conseils pour bien équilibrer son jeu

S’il y a bien un point crucial à ne pas négliger dans la création ludique c’est bien l’équilibrage. Il demande des efforts considérables et pourtant, une fois le jeu terminé les joueurs n’auront jamais l’occasion de voir ces derniers pourtant sans lui le jeu serait injouable. Voici donc un exercice très difficile et pourtant primordial. Pour bien équilibrer un jeu, il faut donc penser aux avantages qu’auront chaque joueur face au jeu ou entre eux. Et donc, prendre garde aux divers déséquilibres que recèlent les règles. Cette condition est encore plus complexe à gérer si dans le jeu tous les joueurs ne disposent pas des mêmes rôles ou pouvoirs. Un déséquilibre dans les règles et le jeu est buggé voir pire il devient injouable !

Voici alors quelques conseils ou du moins pistes pour réussir à mieux comprendre comment fonctionne l’équilibrage et comment l’optimiser.

Qu’est ce que l’équilibrage ?

L’équilibrage c’est cette frontière délicate, presque indomptable, où chaque joueur dispose d’un pouvoir équivalent sur le jeu, même si celui-ci offre diverses possibilités. Un jeu équilibré c’est un jeu où il n’existe pas de combo dévastateur pouvant faire gagner instantanément un joueur. Pour faire simple sans un bon équilibrage certain jeu ne pourrait même pas exister je pense notamment à Magic l’assemblée, sans équilibrage ce jeu serait injouable. Je vous laisse donc imaginer le temps passé sur le jeu pour que chaque combo, et même chaque carte, s’imbrique parfaitement avec une ou des autres, sans trop avantager un joueur, tout en laissant la possibilité que ce dernier soit récompensé lorsqu’il découvre un très bon combo. C’est un travail colossal, surtout lorsque l’on sait que chaque nouvelle extension doit s’adapter aux précédents et doit donc rester jouable. Un travail de titan je vous dis. Il arrive pourtant que certaines cartes soient interdites au fil du temps, car on découvre plus tard que combinées à d’autres elles sont imbattable.

Bref, nous allons voir comment réussir ou du moins avoir les bases pour réussir l’équilibrage de son jeu. Un jeu équilibré est donc un jeu qui propose plusieurs stratégies différentes, un nombre assez conséquent pour que le jeu reste intéressant. Des jeux limités offrant peu de stratégies, finissent par lasser, un suffit de comprendre le truc pour s’en désintéresser immédiatement, un peu comme un tour de magie dont on connait le truc. Mais si le jeu propose diverses stratégies, avec des configurations de base identiques ou différentes pour chaque joueur, si ces stratégies ne proposent pas d’équilibrer les forces en présence, le jeu devient déséquilibré.

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Kamisado, un jeu où chaque joueur dispose des mêmes pièces

Asymétrique ou symétrique ?

On différencie alors les jeux de cette manière, ils sont symétriques ou asymétriques. Mais même dans un jeu comme les échecs qui peuvent sembler symétrique, car les joueurs possèdent le même nombre de pièces ayant les mêmes caractéristiques, le jeu n’est pas parfaitement symétrique, car un joueur joue avant l’autre (les blancs) il possède donc plus de stratégies possibles. Faudrait-il alors jouer en même temps, cela pourrait être une solution, mais ça serait je pense vite le bazar. Sauf dans un exemple simplifié comme le shifumi, où chaque joueur dispose des mêmes coups disponibles, ayant les mêmes forces. Le jeu se jouant simultanément il n’y a donc pas de différence notable. Même s’il existe des championnats pour ce jeu et qu’il s’est avéré qu’il existait une stratégie payante.

Un contrario un jeu asymétrique sera un jeu où chaque joueur dispose de personnages différents avec des caractéristiques qui lui sont propres ou des objectifs différents.

Le point important pour les joueurs lorsqu’ils jouent est donc de bien connaitre les différents coups disponibles pour ainsi pouvoir parer à toute éventualité. C’est pour cela que les différents jeux vous proposent souvent de nombreux choix à chaque tour. Car si les joueurs ne disposaient que d’une seule solution ou choix à chaque tour il se lasserait vite, car il serait très aisé de créer des stratégies imparables et surtout le jeu serait sans surprise. Or un jeu sans surprise n’est pas un bon jeu. C’est un jeu ennuyeux. Il faut donc que le joueur dispose d’un certain nombre de choix, parmi lesquels il pourra choisir celle qui préfère, ainsi il pourra établir une stratégie. De son côté, son adversaire pourra essayer de prévoir cette stratégie, afin de proposer un contre, au tour alors du premier joueur de penser à ce contre pour l’éviter ou en jouer. C’est ainsi que l’on créé des rapports entre les joueurs, et que l’on donne de la profondeur à un jeu. En proposant différents choix, vous permettez aux joueurs de disposer de plusieurs solutions et donc de créer de la surprise. C’est donc en réalisant l’apprentissage de ces séquences que l’on peut établir différentes stratégies.

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Samllworld, un jeu proposant des peuples aux pouvoirs différents

Stratégie optimale

On se trouve alors devant des jeux à informations incomplètes. On dispose bien de l’ensemble des informations qui constituent ce jeu mais on ne sait pas tout, notre information est donc incomplète. Un exemple Divinare ou Magic Cooking où certaines cartes sont mises de côté au début du jeu. Un jeu à informations incomplètes est donc un jeu où le joueur possède une information connue de lui seul comme une main par exemple ou un objectif secret. Si le jeu dispose d’un nombre de coups qui devient décroissant (par exemple un jeu de cartes avec une pioche limitée), le jeu tend alors, au fil des tours, vers la complémentarité des informations, et donc l’accomplissement des informations. De nombreux joueurs utilisent cette particularité en « comptant » les cartes déjà jouées, en tentant de les mémoriser, afin de savoir quelles cartes il reste à jouer. Cela peut rendre le jeu très stratégique. Or pour le créateur (ou créatrice) que vous êtes, cela peut bloquer le jeu, un moyen de contrer cela, garder quelques cartes cachées au début de la partie comme dans les deux exemples cités au dessus.

On parle parfois de stratégie optimale, c’est le but vers lequel tendent les joueurs lorsqu’ils jouent et expérimentent plusieurs stratégies différentes. Or cela peut être dévastateur lorsque celle-ci est connue de tous. Un exemple simple, au morpion tous les joueurs savent que le meilleur coup consiste à jouer au centre, or une fois que l’on sait cela le jeu n’a plus d’intérêt. Il faut donc offrir aux joueurs différentes stratégies, mais aucune qui ne soit optimale ou plus intéressante qu’une autre, afin d’équilibrer le jeu.

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Puissance 4, un jeu qui possède une stratégie optimale: jouer au centre

Mieux équilibrer le jeu

Le fait donc de descendre le nombre de stratégies, ou bien de simplifier le jeu, est donc parfois une mauvaise chose, car cela lui retire de la profondeur, certes ainsi le jeu devient plus accessible, mais c’est au final descendre artificiellement la difficulté tout en le privant peut-être de bons éléments. Attention toute fois à ne pas faire le fait inverse, et donc proposer trop de stratégies ou d’offrir de liberté, car cela aura pour effet de prendre le joueur. Comme dit l’adage « un bon jeu est un jeu ou l’on ne peut plus rien retirer ».

Le mot équilibre sous-entend un principe très simple, le jeu ne doit pas posséder de trop gros écarts, dans un sens ou un autre. Il ne doit donc pas proposer des actions ou cartes, ou pouvoirs trop puissants, plombant le jeu, ni inversement proposer des actions trop limitées ou sans intérêt. Si les actions n’ont aucun effet sur le jeu, on ne créera pas de surprise et les joueurs se désintéresseront de celui-ci.

Dans un jeu où chacun dispose des mêmes pièces, l’équilibrage sera plus simple, il se concentrera essentiellement sur les mécaniques, la fluidité et la clarté. Tandis qu’avec un jeu proposant différentes pièces ou rôles, l’équilibre sera plus délicat, car il faudra que les interactions entre les joueurs fonctionnent et qu’aucun ne soit affublé de pouvoirs trop importants. Cet équilibrage doit donc passer par l’ajout ou le retrait de certains éléments, afin de gagner en fluidité ou clarté.

Panthéon et ses dieux aux pouvoirs et aux coûts différents

Les rôles et les fonctions

Tous ces exemples fonctionnent avec un jeu de confrontation où chaque joueur dispose de pièces (différentes ou non), mais avec un jeu de hasard l’équilibrage se situe à un autre niveau. Je suis sur un jeu de pli avec mon fils en ce moment, et justement l’équilibrage pose quelques soucis, ici les joueurs reçoivent des cartes au hasard et doivent réussir à faire le maximum de pli. L’équilibrage se trouve donc au niveau du nombre de cartes, des chiffres présents dessus et surtout sur les règles : quelles sont les conditions de victoire ? Combien de tours ? Quelles restrictions dois-je ajouter sans rendre le jeu trop difficile, trop simple ou tout simplement trop bancal ? Ici ce ne sont pas les pouvoirs des joueurs qui faut équilibrer mais les règles et le jeu lui-même. Et il n’y qu’une seule règle pour y parvenir : faire des tests et encore des tests ! Un jeu trop simple n’offrant que peu de challenge sera trop ennuyeux, surtout si celui-ci donne l’impression qu’aucun joueur ne peut se démarquer ou être récompensé lorsqu’il joue un bon coup. Dans l’autre sens un jeu où le but à atteindre semble trop éloigné passera pour trop difficile, le challenge peut être un bon moteur, mais celui-ci doit être bien dosé et surtout ne peut pas être appliqué à tous les publics.

Autre exemple où l’équilibrage se situe plus sur le jeu qu’entre les mains des joueurs. Un pion plus puissant que les autres doit posséder des conditions d’utilisation plus rudes que les autres ou bien être contré par un pion de bas niveau, sinon celui-ci devient trop fort et sera joué par tous les joueurs ce qui rendra le jeu inintéressant. Cela peut également se traduire par un coût d’utilisation de cette pièce qui soit élevé. Mais inversement, le fait de devoir payer plus cher pour une action doit aussi rapporter plus.

Dans la création d’un jeu un autre souci peut pointer le bout de son nez : le rôle du premier joueur. Dans les jeux de pose ou de majorité, le fait de jouer en premier avantage souvent, il faut donc trouver une solution à ce problème, sinon les joueurs suivants auront l’impression d’être lésés et surtout de n’avoir aucune chance face à leur adversaire. Au jeu de Go, le premier joueur part parfois avec un handicap, en posant plusieurs pierres sur les Hoshi, ici cette particularité sert surtout pour équilibrer les niveaux des joueurs. Il est donc question des joueurs directement et non des règles, ici jouer en premier n’aura pas une réelle incidence sur le jeu.

Love Letter, des cartes avec des pouvoirs, seul le tirage importe

Dans le cas où les joueurs auraient exactement les mêmes chances (pièces, tours de jeu, etc.), donc un jeu symétrique, la seule chose pouvait faire basculer la balance d’un côté ou d’un autre serait alors la chance. Or celle-ci est souvent mal aimé des joueurs et jugée comme injuste, il faut donc l’utiliser avec parcimonie et à bon escient. Si les joueurs pensent que le hasard gère le jeu, celui-ci aura de nombreuses chances d’être peu apprécié, surtout si de prime abord celui-ci ne semble pas n’être qu’un pur jeu de hasard comme les jeux de dés. Risk par exemple souffre de ce défaut (même s’il est prouvé que les attaquants ont plus de chances que les défenseurs).

L’équilibrage est donc primordial pour un jeu, pourtant celui-ci n’est pas simple à mettre en place, entre pouvoirs, tour de jeu et chance les écueils sont nombreux et les possibilités également.

Cet article était une sorte d’entrée en matière tant le sujet est vaste et complexe, dans un prochain article j’essaierais d’entrer plus dans le vif du sujet avec des exemples plus complets, afin de ne pas faire qu’évoquer le sujet, mais de vous donner quelques pistes plus tangibles.

Merci à Bruno Mermet pour ses explications sur les jeux à informations incomplètes.

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Article passionnant! Bravo!

Quelques réflexions sur le sujet, à partir d'un point de vue assez différent :

http://faidutti.com/blog/?p=1536

Merci studiordl.
Merci M. Faidutti pour ce lien, cela va me permettre d'avoir un autre angle d'approche, chose très intéressante pour en apprendre sur le sujet. Merci encore

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Excellente analyse, bravo et merci.

Cet article promet une suite, mais déjà son contenu actuel est très intéressant.