Starfighter, journal de l'auteur - 6

Starfighter, journal de l'auteur - 6

Ayant désormais à l’esprit une nouvelle méthode de travail : privilégier l’expérience de jeu, partir du résultat voulu et surtout travailler le jeu petit bout par petit bout en testant dès que possible toute modification, je me suis remis à la tâche dès mai 2009.

Je ne pouvais pas me permettre une nouvelle fois de viser l’échéance prochaine d’un salon ou d’un festival en proposant un jeu non abouti (ou en tout cas pas sur une bonne voie).

Alors que j’avais développé Modules War en quelques mois sans beaucoup de parties tests, je m’étais promis de ne plus commettre à nouveau cette erreur et de faire des phases de tests mon leitmotiv.

Heureusement, au cours de cette période, j’ai été très épaulé par deux personnes : Ludovic (joueur de jeux à l’allemande devant l’éternel) dont je vous ai déjà parlé dans l’épisode 4 et qui m’avait accompagné lors de la Gen-Con et surtout Cédric alias Limp sur Tric-Trac et Jedisjeux, qui est un très grand amateur de tout type de jeu.

Leur aide a fait avancer le jeu à pas de géants entre mai 2009 et avril 2010.

Adenium Conflict : le faux reboot thématique

Comme j’avais pu le faire à l’époque lors du passage entre Mekamorph et Modules War, il me fallait opter pour des changements radicaux.

Premier changement : un changement de nom. Je n’aimais pas Modules War et j’ai donc opté pour Adenium Conflict.

Qu’est ce que c’est que ce nom, me direz-vous ?

Aucune signification particulière sauf que cela sonnait bien à mon oreille et que le but des affrontements entre les joueurs devenait alors la possession de gisement d’Adenium, un minerai rare.

Mon pitch de l’époque :

Un nouveau métal, l’Adénium, vient d’être découvert. Surnommé le métal vivant, ses propriétés révolutionnent l’ingénierie spatiale. Composant essentiel des vaisseaux de nouvelle génération, il permet aux anciens modules spatiaux de fusionner afin de décupler leur puissance. Objet de toutes les convoitises, le conflit fait rage pour s’approprier cette richesse. Chaque joueur incarne le commandant d’un croiseur spatial à l’aube d’une gigantesque bataille qui ne prendra fin que par la destruction du croiseur adverse.

Première remarque de Limp sur le changement de nom :

l’Adénium, au final, on s’en fout un peu : on doit péter la gueule à l’autre

Bien résumé et en plus, il avait parfaitement raison. Le nouveau nom n’était pas du tout adapté.

Immobilisme, quand tu nous tiens

Commençons par ce qui fâche : tous les mécanismes qui n’ont pas bougé d’un poil à cette époque jusqu’en avril 2010

Il y avait à nouveau trois types de cartes : les modules, les opérations et les technologies qui avaient fait leur grand retour.

Toujours un gros problème de choix significatif en lien avec l’enjeu de jouer une carte ou de passer le premier lors de la phase de déploiement. J’y reviendrai un peu plus tard mais dans un jeu qui impose aux joueurs de passer à un moment donné, il faut une balance équilibrée, si possible, entre le coût de passer rapidement (le joueur qui passe fait moins d’actions et court le risque de voir le ou les autres joueurs faire des choses auxquelles il aurait aimé réagir) et le bénéfice à passer rapidement (jouer en premier plus tard ou gagner un avantage quelconque).

Dans mon jeu, passer le premier donnait juste l’avantage de choisir l’ordre de résolution des combats durant la phase de bataille suivante, ce qui n’était quasiment d’aucun intérêt en début de partie et restait un avantage très circonstancié à certaines phases de bataille. Un peu léger tout cela.

Surtout, rappelez-vous la capacité Interception qui hantait toujours le game text des modules. Cela rendait le choix de jouer une carte ou de passer encore moins tendu.

Ca bouge quand même un peu. Vraiment ?

L’auteur de jeu est tel le joueur de Poker de Texas Hold’Em qui a en main une paire d’As et un flop qui devient de plus en plus dangereux. Il lui est très difficile de jeter sa main alors que c’est souvent la meilleure décision à prendre.

Chaque mécanisme que j’ai dû enlever ou simplifier a été une décision très dure à prendre parce qu’on s’y accroche à son mécanisme qui nous paraît génial mais qui en réalité, ne fonctionne pas bien. Mais chaque fois que j’ai pris cette lourde décision, le jeu n’en a été que meilleur.

Premier sacrifié plutôt facilement : le mécanisme de la pile.

Voyons les autres points.

Comment une seule idée a réglé plusieurs problèmes ?

Premier problème : dès mon exposé sur le forum Tric-Trac, plusieurs personnes avaient pointé du doigt la problématique liée à l’absence de matérialisation des territoires. Ce point s’est confirmé ensuite pendant les parties.

Deuxième problème : après avoir abandonné l’idée d’une défaite à l’épuisement de la pioche, il me fallait trouver un nouvel objectif aux joueurs. Thématiquement, il semblait curieux que des modules même en métal vivant “poussent” à partir de nulle part. D’où l’idée qui est venu très vite de se dire que les modules “poussaient” à partir d’un vaisseau amiral et que l’objectif était désormais pour chaque joueur de détruire le vaisseau amiral adverse.

Troisième problème : mon mécanisme de catch-up un peu artificiel.

Inspiré par l’exemple de Spectromancer, j’ai eu l’idée de créer des plateaux de jeu représentant l’espace devant les vaisseaux amiraux divisés chacun en cinq territoires soit cinq colonnes.

Bénéfices :

  • Les territoires étaient matérialisés.
  • L’objectif de victoire consistait désormais à infliger deux points de dégâts sur chacune des cinq parties du vaisseau amiral adverse, située derrière chaque territoire (soit 2 X 5 dégâts à infliger).
  • En début de tour, chaque joueur piochait autant de cartes qu’il avait de territoires vides.

Le jeu me semblait avancer dans le bon sens.

Sur les traces de Race for the Galaxy

Comme je l’ai indiqué, en ce qui concerne le paiement du coût des cartes, le recours à des crédits me plaisait moyennement. Je sentais intuitivement qu’à l’instar de Race for the Galaxy, je devais me débrouiller uniquement avec des cartes pour payer d’autres cartes.

Mais j’avais une sacrée difficulté.

Dans Race for the Galaxy, pour schématiser, les joueurs ont en début de tour entre deux à huit cartes en main (en moyenne plutôt quatre ou cinq) et ne vont en jouer qu’une ou deux par tour.

Le ratio est donc d’une carte jouée pour deux à quatre cartes défaussées.

Avec un tel ratio appliqué à mon jeu, j’allais droit dans le mur. Le mécanisme de déclenchement des effets n’avait de sens qu’à partir du moment où il y avait en jeu un certain nombre de cartes. Il en était de même pour les combats.

Début d’un long cheminement qui a duré plusieurs mois (de juillet 2009 à avril 2010) pour gérer élégamment le paiement du coût des cartes et par ricochet le déploiement des modules.

Au lieu de défausser les cartes, j’ai décidé de les poser côté verso (soit le côté avec le logo Modules War) sur le plateau de jeu.

Une carte pouvait donc désormais être jouée côté recto en défaussant autant de cartes que son coût ou côté verso gratuitement.

Les cartes jouées côté verso représentaient alors un module “nu” sans tourelle laser et sans effet. Ces cartes se contentaient alors juste de pouvoir encaisser un point de dégâts.

Pour rappel, à l’époque, une carte module était détruite quand toutes ses tourelles laser avaient subi un point de dégâts et qu’elle encaissait encore un point de dégâts supplémentaire.

Ce petit point de dégâts supplémentaire a rendu nombre de parties très statiques à l’époque.

Cette idée a donc par la suite évolué. Un module côté verso possédait désormais une tourelle laser sur sa partie supérieure et une carte module était détruite lorsque toutes ses tourelles laser avaient subi un point de dégâts.

Evidemment, comme désormais, les joueurs pouvaient poser leurs cartes d’un côté ou l’autre, j’ai introduit un effet de retournement de cartes en jeu.

Avantage : il y avait maintenant un petit côté bluff à la pose de cartes côté verso, l’adversaire se demandant ce qu’une carte côté posée côté verso pouvait entraîner une fois retournée.

Inconvénient : le verso étant identique pour les trois types de cartes (modules, opérations et technologies), suite à un effet de retournement, on pouvait se retrouver à avoir sur le plateau à l’emplacement habituel d’un module une opération ou une technologie. Thématiquement, c’était bizarre.

Voilà pourtant ce que cela donnait dans les règles :

Un joueur qui retourne une carte n’a pas à payer le coût éventuel de cette carte. Si lorsqu’une carte en jeu est retournée, cela modifie son type, elle ne peut plus rester à l’endroit où elle se trouve.

Un module qui, retourné, devient une opération doit, soit être résolue immédiatement, comme si l’opération venait d’être lancée, soit être défaussée sans produire d’effet.

Un module qui, retourné, devient une technologie doit, soit être installée dans l’emplacement correspondant (le cas échéant sur une précédente technologie), soit être défaussée sans produire d’effet.

Une technologie qui, retournée, devient un module doit être déplacée dans un territoire, comme s’il venait d’être déployé.

Mécaniquement, ce n’était pas terrible non plus.

Cascade or not cascade

Côté déclenchement des effets, j’ai très rapidement arrêté les frais avec les événements déclencheurs. Beaucoup trop déséquilibré.

Mais je devais aller encore plus loin. Mon idée de départ d’effets en cascade ne fonctionnait pas, surtout depuis l’arrivée du mécanisme de cartes retournées.

Chaque partie finissait immanquablement par être dégénérée. Un joueur qui possédait au moins quatre ou cinq modules dans un territoire déclenchait chaque fois qu’il déployait un module supplémentaire une multitude d’effets.

En abandonnant ce mécanisme, j’empêchais le jeu de dégénérer mais surtout j’allais dans le sens d’une unique idée force originale pour le déclenchement des effets : dès qu’un effet devient visible, il se déclenche.

En gardant cela en tête et en suivant la logique qui en découle, un joueur peut intuitivement trouver tout seul les enchaînement de manipulations à effectuer pour déclencher un maximum d’effets. On retrouve alors la sensation d’effets en cascade sans les inconvénients.

Cela renforce la cohérence du jeu.

Autre avantage : il est toujours possible de jouer en allant au plus simple mais les joueurs qui maîtrisent le mieux le principe de déclenchement des effets s’ouvrent un panel de choix significatifs plus importants : prime au talent ou à l’expérience de jeu.

Si, si, ça bouge. Bien … ou bien !

Le jeu a tourné bien mieux avec les dernières évolutions.

Mais de nouveaux problèmes sont apparus avec de nouvelles solutions à trouver.

Les idées les plus simples sont parfois les meilleures

Le jeu était toujours trop statique et avait tendance à s’enliser. Un bon jeu doit avoir une courbe de montée de tension constante avec des pics de tension réguliers, ce qui maintient l’attention des joueurs dans la partie.

En l’état, la courbe n’était pas bonne, la faute revenant à ma nouvelle condition de victoire : infliger deux points de dégâts à chacune des cinq parties du vaisseau amiral adverse. Une fois une partie d’un vaisseau amiral totalement détruite, les modules adverses présents sur le territoire correspondant ne servent strictement plus à rien.

De plus, thématiquement, ce n’était pas très cohérent. Comment un gros vaisseau dont sa passerelle airait été totalement détruite ou qui serait totalement coupé en deux pourrait continuer à fonctionner ?

J’ai dû finalement abandonner cette idée (que j’aimais pourtant bien) et opter pour un système plus classique de points de vie (de blindage en l’occurrence) comme dans de nombreux jeux de cartes à collectionner. Lorsque le mécanisme le plus bateau et le moins original reste le seul adapté, il n’y a pas le choix.

Fini aussi le vaisseau amiral pour laisser place au croiseur.

Déploiement again

Le 28 février 2010, je fais jouer l’illustrateur de Modules War, Benjamin et son frère, Olivier. Première partie à laquelle je ne jouais pas depuis de longs mois.

Très rapidement, Olivier m’a fait remarquer que la moindre carte coûtait bien chère à jouer et qu’il était alors presque plus intéressant de déployer ses petits modules voire des modules côté verso à chaque fois sur un nouveau territoire plutôt que sur un unique territoire les uns sur les autres.

Difficile équilibre à trouver entre un déploiement horizontal peu coûteux mais intéressant en terme de dégâts et un déploiement vertical plus coûteux mais potentiellement plus dévastateur en terme de déclenchement d’effets.

Ainsi est venu le début de la bonne piste pour trouver une solution élégante au paiement du coût des cartes : le coût d’une carte, payé en défaussant des cartes de sa main, est réduit par les cartes déjà posées dans le territoire ou l’emplacement correspondant.

Pour déployer un module dans un territoire, un joueur devait donc défausser autant de cartes de sa main que le coût de ce module moins le nombre de module présent dans ce territoire. Ainsi, en règle générale, un joueur commençait par déployer gratuitement un module côté verso dans un territoire puis sur ce module des modules de plus en plus coûteux.

Pour installer une technologie, un joueur devait donc défausser autant de cartes de sa main que le coût de cette technologie moins le nombre de technologies déjà installé sur l’emplacement de son croiseur (les cartes technologies étaient posées les unes sur les autres, la dernière technologie jouée “écrasant” la précédente).

Les opérations restaient quand à elle toujours aussi coûteuses puisque sans possibilité de réduction de coût.

Les joueurs jouaient désormais la quasi-totalité de leur main à chaque tour sous réserve de bien réfléchir à l’ordre dans lequel jouer leurs cartes.

Au total, sur cette période, j’ai joué la majorité de mes parties avec Limp (merci encore à lui pour tout le temps consacré au jeu sur cette période).

La suite avec beaucoup plus d’images promis … le 6 avril

Episode 1 - Episode 2 - Episode 3 - Episode 4 - Episode 5

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Toujours aussi intéressant ! Vivement la suite !

On va être le six Juin, il y a deux mois de retard sur le next update :)