus essayez de jouer à mon jeu avec 4 héros pour vous… Au mieux ce joueur Alpha aide (dirige?) un joueur néophyte. De notre côté, nous donnons au joueur Alpha le rôle d’indiquer à tout le monde ce que les ennemis font. Où frappent-ils, que ce passe-t-il ici ? Cela l’occupe suffisamment, permet à un nouveau joueur de s’occuper de son plateau personnel et si on constate que le joueur Alpha s’est planté, on se dit que la coopération est et reste la clé de ce jeu.

« la coopération est et reste la clé de ce jeu »

Le Calendrier

En octobre 2014, on m’indique que le jeu est inscrit dans le calendrier.
Mars 2015 : envoi à l’imprimeur
Août 2015 : sorti du jeu pour la Gencon (grand festival aux Etats-Unis)

L’ensemble commence à sentir bon, il reste du chemin, des idées placées et testées pour d’éventuelles extensions plaisent suffisamment pour être intégrées immédiatement dans le jeu de base. La logique de l’éditeur me plaît, les missions proposant des mises en place différentes apportent un renouveau au jeu; autant le proposer directement dans le jeu de base plutôt que dans une éventuelle extension qui ne sortira pas si le jeu de base n’est pas suffisamment intéressant.
Ainsi la boîte prend de l’ampleur; le jeu de base et 7 scénarios qui apportent un style de jeu différent. Il ne faut plus forcément éliminer tous les ennemis, mais transporter des objets, protéger un scientifique etc… 8 modes de jeu rejouables, 3 niveaux de difficulté, 4 personnages aux capacités différentes ; je suis vraiment satisfait de ce que propose mon jeu !
J’essaye tout au long du développement de conserver un jeu de base jouable et modifiable pour éviter l’effet “big box” avec laquelle on ne joue plus qu’avec les initiés et non les joueurs de passage. Par exemple, les objets servent à quelques scénarios, mais peuvent facilement être joués par les joueurs dans le jeu de base, sans compliquer pour autant à outrance le jeu. Chaque élément est utilisé dans des missions mais indépendamment il est possible de l’utiliser dans le jeu de base; juste comme ça, pour le plaisir ; ou alors pour créer soi-même des missions !

2 Décembre 2014 : Naissance de mon 2e fils et ma 1ère fille… en même temps (à qq minutes…).
Et à ce moment commence une période intense où le sommeil va se mettre en sommeil…
Relecture de lecture, correspondance entre les règles anglaises et françaises; tout ça entre 2 biberons, 3 couches et 1 régurgitation. Zev, avec qui je travaille par mail, a eu énormément de patience !

Le Calendrier… modifié !

Patience est mère de vertue: mais c’est difficile quand on attend “son” jeu.
Finalement en Mars 2015; le retard pris sur les visuels font que le jeu est reporté en 2016.
Ma crainte fut que le jeu soit reporté encore et encore…
Mais il n’en n’est rien.
En avril 2015; Philippe de Filosofia m’envoie des visuels afin que je vérifie les capacités, les valeurs. Je commence à voir mon proto devenir lui même. Le calendrier sera respecté !
Entre le plaisir des yeux, le stress de rater une valeur erronée lors des révisions, le souhait de vouloir le mieux pour le plaisir du jeu, bref, les nuits sont courtes et pas seulement à cause des naissances !

Zev quant à lui est chargé des règles et de nombreux échanges se font pour ne rien oublier et que tout soit compréhensible.

Si ce n’est pas mon premier jeu édité, c’est la première fois que l’on m’implique autant dans le développement, que l’on prend en compte mon avis pour les visuels. Lorsque je demandais si on pouvait avoir une couleur plutôt rouge pour telle salle afin d’éviter une confusion avec une autre, les modifications étaient faites. Philippe a lui aussi été d’une très grande patience avec toutes mes questions, propositions pour essayer de sortir le meilleur du jeu ! (et dans un anglais très approximatif de ma part !)

Je suis extrêmement fier de sortir mon jeu chez Z-man, éditeur qui avait sorti Pandémie, la boucle est bouclée ! Après une sortie avec quelques boîtes venues d’avion à la Gencon (Indianapolis, août 2015) ; le jeu est maintenant en boutique dans les mains de tous !
Maintenant, à vous de jouer !

F. F.

FICHE du JEU

PS : Tous les visuels que vous pouvez apercevoir sont la propriété des ayants droits… j’ai emprunté (pour utilisation personnelle), pas mal d’images de jeux vidéos comme “Dawn of War”. En prenant des images à partir d’un même univers l’ensemble respire l’harmonie visuelle; et c’est très important pour les joueurs et la qualité des tests.

4 « J'aime »

Très intéressant.

Manque plus qu'une TTTV pour le jeu maintenant ;)

Pourquoi le jeu est marqué comme Américain sur la fiche de jeu ?

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Merci Dahkon;

Pourquoi le jeu est marqué comme Américain sur la fiche de jeu ?

Parcequ'il l'est. Le jeu est édité par Zman; donc en version us. Les règles sont bien sûres en anglais et le peu de texte aussi sur les cartes. (il y a aussi des icônes qui doublent le texte sur les cartes).

Peut être à l'avenir une version française via Filo.

Mrf

1 « J'aime »

Bonjour,

Suis-je le seul à ne pas voir les images dans cet article ?

Suis-je le seul à ne pas voir les images dans cet article ?

slt

Perso je les ai sans souci, sous firefox classique.

Je pense vers un bloqueur de pub qui fait du zèle ?
mrf

humm le jeu que j'expliquerai à Essen

@Misterfourmi J'ai bien pensé au bloqueur de pubs mais sur plusieurs navigateurs (et plusieurs ordinateurs) j'ai le même souci, y compris avec ceux qui n'ont pas de bloqueurs de pubs justement :-(

De plus ça ne le fait pas sur d'autres articles. Bizarre.

Dans l'article, il est dit que le jeu est en boutique.

J'ai beau chercher, je ne trouve nulpart. Pourquoi ?

Merci

@Gaffophone, bah du coup je ne sais pas...

@ Tedrak, le jeu est américain, donc dans les boutiques us. En France, faudrait voir si certaines boutiques font de l'import, régulièrement ou pas etc... Par contre, je ne serai qu'aucune aide la dessus. Reste Essen ou ses mules. :)

Mrf

Merci Misterfourmi pour les infos

@Tedrak; google alert vient de m'informer que le jeu était dispo dans (au moins) une boutique en ligne fr; donc avec des frais de port classiques.