interview de nicholas bodart

Le monde du jeu de société c’est des surprises, un fourmillement constant, des idées qui fusent et des jeux qui voient le jour. Et dans toutes ces agitations, il y a des jeux qui arrivent à sortir du lot en proposant des expériences innovantes. Il en est de même pour les sociétés, qui naissent et parfois meurent, en ayant qu’un seul objectif : nous divertir. C’est donc dans cette ambiance que j’ai rencontré Nicholas Bodart, lors de Paris est Ludique, le créateur de MushrooM Games, et éditeur de Time Masters, et que je vous ai rapporté cette interview.

Ou Peux-tu nous dire comment tu es devenu un féru de jeux de société, quel est ton parcours ludique ?

Je suis enfant unique (ok tout le monde sait que je suis unique, mais bon) et donc, il était difficile pour moi de jouer avec quelqu’un.

Plus tard, avec l’âge et le peu de temps que j’avais, j’ai découvert les jeux de sociétés «moderne». Cela ne fait que 3-5 ans que je joue. Et encore, une fois par mois. Puis dernièrement, un peu moins de deux ans, j’ai eu pas mal de temps libre le soir et je me suis mis à jouer de plus ne plus, quasi tous les soirs. Ce qui m’a permit de refaire ma «ludothèque interne».

En gros, j’ai commencé (outre les Monopoly et autres) par Magic, au tout début de sa sortie en français. Puis au niveau jds, Stone Age, Saint-Petersburg, Shogun, Dominion, …

Quand t’est venue l’idée de créer les éditions MushrooM Games?

Pierrot (Pierre-Emmanuel Legrain) m’a montré un jeu. Un bête jeu auquel je perdais et que je n’aimais pas trop. Par contre, je reconnaissais qu’il avait quelque chose dans ce jeu. Un goût d’y revient-y.

Lors d’un moment de changement privé et de bouleversement émotionnel, vers décembre 2011, Il m’annonce que cela lui «botterait » bien d’éditer le jeu. Jeu qui s’appelait déjà Time Masters. Deux semaines plus tard, je le relance en lui demandant s’il était sérieux. Et du coup, sur un «Chiche», nous nous sommes lancés dans l’aventure.

Il se fait que d’entré de jeu, j’ai voulu mettre une structure sur ce que nous allions entreprendre. Le format de la société et quelle direction je voulais qu’elle prenne.

Quels sont les projets des éditions MushrooM Games et sa ligne éditoriale ?

La seule ligne éditoriale que j’ai est la suivante : «Éditer de beaux jeux malins qui me plaisent ». Il faut toujours garder en mémoire qu’avec une équipe de 2 personnes, vous êtes amené à défendre le projet, le jeu, un nombre incalculable de fois. Et de faire des centaines de parties. C’est pourquoi le jeu doit en priorité me plaire.

Pour la suite, le prochain jeu sera Kumo Hogosha. Un jeu de Patrick Gere et Nicolas Pirard.

Comment as-tu rencontré Patrick Gere, pour le jeu Kumo Hogasha, et qu’est-ce qui t’a fait flasher dessus ?

Patrick est mon voisin. En outre, nous nous sommes vus lors d’une soirée jeu ou d’un festival, je ne me rappelle plus. Ah si en faite ! Il va y avoir deux ans, il présentait Kumo à Louvain-la-Neuve, lors d’un festival de jeu. Et j’ai flash sur leur stand et leur jeu. Pour un proto, c’était déjà très professionnel.

Par la suite, nous nous sommes croisés à plusieurs reprises et nous avons discuté. J’ai longuement expliqué le financement participatif, le boulot d’édition que je découvrais et ce que cela impliquait. Ils voulaient partir avec moi dans l’aventure et j’ai freiné des 4 fers, car j’étais dans Time Masters à fond et je voulais d’abord réussir ce projet avant de passer au suivant.

Puis ils ont pris des contacts avec différents éditeurs, mais ils se rendaient bien compte que notre façon de faire, notre spécificité, notre rapprochement géographique, le choix de l’illustrateur, correspondaient à ce qu’ils voulaient.

Enfin, dernièrement, la chose fût entendue, et nous sommes actuellement dans les pourparlers de contrat. Je pense que nous allons encore vivre une belle aventure ensemble.

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Votre prochain jeu sera-t-il Kickstarté comme ce fut le cas pour Time Masters ?

Il y a de fortes chances. Par contre, au niveau de la date de démarrage du KS, je pense que je devrais le post posé par rapport à ce que je voulais et il débutera probablement au second trimestre 2015. Mais cela n’est pas encore sûr.

Le KS est une option. Une autre est de refaire un Ulule. Mais dans le cas de Kumo, il serait plus malin de faire un KS, car nous n’avons pas de langue au niveau du jeu proprement parlé. Et donc, nous pouvons toucher plus de monde en faisant un KS.

Le choix d’un crowdfunding vient du fait que je n’ai pas assez de cashflow pour démarrer un jeu. Si tout va bien, avec Time Masters, nous serons en léger déficit ou à l’équilibre. Le surplus de fonds que nous avons reçus nous a permis de faire un tirage en anglais (qui servira de publicité, entre autres et d’installer le visuel de MushrooM.

S’il devait y avoir un retirage de la version française de time Masters, alors, nous commencerions à «gagner» de l’argent et assoir les finances de MushrooM Games.

Comment est né Time Masters ?

Dans le cerveau malade de Pierrot. Un matin, il se lève, prend une feuille de papier et écrit pendant une heure. Le jeu était fait à 80%.

C’est cela le coup de … je ne dirais pas génie. Mais tout de même.

Il faut savoir que Pierrot nous sort énormément de mécaniques. Et Time Masters est la première sur laquelle il voulait travailler et aboutir.

Comment as-tu vécu le financement de Times Masters, car il est connu que c’est quelque chose d’éprouvant qui demande une implication très forte ?

C’est une vaste question là.

Et bien, nous voulions tout d’abord démarrer le financement vers la fin juin, pour avoir les boîtes pour Essen. Mais pour diverses raisons, nous n’étions pas prêts et donc, nous avons post-posé cela vers octobre. En outre, comme je crois aux signes et au destin, j’ai voulu démarrer la campagne une semaine avant Essen 2013. Et il se fait que cela coïncidait avec le Ulule tour. Ce qui m’a permis de rencontrer les gens d’Ulule. Et de poser pas mal de questions.

Le lundi nous démarrons la campagne et je demande à un ami, PG (Pierre-Gilles), de venir nous donner des explications sur le financement. Nous sommes mardi soir, il est 21h et cela fait déjà une heure que PG parle. Au plus, il avançait dans ces explications, au plus je comprenais à quel point nous n’étions pas prêts. À quel point nous étions à côté de la plaque au niveau ergonomie de la campagne, que des bonus intermédiaires et des bonus de dépassement.

Après deux verres de Whisky et 1heure du matin, Pg accepte de nous aider pour cette campagne. Aider au moins à la démarrer correctement.

Il nous fait plein de banners, retravaille la structure de la page, …

À ce moment-là, je voulais travailler avec lui. J’ai de suite senti que c’est qqn comme cela qu’il me fallait dans l’équipe.

OFF : en plus avec Pierrot, les premiers signes de la dissociation étaient déjà là. À chaque demande de ma part, il n’avait jamais le temps. Il n’a jamais compris le timing.

Un choix de la part de Pierrot sur BGA, dès le début (toujours ce même mardi) nous a entrainé dans une spirale de critiques négatives et mit un gros frein au démarrage de la campagne. En faite, je voulais que BGA démarre en même temps que la campagne. Pierrot voulait lui un set-up de jeu pour débutant. Set-up complètement déséquilibré, mais qui permettait aux joueurs de découvrir le jeu. Or, je ne voulais pas, prétextant que les gens n’allaient pas changer de mode.

Et j’avais raison. Nous sommes lundi, je suis dans un lit dans une chambre d’hôte à Paris après une longue journée éprouvante de coaching, il est deux heures du matin et j’écris sur tous les forums, un post pour m’excuser et clarifier la situation. Mais le mal était fait.

C’est là où l’idée me vint de retourner cela à mon avantage, en communiquant sur le fait que le jeu pouvait encore être mieux équilibré. Et utiliser BGA à cet effet.

S’en suivit dès lors un rapport étroit avec le créateur du jeu sur BGA : Pierre Scelles et les joueurs. Ce premier travaillant pendant la nuit, je restais tous les jours jusque 4h-5h du matin sur mon clavier a régler le jeu et à faire des parties.

En outre, il est récemment papa pour la première fois et donc, d’une main le bébé et de l’autre le codage.

L’autre point marquant de notre campagne est la sympathie que nos avons eu de la part de Jedisjeux, TricTrac, BGA, Proxi-jeux, Vind’jeu, … les citer sera trop long. Mais une page pleine dans la revue Lotus Noir ! Partout, on ne pouvait que nous voir. Cela nous a vraiment servi.

Un autre point est Manouche ou Manu, selon, un troll. Un Méga Troll.

Ce gaillard à tout d’abord débarqué, dès le début (dans l’ambiance citée précédemment) sur TricTrac. Ces commentaires, purement subjectifs, faisaient mouches auprès de la communauté et nos ventes diminuaient comme neige au soleil, laissant des critiques parfois acerbes. Cela dit, revenant toujours à la charge, il me donna de l’eau au moulin et il nous permit de rester toujours dans le top des sites. Mais un jour, un mardi (oui encore un mardi - heureusement qu’il n’y en a pas eu tant que cela), j’étais à l’Outpost lorsque je reçus un message me demandant de faire attention et de calmer le jeu de ce Manouche. En effet, ce dernier avait complètement pété les plombs, allant jusqu’à m’insulter publiquement. Vers deux heures du matin, j’envoyais un email à Mops, le modérateur, qui fit son boulot… de modération. Le lendemain, mercredi, j’étais sur BGA, jouant avec un Italien. Durant la partie, un certain Manuel, vint déverser tout un flot de mensonges et exprimant très clairement qu’il ferait tout ce qu’il pouvait pour que le jeu n’obtienne pas le financement. Le soir venu, après avoir averti Gregory, le patron de BGA, ce dernier m’envoya un email me signalant que ce bonhomme (infirmier de son état) était banni pour 1 mois de BGA. OUF ! … Que non, jeudi, le lendemain, c’est sur Jedisjeux que la course poursuite, et il ‘agit bien d’une course poursuite, puisque les patrons de Jedisjeux ont traqué jusque 3h du matin ce Manouche qui revint avec 40 pseudo et email différent !! 40 ! Il est fou ce type. Malheureusement pour moi, il y a toujours un lendemain. Cela fait un peu «Un jour sans fin» ! lol Et donc le lendemain, c’est sur Geeklette qu’il mit un message, en passant par Ulule. Même explication et même topo : bannissement.

Suite à cela, et en l’espace de quelques heures, grâce à une petite communauté, les chiffres ont repris à la hausse. 10% de financement !

Autre dégât collatéral de cela fût la distance ente Pierrot et moi au niveau de la campagne. À la base, je ne m’occupais pas des forums. Uniquement des sites internet genre FB, mais pas les forums. Ayant très mal vécu quelques remarques de Manouche, Pierrot a décidé de ne plus aller sur les forums et donc, cette charge supplémentaire m’incombait.

Seras-tu présent à Essen en octobre, et quels ont les prochains salons ou l’on pourra découvrir Time Masters et vos futurs titres ?

Oui, nous serons présents à Essen avec une version française et anglaise de Time Masters ainsi que Kumo Hogosha en démonstration.

Nous essayons de faire tous les salons principaux et nous informons cela sur notre page Facebook. Il y a donc Cannes, Épinal, Ludinord, Toulouse, PEL, BGF et Essen. Il n’est pas impossible que nous allions également en Angleterre faire la promotion de Time Masters.

Quels sont tes jeux préférés, du moment ou en général ?

Je n’en ai pas. Du Classique Purto Rico en passant par Ground Floor, avec Pandémie (un best pour moi), Dominion, Dixit, Suburbia, 7W, Origine, …

Il y a des cartes spéciales avec Monsieur Phal et Docteur Mops dans Time Masters, peut-on espérer voir de telles cartes avec les 1D Ludiques dans une prochaine édition ou jeu ?

Pas vraiment. Je m’explique. Ces cartes ont été fabriquées essentiellement pour remercier TricTrac. En outre, elles ne seront disponibles que sur leur site. Attention, je ne dis pas qu’il sera impossible de les avoir autrement. Mais vraiment très très rarement.

Nous avons également encore 3 autres cartes bonus. Deux d’un concours que nous avions lancé durant la campagne et une autre qui est notre carte de visite.

Ces 5 cartes différentes ont été données aux pledgers de notre financement. Et comme je l’ai toujours annoncé, elles ne seront que partiellement distribuées en goodies. Je veux garder de l’exclusivité au pledgers.

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes auteurs qui voudraient présenter leurs créations à des éditeurs, tel que toi ?

Un seul : soyez concis, logique et préparer votre discourt de vente.

Je vais te donner quelques exemples :

Je reçois un email, sans ponctuation (ou presque) quelques lignes, terminant par : est-ce que mon jeu vous intéresse ?

Ma réaction à cela est : va apprendre à écrire (et je ne parle pas de faute d’orthographe, mais de syntaxe et de logique).

Un garçon me demande si j’ai quelques minutes pour lui présenter un jeu. Je lui dis que je suis pas mal pressé, mais que je veux bien faire l’effort de prendre quelques minutes pour lui. Nous nous asseyons et là il comme par me dire qu’il a trois jeux. Déjà cela m’agace, car le deal était sur 1 jeu.

Bref, il déballe le premier jeu et me donne ma «fiche de perso». Et commence par cette phrase : «Alors, ici le bateau machin c’est pour, … et celui-là c’est pour, …».

Je l’arrête tout de suite : «Je t’arrête tout de suite, car la première chose à faire est décrire ton jeu par genre, âge, nombre de personnes, durée, thème. Pour ce dernier tu as 10 secondes. Pour l’explication du jeu, tu as 30 secondes. En gros, je t’accorde 1 minute pour me vendre ton jeu, pour que tu me fasses rêver.»

Si un auteur ne sait pas donner du rêve en 1 minute, s’il ne sait pas décrire son jeu en 1 minute, alors, l’éditeur, moi en tout cas, je vais décrocher.

Je suis sévère, je le sais. Je viens du monde de l’industrie et j’ai appris que nous avons 5 secondes pour plaire et 1 minute d’écoute active. Si l’accroche ne se fait pas, il faut laisser tomber. L’accroche peut déboucher sur 1 heure de rendez-vous voir plus. Mais elle doit être rapide.

Prends des jeux que tu as que tu connais et regarde si tu peux l’expliquer en 1 minute. Et fais le travail de diminuer ce timing à 30 secondes. C’est super dure, car la plupart des gens s’enlisent dans les détails.

Par exemple Agricola, Terra Mystica, Maîtres Couturiers, …

C’est exactement la même chose lors d’une explication de règle. Un Eclipse peut s’expliquer en 10 minutes ou en 60 minutes (c’est du vécu !).

Si vous désirez tout savoir sur ses travaux, je vous invite à visiter son blog.

Retrouvez d’autres interviews sur le blog Les 1D Ludiques

4 « J'aime »

Je suis surpris de la "gestion" de ce Manouche car au vue de ses propos, c'est récupération de son IP par les modérateurs et dépot de plainte dans la foulée. Et généralement ils font moins le malin apres le passage des flics.

Pas compris l'intéret qu'avait ce Manouche à agir ainsi.

Sinon, bonne interview, j'ai bien aimé le dernier passage sur la présentation d'un jeu.

Chouette l'article, il est quand même sympa notre futur éditeur ;)

Si vous voulez en savoir plus sur Kumo-Hogosha le prochain jeu de Mushroom Games, nous avons un site:

www.lesaventuresludiques.com

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Vous pouvez également rejoindre Mushroom Games sur Facebook

https://www.facebook.com/MushroomGames

Intéressant. C'est très concret, ça montre bien que le relationnel est très important, mais que derrière, les bonnes vieilles recettes de vendeurs sont primordiales. Merci pour cette franchise.

Seulement 2 verres entre 9h et 1h du mat. On voit que la météo belge ne déshydrate pas vite... :)

Bonne chance pour la suite !

Parce que le jeu était mauvais… j’ai simplement dit cela… et ces messieurs l’ont mal pris…

Plainte pour?
Dire qu’un jeu est mauvais? Ah ah…