Si vous avez raté le début : //www.trictrac.net/actus/mare-nostrum-scene1-la-naissance
De l’avantage d’avoir des amis dans la vie… ou pour paraphraser JRR : the fellowship of mare nostrum !
Lorsque je dis que je croyais le jeu fini et que je me trompais, c’est que, sur le forum que nous avions à l’époque avec d’autres auteurs de jeux, le topic consacré à MN a très vite explosé. Beaucoup de joueurs partagent cet engouement pour cette période de l’histoire et nombre d’entre eux se sont retrouvés dans mon jeu. Ils ont apporté des contributions extrêmement riches et intéressantes : qui avait inventé des unités spéciales pour chacune des civilisations, qui avait développé un scénario à 2 pour jouer avec sa moitié, qui avait inventé un système de « modes » pour orienter la progression de sa civilisation : en mode paix, tous les développements coûtent moins cher et les unités militaires plus cher, et en mode guerre c’est l’inverse (évidemment il fallait repasser par le mode « normal » pour passer de l’un à l’autre…), etc. etc. etc. Et c’est sans parler de toutes les contributions « historiques », avis, précisions, conseils de lecture… Bref, ce qui était mon jeu était devenu un peu leur jeu ! Ça a été une période formidable et j’en garde un souvenir merveilleux !
Avec le partenariat de Jeux Descartes d’abord, puis d’Asmodée ensuite, j’ai pu organiser 3 ans de suite le championnat de France de Mare Nostrum. Le titre était une joke bien sûr, mais l’expérience a été très riche car elle a permis de pousser le jeu très loin dans ses options stratégiques. Les joueurs qui s’inscrivaient, étaient forcément des spécialistes, qui maîtrisaient toutes les astuces, et on a vu apparaître des façons de jouer innovantes, voire complètement improbables, mais terriblement efficaces.
Et puis, il y a un avantage énorme à ce qu’un jeu soit pratiqué en tournoi ou en plate-forme on-line : on dispose d’un nombre de parties suffisant pour qu’une lecture statistique soit fiable. Soit dit en passant, c’est une des difficultés majeures des tests : une partie est toujours forcément « contextuelle » et ce qui s’est passé un soir avec ces joueurs là, ne se reproduira pas forcément demain avec d’autres joueurs…
En bref, sur un nombre important de parties avec des joueurs chevronnés, le jeu a montré ses richesses mais aussi ses limites et ses défauts ! Les 2 failles les plus importantes étant : la faiblesse du grec et l’éventualité que certaines parties ne « s’enlisent » dans une guerre des tranchées dont personne ne puisse émerger.
D’une certaine façon, l’extension mythologique a permis de corriger le déséquilibre des civilisations en donnant au grec une possibilité d’intercepter les flottes qui convoient des armées sur ses territoires. En revanche pour le risque de partie qui s’éternise, l’extension n’est pas allée suffisamment loin pour radicalement éradiquer ce risque.
Je suis donc un peu « resté sur ma faim » en attendant une opportunité de réédition… Du temps a passé… Des fausses bonnes nouvelles se sont succédées… et puis un jour… ta dan ! Bruno Cathala ayant encore une fois joué à merveille son rôle d’entremetteur… Asyncron s’est déclaré intéressé pour ressortir le jeu !
Petite anecdote en passant : Bruno, qui est un fan du jeu et qui m’a toujours accompagné sur ce coup là, m’a tanné pendant des années pour que je fasse un jeu plus light, basé uniquement sur le système de commerce. Comme je ne peux rien refuser à Bruno - même pas une tartiflette à 3 heures du mat! - Mondus Novus a vu le jour !
De l’histoire d’une réédition qui est en fait une seconde naissance :
D’emblée, l’approche d’Asyncron m’a plu :
Ils venaient de bosser sur Fief et souhaitaient inscrire le travail éditorial sur MN dans la même veine. Ce qui ne pouvait que me mettre en confiance, tant la refonte qu’ils avaient fait de Fief était convaincante. Ce jeu avait fait partie des « classiques » de mes débuts et restait pour moi une référence dans le monde du jeu.
Ils avaient clairement l’intention de mettre en avant le background historique, ce qui me paraît essentiel dans ce type de jeu.
Ils souhaitaient véritablement « refaire » Mare Nostrum, pas seulement se contenter de rééditer l’ancien. C’est sans doute cette approche qui m’a convaincu qu’ils étaient la bonne team pour ce boulot là.
Cerise sur le gâteau, dès les premières parties, toute l’équipe d’Asyncron a accroché au jeu et s’est complètement investie dans ce projet : participation au développement du jeu, création d’une plate-forme on-line pour tester tous les mardis soirs (en 1 an de travail, il n’y a pas eu beaucoup de mardis de manqués… et au cours de ces soirées, on a souvent entendu cette phrase magique : « je ne joue pas pour gagner, je teste ! »
Pour finir, Bruno, avec qui j’avais déjà beaucoup échangé sur ce que pourrait être un second Mare Nostrum, a généreusement accepté de venir me rejoindre sur l’élaboration de l’extension de ce 2ème opus.
Bref, tous les feux étaient au vert pour s’attaquer au boulot. Y avait plus qu’à.
Mais bon, par où commencer ? Que retoucher ? Que laisser tel quel ? Car bien sûr si ce 2ème MN devait tenir ses promesses, il fallait aussi que les aficionados de la 1ère version ne soient pas déçus en ne retrouvant pas le jeu qu’ils avaient aimé quelques années plus tôt…
Je crois que nous avons vraiment pris la bonne voie quand nous avons décidé de lister les ingrédients qui avaient fait le succès du 1er MN et de recréer un nouvel équilibre sur cette base en ne s’interdisant ni nouveaux mécanismes, ni suppression d’anciens qui n’avaient pas fait leurs preuves. C’est comme ça qu’on se retrouve par exemple avec un leader grec qui a un bonus de +2 par légion en défense et plus du tout un pouvoir maritime. Ou, autre exemple, que l’on a aujourd’hui 4 conditions de victoire très différentes les unes des autres, et qui ne jouent pas du tout sur les mêmes aspects du jeu. J’ai fait une liste précise de toutes les modifications/différences entre les 2 jeux, en indiquant chaque fois pourquoi et comment c’est venu (cette liste fera l’objet du 3ème volet de cet article-feuilleton !!!)
Évidemment, ce fut un travail long et délicat car un gros jeu est un peu comme un mécanisme d’horlogerie : si vous touchez à un rouage, vous induisez fatalement des distorsions ailleurs, des effets secondaires non désirés qui vous pourrissent complètement votre « bonne » idée de départ. Au final, il a fallu rééquilibrer complètement l’ensemble et parfois retoucher certaines régions en modifiant leurs ressources ou même parfois en en réunissant certaines.
Une idée qui nous a enlevé une sacré épine du pied par rapport à l’équilibre du jeu, a été incontestablement d’ajouter aux pouvoirs des H&M, des bonus pour les titres. Cela nous a permis de proposer des « petits » pouvoirs sympas et malins, et de les rendre aussi rentables que les autres grâce aux bonus pour l’obtention des titres. Dans la 1ère version je ne m’étais pas inquiété plus que cela de leur inégalité arguant du fait que la course aux H&M faisait partie du jeu et que la prime au 1er qui réunit une combo pour les obtenir (due au choix que cela permet) est somme toute assez logique. Ce raisonnement a montré ses limites car les pouvoirs des H&M sont en général associés à une (ou 2) stratégie(s) et le fait de devoir prendre celui qui est le plus puissant, plutôt que celui qui collera parfaitement à votre façon de jouer pour gagner, était néfaste à l’intérêt du jeu.
L’autre avantage qui nous a considérablement facilité la vie, est d’avoir conçu l’extension dans la foulée du jeu de base. Cela permet une beaucoup plus grande cohérence car les éléments de l’extension ne viennent pas « contredire » des règles ou interférer de façon inappropriée avec des pouvoirs initiaux : dès le départ, leur place est prévue et vient s’inscrire harmonieusement dans l’ensemble.
L’idée forte de l’extension, est d’être conçue en 3 modules qui correspondent chacun à une phase du jeu et aussi à une cité légendaire. Cela donne une vrai cohérence à l’ensemble. Ce résultat n’aurait sans doute pas été possible sans le travail collaboratif avec toute l’équipe d’Asyncron d’une part, et le cerveau brillant de mon compère et ami d’autre part !
A tous ceux qui ont encore l’envie d’en savoir plus, je donne rdv pour le 3ème volet de cet article, beaucoup plus technique et moins narratif. Il liste les modifications/différences entre les 2 jeux !